Qu’est-ce que l’usufruit ?

Usufruit

L’usufruit est le droit par lequel une personne appelée l’usufruitier a la possibilité de jouir d’une chose en percevant des revenus tirés de cette chose que l’on nomme aussi un bien tout en l’utilisant comme s’il était le propriétaire du bien. Partons d’une illustration simple pour mieux comprendre la notion de l’usufruit.

Monsieur Jacques Dupont est propriétaire d’un immeuble. Il dispose alors sur cet immeuble d’un droit de propriété que l’on peut subdiviser en trois catégories. Tout d’abord s’il décide d’habiter l’immeuble lui-même ou avec les membres de sa famille, on dira qu’il exerce son droit d’usage. Ce droit d’usage est l’une des composantes du droit de propriété.

Ensuite, il peut décider de louer l’immeuble et d’en percevoir les fruits c’est-à-dire le loyer. Ce faisant, on dira qu’il a exercé son droit de fructus qui est l’autre composante du droit de propriété.

Enfin, il peut décider de vendre son immeuble, ce qui l’amène à exercer la dernière branche de son droit de propriété connue sous le nom de l’abusus. En somme : l’usus, le fructus et l’abus sont les attributs du droit de propriété.

Cependant, Monsieur Jacques ayant la pleine propriété de son bien, il peut tout aussi bien décider de séparer les branches précitées des droits de propriété dont il dispose sur son bien.

C’est de là que nait la notion d’usufruit. Il peut en effet décider de laisser son petit frère Paul Dupont habiter une partie de la maison par exemple. Mieux, il peut aussi autoriser Paul Dupont à recueillir ainsi qu’à jouir des loyers des locataires de l’autre partie de l’immeuble. Ces privilèges conférés à son frère prennent le nom d’usufruit.

Monsieur Jacques devient alors un nu-propriétaire tandis que son petit frère Paul sera appelé un usufruitier. Autrement dit, le bien dont il avait la pleine propriété est scindé en deux types de droits distincts : à savoir la nue-propriété et l’usufruit.

Dans le présent article, nous présenterons la notion de l’usufruit. Notre développement se fera en deux parties. Dans une première partie, nous aborderons l’aperçu général de la notion d’usufruit. Dans une seconde partie, nous présenterons le régime juridique qui caractérise l’usufruit.

Aperçu général de la définition d’usufruit

Présentation de l’usufruit

Définition de l’usufruit

La définition de l’usufruit la plus simple serait dire que l’usufruit fait partie de la catégorie des droits réels en ce sens qu’il porte sur un bien meuble ou immeuble. Il permet à celui qui en est titulaire de pouvoir bénéficier d’une partie du droit de propriété sur un bien. Comme mentionné ci-dessus, l’usufruit est l’autre versant de la nue-propriété.

Le schéma ci-dessous permet de récapituler la composition du droit de propriété :

C’est l’article 578 du Code civil qui donne une définition précise du contenu de l’usufruit. Selon cet article, l’usufruitier possède une partie des droits que détient le plein propriétaire. Il détient notamment le fructus et l’usus. Ainsi, il pourra percevoir les fruits et les revenus qui découlent du bien : on parle du droit de jouir du bien. Il pourra aussi utiliser le bien à sa guise : on parle alors du droit d’usage du bien.

En revanche, il ne disposera pas du pouvoir de s’en séparer, par exemple en le vendant ou en le donnant à une autre personne : Il s’agit là du droit de disposer du bien. En effet, c’est seulement celui qui possède la nue-propriété qu’appartient ce droit et c’est lui seul qui peut se séparer du bien. On dit encore que c’est le nu-propriétaire qui détient l’abusus sur le bien.

La distinction de l’usufruit avec les autres droits

Au regard de la définition de l’usufruit apportée ci-dessus, on peut distinguer le droit d’usufruit d’autres droits qui y ressemblent. Par exemple, l’usufruit n’est pas une servitude malgré qu’il s’agisse aussi d’un droit réel, la servitude ne prévoit que le simple droit d’usage. Mais à ce droit, l’usufruit rajoute la possibilité de percevoir les revenus et les fruits tirés du bien.

