C’est quoi une subrogation personnelle ?

subrogation personnelle

On entend par subrogation personnelle l’opération juridique par laquelle un lien de droit existant préalablement dans un contrat est transmis à une nouvelle personne, notamment le créancier d’une obligation.

Avant la réforme du droit des obligations, il était possible de distinguer cinq différents cas de subrogation légale. C’est l’ancien article 1251 du Code civil qui donnait la liste de ces cas.

Aujourd’hui, de façon classique, on distingue en droit civil deux types de subrogation : une subrogation dite personnelle et une subrogation dite réelle. Alors que la subrogation personnelle consiste dans le changement du créancier qui était partie au contrat par un nouveau créancier, la subrogation réelle quant à elle signifie le changement de la chose objet du contrat par une autre au sein des mêmes parties.

Dans notre présent développement, nous parlerons essentiellement de la subrogation personnelle. Pour ce faire, dans une première partie destinée à la présentation de la subrogation personnelle nous nous pencherons sur la définition et les hypothèques de la subrogation. La seconde partie aura pour but d’étayer le régime juridique entourant la subrogation personnelle.

Présentation de la subrogation personnelle

Généralités sur la subrogation personnelle

Définition de la subrogation personnelle

La subrogation personnelle désigne un mode juridique de paiement de dette. Elle permet à une tierce personne (le subrogé) de payer la dette d’un débiteur et remplacer alors le créancier initial dans ses droits et actions.

On peut se poser certaines questions primordiales sur la subrogation personnelle.

À quoi sert la subrogation personnelle ?

Habituellement utilisée en droit des contrats, la subrogation personnelle vise comme intérêt le paiement d’une dette entre un débiteur et son créancier. Une troisième personne, le subrogé, vient éponger ladite dette à charge pour lui de la réclamer auprès du débiteur.

Quelles qualités présente le jeu de la subrogation personnelle ?

Au prime abord, la subrogation personnelle permet de directement satisfaire le créancier initial. La solvabilité du subrogé permet au créancier de faire le recouvrement immédiat de ses fonds.

Ensuite, en payant la dette d’autrui, le subrogé peut agir contre le débiteur pour récupérer ses fonds. Il ne peut toutefois pas spéculer sur la somme versée au créancier.

Distinctions essentielles

En droit des obligations, deux notions juridiques s’apparentent très souvent à la subrogation et méritent d’être distinguées : il s’agit de la cession de créances et de la délégation.

La subrogation personnelle n’est pas une cession de créances

Il existe plusieurs niveaux de distinction :

  • Fonctionnement des deux contrats

Le but d’une cession de créances, c’est de parvenir à transférer les droits détenus par une personne sur un bien à une autre. Or la subrogation permet le changement de la personne titulaire de ce droit.

En réalité, même si les effets semblent être presque les mêmes, il faut noter que la nature du droit créé n’est pas la même. Dans la subrogation personnelle, ce n’est qu’accessoirement que nait le transfert de la créance du créancier initial vers le débiteur. Or dans la cession de créances, cette transmission de la créance s’opère à titre principal.

  • L’intention des parties

L’intention poursuivie, par ailleurs n’est pas le même dans les deux cas. Lors de la subrogation personnelle, la dette est payée afin que l’obligation entre les parties soit éteinte. Dans une cession de créances, le cédant n’a pas pour objectif l’extinction de la dette, mais il poursuit une transmission du lien de l’obligation en vue d’une contrepartie financière.

  • Les effets produits par les deux contrats

Ce qui est exigible par le solvens dans la subrogation personnelle, c’est exactement ce qui est dû. C’est pour cela que l’on considère la subrogation personnelle comme un moyen de paiement. Tel n’est pas le cas pour les cessions de créances. En effet, le débiteur cédé peut être actionné par son cessionnaire pour le paiement de la valeur nominale de la créance, qui peut être supérieure à ce qui était retenu au contrat.

  • La nature des consentements

Dans un contrat de cession de créances, le consentement du cédant est obligatoirement requis : on ne peut y déroger. Or selon le type de subrogation personnelle, on peut se passer du consentement de l’une ou l’autre des parties.

La subrogation personnelle n’est pas la délégation

Contrairement à l’effet de la novation, dans la subrogation personnelle, c’est une autre personne qui effectue le paiement de la dette, les deux se distinguent quand même sur certains points.

  • Fonctionnement des deux contrats

Le contrat de délégation n’implique aucune transmission de créance du délégant vers le délégataire pour que celui-ci en soit bénéficiaire. Or, la subrogation personnelle sans transfert de créance n’a pas sa raison d’être : c’est la créance cédée qui est sa caractéristique principale.

  • La nature des consentements

Quand on parle de délégation, on fait recours au consentement de toutes les parties au contrat. Il s’agit d’une règle obligatoire en ce que le délégataire doit consentir à avoir un nouveau débiteur. Or, comme souligné précédemment, il existe des types de subrogation personnelle où l’on peut se passer du consentement d’une des parties.

Les caractéristiques de la subrogation personnelle

Les parties en jeu dans la subrogation personnelle

Trois acteurs interviennent dans la subrogation personnelle : le créancier initial, le débiteur et le nouveau créancier.

