Qu’est-ce que l’action oblique ?

Action oblique

L’action oblique est une action juridique qui permet au créancier d’agir contre le débiteur de son propre débiteur afin de corriger l’inertie de son débiteur qui de fait, compromet ses droits patrimoniaux.

Ce qu’il savoir c’est que l’action oblique, l’action paulienne et l’action directe constituent les actions pouvant être exercées par les créanciers qui souhaitent reconstituer leur droit de gage général sur le patrimoine de leur débiteur.

Compte tenu de l’effet relatif des contrats, un contrat ne devrait en principe avoir d’effets qu’entre les parties. Et pourtant, dans certains cas, la loi autorise l’une des parties, notamment le créancier, à exercer tous les droits et actions de son débiteur.

Selon l’article 1341-1 du Code civil : Dans la situation où « la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier », ce dernier peut alors les exercer pour le compte de son débiteur, exception faite de ceux qui sont exclusivement rattachés à la personne du débiteur.

Ainsi, pour dire les choses simplement : l’action oblique est une action exercée par le créancier à la place de son débiteur et à l’encontre du débiteur de ce dernier pour défendre ses propres intérêts.

L’action oblique est à différencier de l’action paulienne qui est une action permettant au créancier d’attaquer les actes accomplis par son débiteur en fraude de ses droits et de les faire déclarer inopposables à son égard. En plus de ces éléments frauduleux, le créancier agit en son nom et pour son propre compte.

L’action oblique suppose une inaction du débiteur envers son propre débiteur et cette inaction risquerait de compromettre à son tour les droits de son créancier pour obtenir le paiement de sa créance. Face à cette inertie, le créancier peut dès lors se prévaloir d’une action oblique à l’encontre du débiteur de son débiteur, c’est-à-dire de son sous-débiteur.

Voici un schéma explicatif :

Pour mieux comprendre cette action, prenons un exemple.

Supposons trois personnes : Monsieur A, Madame B et Monsieur C.

Monsieur A doit une somme d’argent à Madame B et Madame B, à son tour, doit une somme d’argent à Monsieur C.

Or, Madame B ne fait rien pour obtenir le paiement de sa créance à l’encontre de son débiteur Monsieur A. Monsieur C dispose donc d’une action oblique qu’il va exercer à l’encontre de Monsieur A pour se faire payer.

Il faut savoir que même si l’action oblique porte généralement sur une somme d’argent, il pourrait également s’agir d’une obligation de faire ou de ne pas faire.

Afin de mieux comprendre l’action oblique, il convient d’analyser les conditions tenant à l’action oblique, puis dans une seconde partie ses effets.

Par ailleurs, vous pouvez aussi découvrir sur notre site : Qu’est-ce qu’un acte juridique en droit français ? Cliquez sur le lien et découvrez sa définition complète !

Quelles sont les conditions d’exercice de l’action oblique ?

Lorsqu’une action oblique est intentée, le créancier va donc se substituer aux droits et actions du débiteur. L’exercice des droits et actions d’une personne par un tiers, qui est ici le créancier, constitue une intrusion dans les affaires d’autrui et doit donc être limitée. C’est pour cela que certaines conditions sont imposées au créancier pour protéger ses droits ainsi que pour exercer l’action oblique.

Conditions relatives à la créance

Premièrement, il faut que la créance existe et la preuve de son existence incombe au créancier. La jurisprudence a d’ailleurs ajouté certaines conditions à cette créance, notamment sur le fait qu’il est nécessaire que la créance soit certaine, liquide et exigible :

Certaine : la créance certaine est une condition commune avec l’action oblique. Il ne doit pas y avoir de doute dans l’existence de la créance, c’est-à-dire qu’elle doit être incontestable.

Liquide : elle pourra être évaluée et déterminée.

Exigible : elle est arrivée à son terme ou elle est arrivée à échéance, c’est-à-dire que le paiement peut déjà être réclamé.

À noter : la créance peut tout à fait être assortie d’une sureté ou pas. Cette action peut être exercée, peu importe la qualité du créancier, qu’il soit créancier privilégié ou créancier chirographaire.

Ensuite, ce qui la différencie véritablement à l’action paulienne c’est qu’aucune condition d’antériorité de la créance par rapport au droit que le créancier prétend exercer n’est exigée (Cass. Civ. 1ère, 25 mai 2005).

Cela signifie que la créance peut être antérieure ou postérieure à la naissance du droit exercé par l’action oblique.