Dans les autres catégories de droit d’usage, on peut inclure le droit d’habitation qu’il faut aussi distinguer de l’usufruit. Le droit d’habitation par exemple permet à la personne qui en est titulaire de vivre dans un logement sans avoir la capacité d’en faire la location à autrui ni d’en percevoir les loyers.

Les sources de l’usufruit

En droit civil, on peut constituer l’usufruit par trois moyens : soit par le biais d’un fondement légal, soit par le fondement de la volonté des personnes ou enfin par le biais de la prescription acquisitive.

L’usufruit fondé sur la loi

À ce niveau, deux possibilités sont à considérer et elles découlent du postulat où l’usufruitier est décédé. Si le titulaire de l’usufruit décède, on cherchera à savoir s’il y a un conjoint survivant. Dans le cas positif, c’est au conjoint survivant qu’il reviendra de recueillir l’usufruit de tous les biens qui existent. Mais s’ils avaient des enfants, le conjoint survivant n’aura droit qu’au ¼ de l’ensemble des biens. En effet, dans ce cas, les enfants viendront à la succession de l’usufruitier au même titre que le conjoint survivant.

Par ailleurs, le législateur a prévu que les parents disposent automatiquement d’un droit de jouissance quant aux biens appartenant à leur enfant n’ayant pas encore atteint l’âge de majorité. Tant qu’ils sont mineurs, ce sont les parents qui sont les usufruitiers de leurs biens, à charge pour eux de les restituer dès que commence la majorité des enfants.

Ceci s’applique souvent aux héritiers disposant de plusieurs biens immeubles, mais encore mineurs. Les parents ne doivent aller au-delà de la jouissance des biens parce qu’une fois majeur, leur droit d’usufruit cesse et les héritiers rentrent dans la pleine propriété desdits biens.

L’usufruit provenant de la volonté humaine

Ici, il faut préciser que les titulaires du droit de propriété peuvent prendre des actes par lesquels ils s’octroient entre eux des droits réels. Il peut s’agir d’un acte conventionnel retenu entre les parties ou d’un acte authentique que les parties se font établir auprès des officiers reconnus par l’État.

Ainsi, une personne peut inscrire dans son testament de faire bénéficier à une autre des droits d’usufruit sur des biens particuliers lui appartenant.

L’usufruit provenant de la prescription acquisitive

Pour rappel, on attend par prescription acquisitive en droit des biens le fait pour une personne de devenir le propriétaire légitime d’un bien pour l’avoir gardé, utilisé et possédé pendant une durée donnée.

Si l’on part du postulat que le droit de propriété peut s’obtenir par ce moyen, il faut aussi reconnaître que le droit d’usufruit peut également s’obtenir par la même voie. Autrement dit, la possession prolongée peut conférer au titulaire du bien un droit d’usufruit.

Les mêmes règles restent en vigueur en matière de prescription acquisitive. Par conséquent, si l’usufruit porte sur des choses mobilières, il est instantanément établi (celui chez qui l’on voit un bien meule doit être considéré comme le propriétaire). Cependant s’il porte sur un bien immeuble, il faudra prendre un compte un délai de trente années de possession avant que l’usufruit ne soit établi.

Les spécificités de l’usufruit

Les caractères de l’usufruit

Tout d’abord, il faut le mentionner que le droit d’usufruit est pour la plupart du temps un droit viager. On parle de droit viager lorsque celui-ci change par rapport à la situation d’une personne en particulier. Dès que cette personne décède, le droit prend également fin. Dans ce sens, quand on parle d’usufruit viager, cela signifie que dès le décès de l’usufruitier, ce droit n’existe plus.

On distingue par ailleurs deux caractères généraux de l’usufruit :

Le caractère réel de l’usufruit

L’usufruit est nécessairement un droit réel. Cela signifie qu’il s’applique par rapport à une chose et non par rapport à une personne.

Exemple pratique : Dans un contrat de bail, on dénote un droit personnel. En effet, le contrat de bail met en relation le bailleur et son locataire. Le bailleur n’a d’obligations qu’envers son locataire et rien que lui. La loi impose par exemple qu’il offre à celui-ci une jouissance en toute quiétude du bien qu’il a loué.

