Une servitude est une charge imposée à ce que l’on appelle un fonds. Ce fonds est un fonds servant au profit du fonds dominant qui appartient à un bénéficiaire. Par ailleurs, une servitude est aussi l’une des sous-composantes du droit de propriété avec l’usufruit. Le présent article a pour but de donner un aperçu global de ce que recouvre la notion de servitude. Tout d’abord, dans une première partie, nous donnerons une définition de la servitude qui sera accompagnée de la classification des servitudes en droit français. Dans une partie 2, nous présenterons le régime juridique qui encadre la notion de servitude.
Servitude : Définition
Clarification de la notion de servitude
Explication et définition de servitude
Le fondement juridique de la servitude se trouve dans l’article 637 du Code civil. Le législateur a défini la servitude comme une contrainte qui relie deux fonds appartenant à des propriétaires différents. De façon claire, la notion de servitude implique un fonds dominant et un fonds servant. À titre illustratif, les droits de passage sur un terrain donné sous-entendent l’existence d’une servitude.
Pour mieux comprendre la servitude, il faut retenir qu’elle fait recours à une situation où un fonds est assujetti à un autre, de telle sorte que nait une relation entre les propriétaires de chacun de ces fonds.
Les sources du droit de servitude
On peut retrouver les servitudes dans plusieurs domaines du droit. Tout d’abord, en droit commun, c’est le Code civil qui consacre la notion de servitude à travers les articles 637 à 710. Le type de servitude consacré en droit civil est celui relatif au foncier.
Cependant, on peut en retrouver également au sein du code de l’urbanisme et des documents d’urbanisme des servitudes qui sont qualifiées de servitudes d’urbanisme ou encore de servitudes d’utilité publique.
La distinction principale pour les servitudes d’utilité publique, c’est qu’elles ne tiennent pas lieu des notions de « fonds dominant » ou « fonds servant » comme c’est le cas pour les autres servitudes. Ici ce qui importe c’est l’intérêt général et le respect de l’ordre public. Comme exemple de servitude d’utilité publique, on peut faire cas du passage piéton admis sur une partie de la voie publique.
La notion de servitude est également consacrée dans le code rural et dans le code forestier.
Les éléments qui composent le droit de servitude
À la lecture de l’article 637 du Code civil, trois éléments composent le droit de servitude. Le schéma ci-dessous présente les composantes de la servitude :
L’existence d’un fonds
Quand on parle de servitude, il est fait référence à une charge imposée sur un domaine. Ainsi, la servitude implique nécessairement un domaine immeuble. C’est pour cette raison qu’il est dit que la servitude est un droit réel immobilier.
Cependant, ce n’est sur tous les immeubles que s’applique le droit de servitude. Seuls sont concernés les immeubles par nature (le sol, les bâtiments, les canalisations souterraines, etc.).
On comprend donc qu’il faut exclure du champ d’application :
- Tous les biens meubles (les meubles par nature, les matériaux issus de la démolition des constructions, les meubles meublants, etc.).
- Il faut y inclure aussi les meubles par anticipation tel que prévu par le Code civil (les plantations, les ouvrages temporaires, etc.).
- Les immeubles par destination (Voir la définition d’après l’article 518 du Code civil) ne peuvent pas faire objet de servitude non plus.
La distinction des propriétés
Pour qu’on parle de servitude, il faut d’abord l’existence de deux fonds distincts. Par ailleurs, il faut également que les propriétaires soient distincts l’un de l’autre.
Mais on peut se poser la question de savoir : est-il nécessaire que les propriétés soient mitoyennes ? La réponse est négative.
La servitude n’impose pas un critère de mitoyenneté entre les propriétés. Autrement dit, on ne cherchera pas à savoir si les domaines sont contigus. Toutefois, il est impératif que les deux fonds soient situés dans le même voisinage pour que le droit de servitude puisse jouer.
