La responsabilité délictuelle consiste en l’obligation qui pèse sur la tête d’un individu dont les actes involontaires ont conduit à causer un dommage à autrui. Dès lors que les conditions d’engagement de la responsabilité délictuelle sont remplies, la responsabilité de l’auteur du dommage est engagée.
De façon plus claire, si un individu commet une action ou une omission, et que celles-ci ont porté préjudice à une ou plusieurs autres personnes, le fautif a l’obligation de réparer les dommages causés. La responsabilité délictuelle est prévue dans les titres III et IV du Code civil.
Ce qu’il faut savoir, c’est que la responsabilité délictuelle est une sous-composante de la responsabilité civile. C’est pourquoi on parle bien souvent de responsabilité civile délictuelle. L’autre branche étant la responsabilité contractuelle.
Cette dernière a trait au dommage créé du fait de la mauvaise exécution du contrat conclu entre les parties ou encore du fait de son inexécution.
A contrario, la responsabilité délictuelle n’implique l’existence d’aucun contrat entre la victime et le fautif. La distinction entre ces deux types de responsabilités a d’ailleurs été rappelée suite à la réforme du droit des contrats introduite par l’ordonnance du 10 février 2016.
Dans le but d’expliquer la notion de responsabilité délictuelle, nous en présenterons d’abord la genèse et les origines. Ensuite, nous aborderons sa mise en œuvre.
Genèse et explication de la responsabilité délictuelle
Origines et clarification conceptuelle
Les origines de la responsabilité délictuelle
Pour présenter les origines du droit de la responsabilité, il faut remonter au droit romain et aboutir à la révolution en passant par l’ancien droit.
Sous le droit romain, il n’existait pas une différenciation particulière entre responsabilité civile et responsabilité pénale. En effet, le droit romain était destiné à la fois à punir toute infraction ou violation des lois et à réparer tout dommage causé par l’action d’un individu.
Ensuite, est intervenue, avant l’apparition du Code civil, la différenciation entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale. C’est de là qu’est née la révolution qui a conduit au Code civil et au droit de la responsabilité tel que nous l’appliquons aujourd’hui.
Distinction de la Responsabilité délictuelle avec les autres responsabilités
Responsabilité délictuelle et responsabilité pénale
L’objectif du législateur consiste à avantager à tout moment la victime d’un dommage que l’on soit en droit civil ou en droit pénal. Cependant, il existe différents types de responsabilités. Sur le plan civil, on cherche à indemniser la victime et non à sanctionner le responsable du dommage ; par contre au pénal, on cherche d’abord à appliquer une sanction au contrevenant de la loi.
Responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle
Pour pouvoir parler de responsabilité contractuelle, il faut nécessairement l’existence d’un contrat. Par ailleurs, il faut surtout établir qu’il existe un dommage causé par un manquement contractuel, une mauvaise exécution ou encore par l’inexécution des termes par le cocontractant. Or la responsabilité délictuelle est applicable à une situation où il n’existe aucun lien contractuel.
L’intérêt de la distinction à ce niveau consiste à ce qu’il ne peut exister de cumul des responsabilités même dans le cas où le créancier trouve l’une des responsabilités plus avantageuses, comparé à l’autre. Cette règle de non-cumul est consacrée depuis un arrêt de la chambre des requêtes rendu le 21 janvier 1890.
En résumé, le tableau ci-dessous présente une comparaison entre les trois types de responsabilités.
Notion de responsabilité civile délictuelle
Quelle est la définition de la responsabilité délictuelle ?
La définition la plus simple de la responsabilité délictuelle consiste à dire que tout individu par la faute duquel un dommage a été causé à un autre verra sa responsabilité civile délictuelle engagée. Dans cette situation, il a dès lors le devoir de réparer le dommage de la victime. C’est l’article 1240 du Code civil (ancien article 1382) qui pose les fondements de la responsabilité délictuelle. De cette définition, il ressort trois caractères de la responsabilité délictuelle.
Ainsi, elle est indemnitaire (Obligation de réparer le dommage), elle est répressive (dissuader la résurgence de la faute commise) et elle est préventive (éviter de nouveaux dommages).
La réparation ne s’opère que lorsque la responsabilité du fautif est définitivement engagée et elle peut se traduite en paiement d’une somme d’argent appelée dommages et intérêts. Certaines conditions obligatoires caractérisent la responsabilité délictuelle.
*** Voir aussi : C’est quoi le régime général des obligations ? Tout ce qu’il faut savoir sur ce régime juridique spécifique concernant les quasi-contrats, les obligations quasi délictuelles ainsi que celles qui touchent aux délits. ***
Quelles sont les conditions de la responsabilité délictuelle ?
Trois conditions cumulatives doivent être remplies avant que ne soit retenue la responsabilité délictuelle. Il s’agit de l’existence d’une faute, de la survenance d’un dommage et de l’établissement d’un lien de causalité entre la faute et le dommage subi.
La faute
Elle est encore appelée le fait générateur. Pendant longtemps elle a été le plus important fondement de la responsabilité délictuelle. Selon l’article ancien 1382 du Code civil, lorsqu’un fait quelconque d’un individu a occasionné un préjudice à un autre, le fautif doit procéder à sa réparation.
Cette responsabilité est subjective puisque l’acte générateur du préjudice provient du comportement (imprudence, négligence, omission, etc.) d’un individu.
Il faut remarquer qu’il existe plusieurs sortes de fautes :
- La faute simple ou la faute lourde :
Selon la gravité de l’acte dommageable, on peut qualifier la faute de lourde ou de simple.