Or, il n’en est pas ainsi de l’usufruit qui, lui, est un droit réel. La seule chose que reconnait celui qui a la nue-propriété, ce sont les droits de l’usufruitier qu’il est tenu de respecter. Au-delà de cet aspect, aucune autre obligation ne lie le nu-propriétaire à la personne de l’usufruitier.

Le caractère temporaire de l’usufruit

L’autre spécificité du droit d’usufruit c’est qu’il est encadré dans le temps. On dit qu’il s’agit d’un droit temporaire. Selon le Code civil, lorsqu’il s’agit de personnes physiques, si celui qui détient les droits d’usufruit décède, l’extinction du droit d’usufruit l’accompagne. Quant aux personnes morales, il est prévu que l’usufruit est encadré par un délai de trente ans.

Par conséquent, la transmission de l’usufruit ne peut se faire de la même manière que la transmission de la propriété. L’usufruit ne se transmet pas à cause de la mort du titulaire. Ce n’est que lorsque l’usufruitier est en vie qu’il peut transmettre son usufruit.

L’objet de l’usufruit

Il faut se poser la question de savoir : sur quoi peut porter le droit d’usufruit ? En réalité, il peut porter sur toute chose.

  • L’usufruit peut s’appliquer à la fois sur des biens meubles que sur des choses immobilières, peu importe la classification de ces biens.

On peut donc constituer un usufruit sur un bâtiment construit (qui est un bien immobilier), sur un véhicule (qui est un bien mobilier), etc.

  • L’usufruit peut également s’appliquer sur des choses corporelles comme sur des biens incorporels.

On peut dès lors constituer un usufruit sur des valeurs mobilières (qui sont des biens incorporels), sur un immeuble composé d’appartement (qui est un bien corporel), etc.

  • L’usufruit peut aussi porter sur des biens consomptibles comme il peut porter sur des biens qui ne sont pas consomptibles.

On comprend alors qu’un usufruit peut-être établi sur des habitations (qui sont des biens non consomptibles), sur de l’argent ou des liqueurs de boissons (qui sont des biens consomptibles).

  • L’usufruit peut également porter sur un bien patrimonial unique comme il peut porter sur le patrimoine tout entier.

Le régime juridique de la nue-propriété et de l’usufruit

Pour aborder le régime juridique relatif à l’usufruit, il faut considérer les droits et obligations de l’usufruitier ainsi que ceux du nu-propriétaire.

Les droits et obligations de l’usufruitier

Les droits de l’usufruitier

Les droits de l’usufruitier sont de trois ordres. Ainsi, il dispose d’un droit d’usage du bien suivi de celui de la jouissance dudit bien. Par rapport au droit de jouissance, il faut préciser que l’usufruitier ne peut pas percevoir les produits découlant du bien. Il ne peut se contenter que des fruits et des revenus potentiels.

La raison fondamentale est que la diminution des produits implique également la diminution de la substance du bien lui-même. Or si le bien diminue jusqu’à disparaitre, c’est que le droit d’abuser du bien a été exercé, ce qui n’est pas permis à l’usufruitier.

Ensuite, l’usufruitier a la possibilité de mettre en œuvre une action confessoire. Par cette action, il a la possibilité de demander aux cours et tribunaux de lui reconnaitre son droit et de le rendre opposable à l’égard des tiers.

Enfin, l’usufruitier a la possibilité de faire la cession de ses droits à une autre personne.

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Les obligations de l’usufruitier

L’usufruitier n’a pas que des droits, il a aussi des devoirs qu’il est tenu de respecter.

Tout d’abord, l’usufruitier a le devoir de conservation. Ceci implique que le bien ne doit pas subir de dégradation entre les mains de l’usufruitier. Il doit aussi respecter ce à quoi le bien est destiné.

C’est la raison pour laquelle, dès le début de l’acte d’usufruit ou de la jouissance de ce droit, l’usufruitier a la charge de rédiger un document dont le but est d’approuver la conservation du bien.

Par ailleurs, il repose sur la tête de l’usufruitier une obligation de jouir de la chose de façon raisonnable. Dans sa jouissance, il doit se mettre à la place du plein propriétaire et se comporter diligemment.