Pour ce qui concerne le cas de fonds en copropriété, il se pose également la question de savoir si l’on peut assujettir des parcelles privatives à la faveur d’autres, alors que les deux appartiennent à une même personne.
Par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a finalement accepté, en date du 30 juin 2004, qu’il était bien possible de créer un droit de servitude entre des parties privatives d’un domaine appartenant aux mêmes propriétaires.
Le lien d’affectation entre les fonds
Pour que le droit de servitude conserve son sens, il faut que la servitude soit caractérisée par une utilité, notamment en faveur du fonds dominant. Encore une fois, il faut préciser qu’il s’agit d’un droit réel immobilier, ce qui implique que ce n’est pas au propriétaire du fonds que l’utilité est constatée, mais à l’endroit du fonds dominant lui-même.
La conséquence directe est que le propriétaire du fonds dominant ne doit pas procéder à l’aggravation du droit de servitude au-delà des limites de l’utilité que celui-ci lui confère.
Par exemple, s’il dispose d’une servitude de passage sur un terrain, il ne peut la transformer en droit de chasse.
Présentation des formes de servitude
La classification des différentes formes de servitude peut se faire en plusieurs volets.
Classifications selon la nature de la servitude
La servitude continue et la servitude discontinue
Une servitude est dite continue lorsqu’elle ne requiert pas l’action de l’homme. Ainsi, une canalisation, un égout ou un écoulement des eaux pluviales seront considérés comme des servitudes continues.
On parle de servitude discontinue lorsque l’action de l’homme est requise. C’est le cas notamment pour le droit de passage ou un droit de puisage.
La servitude apparente et la servitude non-apparente
Comme son nom l’indique, la servitude est apparente lorsqu’elle est relative à un ouvrage extérieur comme une porte ou un pont, etc.
Cependant quand on dit qu’elle est non apparente, cela signifie qu’il n’existe aucun signe extérieur permettant de les reconnaître. Une stipulation interdisant de construire sur un fonds est une servitude non apparente.
Classifications selon le mode d’établissement
Les servitudes imposées par la loi
Il s’agit de servitudes légales que le législateur a mises en place pour assurer l’intérêt entre le voisinage. On distingue :
La servitude tenant à la situation du domaine : c’est le cas lorsqu’un domaine est géographiquement bas par rapport à l’autre. Dans ce cas, le fonds inférieur recevra les eaux pluviales qui couleront du domaine surélevé.
La servitude relative aux plantations : Lorsqu’un propriétaire veut planter des arbres sur son domaine, il doit considérer une distance recommandée.
Les servitudes issues de la volonté de l’homme
Dans ce cas, le droit de servitude provient de la volonté manifeste de chacun des propriétaires du fonds servant et dominant. Le droit de servitude dans ces cas peut être constaté de différentes manières :
La servitude constatée par le titre : il s’agit de celle créée par un acte sous seing privé ou par un acte notarié.
La servitude constatée par destination du père de famille : Tout d’abord, il faut mentionner que ce type de servitude ne concerne que celles qui sont apparentes et continues. Ensuite, on parle de destination du père de famille, lorsque les deux domaines appartenaient à un propriétaire unique qui a décidé lui-même de la situation de servitude.
Pour exemple d’une servitude par destination du père de famille, on peut mentionner la construction de canalisation traversant deux domaines de telle sorte à évacuer les eaux usées du fonds dominant vers le fonds servant.
Le régime juridique relatif à la notion de servitude
La constitution d’une servitude en droit français
Caractéristique juridique de la servitude
Il s’agit à ce niveau de présenter les caractères qui sont attachés à la notion de servitude en droit français.
La servitude a un caractère réel
La servitude ne s’applique pas sur une personne, mais sur une chose, notamment le fonds. En d’autres termes, ce n’est pas le propriétaire du fonds dominant qui est concerné par la servitude, mais plutôt le fonds dominant lui-même. Nous sommes donc dans une situation de droit réel qui met en jeu des relations avec une chose.