Au départ, il existe un rapport d’obligation entre le créancier initial et le débiteur qui lui doit une dette. À travers le jeu de la subrogation personnelle, une tierce personne devient le nouveau créancier : c’est le subrogé. En réalité, après avoir payé les sommes dues par le débiteur, il prend la place du créancier initial (encore appelé créancier subrogeant). Le nouveau créancier va alors être subrogé dans les droits du créancier initial.

Le schéma ci-dessous fait ressortir le lien existant entre les parties dans une subrogation personnelle.

Les hypothèses entourant la subrogation personnelle

Nous pouvons distinguer ici deux cas : Le cas où la subrogation résulte de la loi et le cas où elle résulte de la volonté des parties.

La subrogation légale

Prévue par le législateur lui-même, la subrogation légale a cours de plein droit lorsque certaines conditions sont remplies. Il n’est point besoin que la décision favorable du créancier ou celle du débiteur soit consentie. Le subrogé bénéficie donc de la subrogation personnelle de plein droit.

C’est l’article 1346 du Code civil qui ressort les conditions dans lesquelles peut s’opérer la subrogation personnelle admise de façon légale en droit commun.

Selon les termes de cet article, l’existence d’un intérêt légitime est le socle de la mise en œuvre de la subrogation. Il faut en effet que le créancier ait des raisons suffisances pour procéder au paiement de la dette du débiteur.

Il peut s’agir d’un paiement total ou d’un paiement partiel. On déduit donc de cet article qu’une tierce personne n’ayant aucun intérêt manifeste qui paye la dette du débiteur ne pourra pas bénéficier de la subrogation personnelle légale. Peu importe qu’il s’agisse d’un tiers responsable ou non.

La subrogation conventionnelle

Ici, on peut diviser la subrogation conventionnelle en trois sous-catégories. D’abord, elle peut être faite par le jeu de volonté du créancier. Elle peut également être introduite par le débiteur sans intervention du créancier. Enfin, le créancier peut intervenir lorsque le débiteur initie la subrogation.

  • Le mode conventionnel de la subrogation initié par le créancier

Dans ce cas, le créancier ayant reçu le paiement de la dette que lui devait le débiteur de la part d’une tierce personne, va décider de subroger cette tierce personne dans ses droits, et ceci à l’encontre du débiteur. Cependant, certaines règles doivent être respectées avant qu’elle ne soit valide.

  • Elle doit être expresse:

Autrement dit, la subrogation doit être notifiée et connue de chaque cocontractant.

  • Elle doit être consentie en concomitance avec le paiement:

Sauf dans la situation où dans un acte particulier le subrogeant a exprimé son désir que ce ne soit seulement lors du paiement que la subrogation joue.

Exemple pratique : Monsieur Jean et Madame Anne habitent dans un même immeuble. Suite à un dégât des eaux occasionné par Monsieur Jean dans son appartement, Madame Anne se retrouve impactée par le sinistre. Disposant d’un contrat d’assurance en responsabilité civile auprès d’une compagnie d’assurance, Madame Anne se rend auprès de ses assureurs en vue de se faire indemniser. Une fois qu’elle a reçu les indemnités, Madame Anne va retourner aux assureurs la quittance représentant les indemnités reçues. À ce moment précis, la quittance devient subrogatoire puisqu’elle va servir de preuve de paiement à la compagnie d’assurance qui devient créancière de Monsieur Jean, auteur du dommage.

On retient de ce cas que le créancier subrogeant (Madame Anne) a reçu paiement de la dette du débiteur (Monsieur Jean) rendant ainsi son assureur subrogé dans ses droits. Ainsi c’est la compagnie qui dispose de l’action subrogatoire contre le débiteur par le biais de la quittance subrogative en sa possession.

*** En parlant de débiteur et de créancier, découvrez aussi le principe de l’action oblique. Une action juridique très importante qui permet au créancier d’agir contre le débiteur. Suivez le lien pour comprendre les effets de cette voie de droit. ***

  • La subrogation conventionnelle initiée par le débiteur sans intervention du créancier

Dans ce cas, c’est le débiteur seul qui agit en faisant un emprunt en vue de se libérer de ses dettes. Ce faisant, le prêteur se trouve subrogé dans les droits du créancier.

Quelques règles doivent être respectées également à ce niveau :

– La quittance subrogative doit être constatée devant notaire

Il est important que ce soit un acte authentique qui consacre la quittance

– L’acte d’emprunt doit être aussi un acte notarié

– La dette doit être assortie d’une échéance

La subrogation conventionnelle initiée par le débiteur avec l’intervention du créancier

Dans ce cas, avant de se constituer emprunteur auprès d’un tiers, le débiteur doit solliciter le concours de son créancier. Le principe fondamental dans ce mode de subrogation personnelle est que le créancier donne expressément son accord. Dans ce cadre, il est exigé la rédaction d’une quittance subrogative constatant la créance. Par ailleurs, cette quittance doit mentionner le paiement en vue d’être opposable aux tiers.