Conditions relatives au débiteur : Son inertie

Selon la Cour de cassation dans un arrêt du 28 mai 2002, il y a carence « lorsque le débiteur ne justifie d’aucune diligence dans la réclamation du dû ».

Cette carence consiste en une négligence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions. Cette condition fondamentale a été initiée dans le souci d’éviter l’immixtion du créancier dans les affaires du débiteur normalement vigilant.

Cela signifie que le créancier ne pourrait plus exercer l’action oblique si le débiteur a déjà commencé à entreprendre des actions en réclamation de sa créance.

La mise en péril de l’intérêt du débiteur suppose donc un manque de diligence de la part du débiteur. En n’exerçant pas ses droits et actions, il prive ses créanciers d’une partie du patrimoine qui est le gage général et sur lequel ils sont en droit de compter.

Par conséquent, le créancier ne pourrait se prévaloir d’une action oblique si son débiteur dispose de liquidités suffisantes pour payer le débiteur.

Dans la pratique, cette mise en péril de l’intérêt du débiteur est caractérisée dès lors que son débiteur est insolvable.

Ici, le texte ne fait aucune différence entre le débiteur de bonne foi ou de mauvaise foi : si l’inaction du débiteur est due à une faute ou une simple impossibilité d’agir. Il suffit donc que le débiteur ne fasse rien pour que l’action du créancier soit fondée.

Exemple : Le débiteur dispose d’une créance exigible vis-à-vis de son débiteur, mais il n’en demande pas le paiement.

L’action oblique ne consiste pas au paiement direct du créancier, c’est-à-dire que le créancier ne pourra se faire payer directement par le sous-débiteur, il va tout d’abord faire intégrer le paiement dans le patrimoine du débiteur (Voir : La théorie du patrimoine d’Aubry et Rau). C’est une fois que son débiteur a reçu paiement de sa créance que ce dernier va par la suite régler ses dettes auprès de son créancier. Cela est d’autant plus nécessaire lorsqu’il existe plusieurs créanciers.

Conditions relatives au créancier

La première condition est que le créancier doit avoir un intérêt pour agir (qui est en somme la conséquence de l’inaction du débiteur mettant en péril sa créance), sans quoi, il ne pourra exercer l’action oblique. De ce fait, le créancier doit être titulaire d’une créance vis-à-vis du débiteur.

Exemple : Dans un arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 1984, un locataire peut exercer une action oblique à l’encontre d’un autre locataire qui ne suit pas les obligations contractuelles au nom de son bailleur et qui consiste en l’interdiction d’exercice d’une activité commerciale.

Il n’exerce pas une action personnelle : cela ne signifie nullement que le créancier agit en vertu d’un droit propre, différent de celui de son débiteur. Cela signifie plutôt qu’il exerce les droits et actions de son débiteur.

Par ailleurs, il faut que l’action oblique ait pour effet d’augmenter les actifs du débiteur ou les préserver. C’est suite à cela que le créancier peut exercer l’exécution forcée de son obligation.

Cela s’explique par le fait que le créancier ne peut agir lorsque l’action aurait pour effet de procurer au débiteur un bien insaisissable tel qu’une pension alimentaire.

Puisque l’action porte sur le patrimoine d’un tiers au demandeur, le débiteur peut toujours contester l’action en démontrant que son créancier n’a pas d’intérêt pour agir (Cass. Civ, 11 juillet 1951).

De ce fait, le créancier ne pourrait exercer l’action oblique en matière de liquidation judiciaire puisque ce droit est détenu exclusivement par le liquidateur et que le créancier ne peut se substituer aux droits ainsi qu’aux actions du liquidateur (Cass. Com, 3 avril 2001).

Il n’a pas non plus la possibilité de demander des dommages et intérêts pour le préjudice moral devant un tribunal au nom de son débiteur (Cass. Com, 28 avril 1978)

Ou encore, selon la Cour de cassation : « La reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié » (Cass, soc, 13 juillet 2004).

Dans le cadre d’une donation, le créancier ne pourra ainsi exercer une action en levée de la clause d’inaliénabilité à la place du donataire (Civ, 1 ère, 25 mai 2004).

En outre, l’action du créancier n’est subordonnée à aucune autre condition que celle dont le débiteur est subordonné s’il avait exercé l’action. Ainsi, lorsque l’action du débiteur envers son débiteur est prescrite, le créancier ne pourra pas lui opposer la fin de non-recevoir.

À noter : l’exercice des droits du créancier ne doit porter que sur un droit préexistant, c’est-à-dire qu’il ne peut acquérir de nouveaux droits au nom du débiteur. Cette disposition est émise dans l’idée encore une fois, de limiter cette immixtion dans le patrimoine du débiteur.