C’est justement dans cette optique qu’en droit français l’exercice de la servitude, qui oblige le propriétaire du fonds servant à accomplir une prestation donnée, n’est pas autorisé.
La servitude a un caractère accessoire
À côté du fait qu’elle fait partie des droits réels, il faut préciser que la servitude est un droit accessoire. Ceci voudra dire qu’on ne peut dissocier le droit de servitude du droit de propriété (à la fois du fonds dominant comme du fonds servant).
Pour être plus précise, lorsque le droit de propriété est transmis à une personne, la servitude qui y est greffée l’accompagne. Ainsi, les propriétaires successifs du fonds dominant seront bénéficiaires de la servitude. De même, les propriétaires successifs du fonds servant seront assujettis par la servitude.
Pour finir, lorsque le droit de servitude est au bénéfice de l’usufruitier du fonds dominant (Voir droit des biens), il n’en est pas pareil pour celui qui est locataire du fonds. La raison est que le locataire ne dispose pas d’un droit réel sur le fonds dominant. Il ne bénéficie que d’un droit personnel à l’endroit du propriétaire du fonds.
La servitude a un caractère perpétuel
Ce caractère découle du précédent. S’il est dit que le propriétaire d’un fonds est bénéficiaire de facto de la servitude qui lui est reliée, ceci permet d’en déduire que la servitude dure autant que durent les fonds auxquels elle est rattachée. En réalité, une servitude est perpétuelle puisqu’elle est souvent rattachée aux biens immeubles contigus dont la pérennité est établie.
Toutefois, le caractère perpétuel ne signifie pas que la servitude ne peut se perdre. Par exemple, s’il n’est pas constaté un usage continu de la servitude sur une période de trente ans, celle-ci peut être appelée à disparaitre.
Il est important ici de mentionner que la Cour de cassation en date du 22 mars 1989 a estimé qu’est illicite la servitude prévue par les consorts X pour une durée temporaire.
L’établissement de la servitude
L’établissement de la servitude peut se faire, soit par la rédaction d’acte sous seing privé, soit par un acte notarié. Cependant, les propriétaires qui constatent un droit de servitude par acte sous seing privé encourent plusieurs risques. Le plus important de ces risques est qu’il n’existe pas une garantie permettant aux propriétaires successifs des fonds d’être au courant de l’acte constitutif de la servitude.
Il est possible aussi pour de tierces personnes de contester une servitude conclue par acte sous seing privé. Si, en revanche, les servitudes ont été constatées par acte authentique, leur opposabilité envers les tiers ne peut être contestée. Mais si elles sont constatées par actes sous seing privé, il va falloir s’assurer de la régularité de l’acte avant de les rendre opposables aux tiers.
Par ailleurs, en cas de vente d’un fonds grevé par une servitude, le notaire responsable de l’acte de vente prend les dispositions qui sont nécessaires en matière de publicité foncière et de vérification avant la transaction finale.
Le fonctionnement de la servitude
Pour ce qui concerne le propriétaire du fonds dominant
De son côté, il dispose d’un droit d’usage que lui confère la servitude. Celui-ci peut se traduire encore sous la forme d’un droit de passage dont il a la jouissance par le biais de la servitude.
Selon l’article 696 al1 du Code civil, lorsqu’un droit de servitude est consenti, il l’est concomitamment à tous les autres droits réels nécessaires pour sa jouissance.
Exemple pratique : Supposons qu’il existe une servitude de puisage entre deux fonds contigus. Pour bénéficier de ce droit de servitude, il est impératif que le propriétaire du fonds dominant exerce également un droit de passage. On admet donc que le droit de passage implique parallèlement la servitude de passage.
Il est également possible pour le bénéficiaire de la servitude d’ériger tout ouvrage indispensable à la jouissance de son droit. C’est l’article 697 du Code civil qui lui en donne la possibilité.