Le régime juridique de la subrogation personnelle

Les effets de la subrogation personnelle

La subrogation personnelle a d’abord un effet translatif par lequel la créance va quitter le patrimoine du créancier initial pour se retrouver dans celui du nouveau créancier. Ce transfert de créances se fait y compris avec tous les accessoires qui y sont greffés. Comme accessoires de la créance, on peut faire cas des diverses garanties et sûretés inhérentes aux biens réels. Il peut s’agir d’une hypothèque réalisée sur un bien immobilier, d’un cautionnement, d’un nantissement réalisé sur un fonds de commerce, etc.

Cas de paiement partiel

Toutefois, il faut se demander si l’effet translatif demeure en cas de paiement partiel. La réponse est positive, seulement le recours contre le débiteur ne sera possible au subrogé que dans les limites des sommes versées. Dans cette perspective, les droits du créancier demeurent dans les limites de ce qui lui reste et il pourra les exercer en priorité sur le subrogé.

Par ailleurs, le paiement partiel n’équivaut pas à l’extinction de l’obligation à la charge du débiteur. Avant d’être définitivement libéré, il doit payer intégralement le montant total dû. Dans le cas contraire, le subrogé a la possibilité d’exercer un recours pour récupérer les sommes non cédées.

Cas des vices attachés à la créance

Par ailleurs, il est important de mentionner que l’effet translatif de la créance permet aussi le transfert des potentiels vices qui la grèvent. Par conséquent, tout vice que le débiteur aurait pu invoquer à l’égard du créancier initial peut être invoqué à l’égard du subrogé. Le débiteur pourra invoquer par exemple l’extinction de l’obligation à sa charge ou la prescription de celle-ci.

Les restrictions de la subrogation personnelle

La question de l’opposabilité de la subrogation personnelle

Le régime général de l’opposabilité de la subrogation personnelle

La subrogation personnelle peut être opposable au débiteur ou à l’égard des tiers.

  • L’opposabilité à l’égard du débiteur

Avant que le nouveau créancier ne se substitue au créancier subrogeant, le débiteur doit être tenu informé. Il doit recevoir une notification signifiant la substitution et prendre acte. Dans le cas contraire, on ne peut lui opposer la subrogation.

Dans cette même optique, le débiteur a la possibilité d’invoquer la subrogation à partir du moment où il l’a su, ainsi il va l’opposer vis-à-vis du créancier initial qui ne pourra plus être payé.

  • L’opposabilité à l’égard des tiers

Dès que le paiement a été effectué par le subrogé, la subrogation personnelle devient opposable aux tiers.

L’opposabilité des exceptions

On peut se demander à juste titre quelles sont les exceptions attachées à la subrogation personnelle. Autrement dit, les exceptions que le débiteur pourra faire jouer contre le nouveau créancier après que celui-ci ait pris l’initiative de payer sa dette.

Tout d’abord, il faut faire cas des exceptions inhérentes à la dette elle-même. Il s’agit de situations qui affectent la dette ou l’obligation du débiteur.

Exemple : on peut citer à ce titre la nullité du contrat entre le créancier subrogeant et le débiteur. Aussi, lorsque le contrat est frappé par une exception d’inexécution suite à l’inexécution par le créancier de son obligation. Prenons aussi le cas où a connu une résiliation ou une résolution, le débiteur peut opposer cette exception au subrogé.

Il est utile de remarquer que la liste des exceptions inhérentes à la dette n’est pas exhaustive. L’analyse se fait au cas par cas par la cour.

Ensuite, lorsqu’il y avait déjà des exceptions nées du rapport entre le créancier initial et le débiteur, et que c’est après cette situation que le subrogé a versé la dette, le débiteur est en droit de lui faire opposer ces exceptions.

Exemple : on peut citer ici une remise de dette du créancier initial au débiteur, ou encore le paiement par le débiteur du montant de la dette.

Les limites de la subrogation personnelle

Tout d’abord, la subrogation personnelle s’opère dans les limites du paiement dû. Elle ne doit pas excéder ce montant au risque de devenir un enrichissement sans cause pour le subrogé (Lire aussi : Les conditions de l’enrichissement sans cause).

Ensuite lorsque le payeur ou le subrogé n’a effectué qu’un paiement partiel, il ne peut être titulaire conjointement avec le créancier initial. Autrement dit, il n’est pas sur le même pied d’égalité que le créancier initial lorsqu’il n’a payé qu’une partie de la dette. Ce que prévoit la loi, c’est que le créancier dispose d’un droit de préférence sur le subrogé.

Exemple pratique : Il existe une créance hypothécaire de 500.000 euros entre Monsieur Jacques (créancier) et Monsieur Pierre (débiteur). Madame Isabelle (subrogé) décide de payer en partie Monsieur Jacques et lui remet 300.000 euros. Pour finir, l’immeuble a été adjugé à 400.000 euros. Dans ce cas, Monsieur Jacques recevra 200.000 euros et Madame Isabelle recevra les 200.000 euros restants.

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Grace

Je suis une grande fan de Partiels-droit. C’est chouette de voir autant d’investissement sur ce projet que je soutiens à 100%.

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