Aussi, c’est à la charge de l’usufruitier que revient l’entretien de la chose. Ceci voudrait dire que c’est lui qui doit supporter toutes les réparations d’entretien relatives au bien. C’est ce que confirme la Cour de cassation à travers son arrêt du 21 mars 1962. Dans cette même perspective, s’il y a de grosses réparations à faire, c’est au nu-propriétaire de s’en charger. Toutefois, celui-ci ne doit pas y être obligé par l’usufruitier.

Une autre obligation à la charge de l’usufruitier est qu’il doit payer toutes les charges usufructuaires. On entend par charges usufructuaires celles qui sont payées en contrepartie de l’utilisation du bien.

Par exemple, une taxe foncière qui est payée sur un terrain bâti ou une propriété foncière non bâtie est à la charge de l’usufruitier. De même, il est soumis au paiement d’une taxe d’habitation si son usufruit porte sur un logement ou un habitat.

Enfin, l’usufruitier doit procéder à la restitution du bien. Comme convenu avec le nu-propriétaire, celui qui a bénéficié de l’usufruit doit rendre le bien. S’il décède, il revient à ses héritiers de retourner le bien au nu-propriétaire. En règle générale, la chose est retournée en nature telle qu’elle a été prise. Cependant si par négligence ou par un acte fautif de l’usufruitier la chose disparait, il doit alors la restituer son équivalent.

Les droits et obligations du nu-propriétaire

Les droits du nu-propriétaire

Du côté du nu-propriétaire, on distingue les droits ci-après :

En premier lieu, la disposition du bien ne peut se faire que par le nu-propriétaire. Il a la capacité de vendre le bien ou de le donner. Toutefois, cette possibilité n’est étendue qu’à sa nue-propriété. Il ne peut pas aliéner l’usufruit.

Par ailleurs, le nu-propriétaire peut prendre tous les types d’actes visant à conserver la chose.

Enfin, si l’usufruitier ne jouit pas de la chose de façon diligente de telle sorte à y occasionner des dégradations, il revient au nu-propriétaire de l’en déchoir pour abus de jouissance.

Les obligations du nu-propriétaire

De prime abord, le nu-propriétaire doit permettre à l’usufruitier de jouir de la chose sans aucune gêne. Il ne doit donc pas nuire à l’usufruitier dans le cadre de son usufruit. À titre illustratif, un nu-propriétaire ne peut pas prendre la décision unilatérale de changer la destination de la chose alors que celle-ci est greffée du droit d’usufruit.

Enfin, les grosses réparations reviennent à la charge du nu-propriétaire, de même que les charges extraordinaires relatives au bien.

La fin de l’usufruit

À l’instar de tout droit, l’usufruit peut aussi connaitre plusieurs causes d’extinction. Ainsi, l’extinction de l’usufruit peut provenir de plusieurs facteurs.

Tout d’abord, elle peut être due au décès de l’usufruitier. C’est surtout le cas lorsque nous sommes en matière viagère où l’usufruit est lié à la personne de celui qui en est titulaire.

Ensuite lorsque survient le terme retenu soit par la loi, soit par les parties.

Par ailleurs, il peut arriver que celui qui détenait un droit d’usufruit fasse acquisition de la nue-propriété. Dans de pareils cas, on parle de consolidation. Ce procédé confère alors tous les droits de pleine propriété à l’usufruitier.

Lorsque l’usufruitier ne veut pas exercer le droit qu’il détient sur la chose et en fait la renonciation, le droit d’usufruit disparait aussi.

Comme mentionné ci-dessus, on peut acquérir le droit d’usufruit pour l’avoir exercé pendant une certaine période de temps. De la même manière, on peut le perdre pour ne pas l’avoir exercé sur une période de temps donné. Il s’agit de la prescription extinctive du droit d’usufruit.

Aussi, lorsque l’usufruitier perd totalement la chose sur laquelle porte le droit d’usufruit, ce droit est aussi éteint.

Enfin, si l’usufruitier ne se comporte bien dans sa jouissance et tend à mettre en péril le devenir du bien, il peut en être déchu par le nu-propriétaire.

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