Toutefois, les servitudes établies ne peuvent être modifiées par la suite : on parle du principe de fixité de la servitude. En effet, il n’est pas possible pour le propriétaire du fonds dominant de procéder à une modification de la servitude. Il ne peut pas, par exemple, déplacer la portion de la parcelle sur laquelle il bénéficie d’une servitude de passage.
Concernant le mécanisme de protection du droit de servitude, il faut reconnaître qu’il est possible pour le propriétaire du fonds dominant d’exercer une action confessoire de servitude. Cette action a pour but la reconnaissance à son endroit du droit de servitude.
Pour ce qui concerne le propriétaire du fonds servant
Il pèse sur la tête du propriétaire du fonds servant le respect strict de la servitude tel que prévu. Par application du principe de fixité, le propriétaire du fonds servant ne doit pas ériger des ouvrages de telle sorte à rendre le droit de servitude moins commode au propriétaire du fonds dominant. C’est l’article 701 al1 du Code civil qui prévoit cette disposition.
Cependant, le propriétaire du fonds servant à la possibilité de contraindre le propriétaire du fonds dominant à déplacer l’assiette de la servitude. Dans ce cas, il détermine une autre assiette qui est imposée au propriétaire du fonds dominant.
Au moment de la contestation d’un droit de servitude à son endroit, le propriétaire du fonds servant peut exercer une action négatoire de servitude.
Extinction de la servitude
Plusieurs situations peuvent permettre d’éteindre un droit de servitude.
Les causes d’extinction reconnues en droit commun
La renonciation
L’une des voies d’extinction de la servitude se retrouve dans la situation où le bénéficiaire du droit de servitude c’est-à-dire le propriétaire du fonds dominant renonce à jouir de ce droit.
La fin de l’échéance prévue
Dans le cas d’une servitude conventionnelle, l’arrivée du délai prévu équivaut à l’extinction du droit de servitude. Pour connaitre la survenance de ce terme, il faut recourir à l’acte constitutif du droit de servitude. Par ailleurs, les modalités d’exercice dudit droit y sont consignées également.
Disparition des conditions
Cette modalité d’extinction est propre aux servitudes légales. En effet, lorsque disparaît les circonstances qui ont permis la servitude, ce droit disparait aussi par la même occasion.
À titre d’illustration, prenons le cas d’une servitude de passage sur un fonds voisin dû à une situation d’enclave. Lorsque l’état d’enclave n’existe plus, la servitude qui y était attachée n’existe plus également.
Les causes d’extinctions spécifiques à la servitude
Le cas d’impossibilité d’exercice de la servitude
Lorsque les conditions sont telles que la servitude n’a plus son utilité, le droit finit par s’éteindre.
Le cas de la prescription
Si tout au long de l’écoulement du délai de trente ans, le droit de servitude n’a pas été exercé, il finit par disparaître. Toutefois, il faut préciser que la prescription trentenaire ne concerne pas les servitudes légales, elle n’agit que sur les servitudes conventionnelles.
Par ailleurs, selon qu’il s’agit d’une servitude continue ou d’une servitude discontinue, la prise en compte du délai trentenaire n’est pas le même. Dans le cas des servitudes continues, c’est à partir du moment où un acte contraire à la servitude a eu lieu, que commence le délai trentenaire. Dans le cas des servitudes discontinues, c’est à partir du jour du dernier acte de servitude que commence le délai trentenaire.
Le cas de la confusion
L’extinction de la servitude peut aussi avoir pour cause la situation de confusion juridique. Il s’agit d’une situation où une même personne devient propriétaire des deux fonds. Ainsi, la servitude est éteinte, lorsque le propriétaire du terrain dominant devient acquéreur du fonds servant. C’est la même situation en cas d’héritages, de donations, etc.
Toutefois, mentionnons qu’il n’y a pas de servitude lorsque plusieurs copropriétaires ont des propriétés dont les unes sont des fonds servants aux autres.