Exemple : Il peut demander le paiement d’un bien vendu, mais il ne peut pas en revanche demander la vente d’un bien.

Les droits et actions pouvant être exercés par le créancier

Il s’agit ici pour le créancier d’agir en justice lorsque le débiteur néglige de le faire en vertu d’un droit qu’il possède. C’est pour cela qu’il est plus correct de dire que le créancier a exercé une action du débiteur par voie oblique.

En principe, ses droits recouvrent l’ensemble des droits du débiteur qui peuvent être de nature contractuelle ou extracontractuelle. Il pourrait s’agir d’une action en revendication, d’une action en paiement, d’une action en partage, d’une action en responsabilité civile ou encore d’une action en nullité. En somme comme vous l’aurez sans doute compris, toutes sortes d’actions peuvent être exercées par le créancier.

Il existe tout de même des exceptions telles que le mentionne l’article 1341-1 du Code civil : « À l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à la personne ». Cela signifie que toutes les actions ainsi que les droits de natures patrimoniaux et extrapatrimoniaux subordonnés à la considération de la personne du débiteur sont exclus.

Exemple : une action en divorce, une action en révision d’une pension alimentaire ou encore une action en contestation de paternité.

Ainsi, quand bien même l’inertie du débiteur pourrait préjudicier les doits du créancier, le débiteur conserve néanmoins la maitrise de ses droits et actions rattachés à sa personne.

Quels sont les effets de l’action oblique ?

L’effet principal de l’action oblique consiste bien évidemment de protéger les intérêts du débiteur.

Dans le cadre de cette action, le demandeur est le créancier et le défendeur, le sous-débiteur. Ainsi, il n’est pas nécessaire de remettre en cause le débiteur négligent, c’est-à-dire qu’il peut être une partie, mais ce n’est pas une obligation alors que pour l’action paulienne, les deux (le débiteur et le sous-débiteur) sont parties au procès.

Ces effets peuvent s’expliquer très simplement à partir de la constatation que le créancier ne fait qu’exercer l’action dont son débiteur est titulaire. D’ailleurs, le texte a précisé : « pour le compte de son débiteur ».

Par la suite, le tiers poursuivi par le créancier agissant par voie oblique est dans la même situation que si le demandeur était le débiteur lui-même. On peut donc lui opposer toutes les exceptions et tous les moyens de défense qu’on aurait pu faire valoir contre le débiteur, et cela même si des exceptions ou des moyens de défense ont leur origine dans des faits postérieurs au début de l’instance.

La décision qui sera rendue aura effet à l’égard du débiteur lui-même tout comme envers le créancier agissant. Il faut savoir que le débiteur reste le maître de gestion de ses droits et il peut reprendre l’action à son compte tout comme il peut y mettre fin à tout moment.

Lorsque l’action a été menée jusqu’à son terme et que le créancier a obtenu gain de cause, c’est le débiteur qui est censé avoir triomphé. Le montant de la condamnation va alors réintégrer son patrimoine pour constituer le gage de tous les créanciers sans que celui qui a agi ait un droit de préférence quelconque. L’exercice de l’action oblique par un créancier ne lui confère aucun privilège. L’action oblique a donc un effet collectif.

Tous les autres créanciers du débiteur bénéficient de l’exercice de l’action exercée par un des créanciers qu’il ait participé ou non à l’action. Contrairement à l’action paulienne dont l’issue ne profite qu’au créancier qui a exercé l’action.

À noter : le montant de la condamnation ne se borne pas au montant de la créance que le créancier a contre le débiteur.

Exemple : Si la créance du créancier envers le débiteur est de 100 000 euros et que le montant recouvert par l’action est 200 000 euros, la condamnation ne se limitera pas à la somme de 100 000 euros, mais bel et bien sur les 200 000 euros.

En d’autres termes, seul le débiteur est en droit de bénéficier de l’issue du procès en cas de succès de l’action exercée par le créancier, et c’est seulement par la suite que le créancier pourra en bénéficier en pratiquant une saisie de la somme. Le créancier est donc un bénéficiaire indirect de l’action oblique qu’il exerce.

Ceci a pour conséquence de rendre en pratique l’action oblique très rare. Un créancier hésite souvent dans les faits à courir le risque d’un procès dont il supportera seul les frais en cas de perte, mais dont il devra partager le profit en cas de gain.

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VERSMEE

Article très accessible et détaillé.

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