- La faute intentionnelle ou la faute non intentionnelle :
Lorsqu’elle résulte de la volonté manifeste de son auteur de créer un dommage, on la qualifie d’intentionnelle (c’est l’exemple de celui qui use d’une manœuvre dolosive ayant causé un préjudice à autrui). Il s’agit dans ce cas d’un fait juridique volontaire. Dans le cas contraire, on parle d’un fait juridique involontaire.
Le dommage
On le désigne encore par préjudice et il en existe de trois natures : le dommage matériel, le dommage moral et le dommage corporel.
- Dommage matériel :
Ce sont les dégâts qui touchent au patrimoine (meubles ou immeubles). On peut citer la détérioration des biens, la perte de chance, de revenus, etc.
- Dommage moral :
Il porte atteinte à l’honneur de l’individu et représente la douleur ou la souffrance que celui-ci éprouve. Exemple : on peut mentionner la douleur éprouvée lors de la perte d’un être cher.
- Dommage corporel :
Il affecte l’intégrité physique de la victime. On peut donner comme exemple les blessures occasionnées par un accident.
Tout dommage n’est pas d’emblée réparable, encore faut-il que ce soit un dommage certain et direct, autrement dit, il doit être en lien direct avec le fait générateur invoqué. Par ailleurs, il faut que le dommage soit réparé intégralement. La réparation n’est pas intégrale, c’est seulement lorsqu’une faute de la victime elle-même est à l’origine du dommage.
Il est important de préciser ici qu’il existe aussi le cas des dommages par ricochet. Ce terme renvoie à une situation où un préjudice causé par un individu et par ricochet porte atteinte aux intérêts d’un autre individu.
C’est le cas lorsque suite à un accident un père de famille subit des dommages corporels graves conduisant à une incapacité totale. Par ricochet, ce dommage aura des incidences financières sur son épouse et ses enfants qui sont à charge. Dans ces cas, la loi vise une réparation intégrale.
La relation causale entre faute et dommage
Il ne suffit pas de prouver que quelqu’un a commis une faute qui a généré un dommage afin d’établir la responsabilité délictuelle. Encore faut-il démontrer qu’il existe un lien de causalité entre ces deux éléments. (Cliquez ici pour découvrir le sens exacte du lien de causalité, cours complet !)
En effet, la victime a la charge de prouver que le préjudice subi résulte de la faute de l’auteur du dommage. Autrement dit, s’il n’y avait pas eu de faute commise par X, il n’y aurait pas eu non plus de dommage sur Y.
Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité
Les régimes de la responsabilité délictuelle
C’est l’article 1384 du Code civil qui établit les régimes de responsabilité civile délictuelle. À la lecture de l’article, on peut dénombrer trois régimes de responsabilité. Toutefois, il en existe d’autres qu’il est important de mentionner.
Les cas classiques prévus par l’ancien article 1384 du Code civil
La responsabilité du fait personnel
La responsabilité du fait personnel puise sa source dans les articles 1240 du Code civil (ancien article 1382) et 1241 (ancien article 1384) du Code civil. On qualifie encore ce régime de responsabilité comme celui de droit commun et c’est autour de lui que se greffent les autres variétés de responsabilités civiles.
Ces deux articles, mis ensemble, stipulent que l’auteur d’une quelconque faute est tenu de réparer le dommage causé, que celui-ci provienne d’un fait personnel intentionnel ou qu’il résulte de sa simple imprudence, de sa négligence ou d’un manquement de sa part.
La responsabilité du fait d’autrui
Lorsqu’il y a une relation d’interdépendance entre deux personnes (ou plusieurs), le législateur a retenu que l’on peut engager la responsabilité de l’une pour les faits commis par l’autre. On peut distinguer plusieurs cas de responsabilité du fait d’autrui :
- Les parents et leurs enfants mineurs :
Il existe une présomption de gardien qui pèse sur la tête de tout parent, on suppose qu’ils ont un droit de garde sur leur enfant tant que celui-ci est encore mineur. Ce droit s’étend jusqu’au devoir des parents de surveiller leurs enfants mineurs, de les éduquer et de les empêcher de causer des préjudices aux autres.
En cas de dommage causé à autrui par les enfants mineurs, on tient pour responsables leurs père et mère. Si ceux-ci ne sont plus ensemble ou ont divorcé, c’est celui qui a les enfants sous sa garde qui doit réparer le dommage causé par l’enfant.
- Les employeurs et leurs salariés :
De la même manière, on peut engager la responsabilité d’un employeur (ou encore du commettant) lorsque ses préposés, au moment où ils travaillent et lorsqu’ils exercent leurs fonctions, sont à l’origine d’un fait dommageable à l’égard d’un tiers.
- Les artisans et leurs apprentis :
Dans le cas où l’apprenti d’un artisan cause un dommage aux autres alors qu’il était encore sous la surveillance de celui-ci, la responsabilité de l’artisan peut être engagée.
Soulignons cependant la reconnaissance aujourd’hui d’un principe général de responsabilité. En effet, à travers ce principe général, il ne faut plus se cantonner uniquement aux cas énumérés par l’ancien article 1384, mais on peut aller au-delà lorsque l’action d’autres personnes non indiquées dans le code, mais dont on a la charge cause un dommage aux tiers (Arrêt Blieck du 29 mars 1991).
La responsabilité du fait des choses
Le législateur oblige celui qui a la garde d’une chose, lorsque celle-ci cause un dommage à autrui à en faire réparation. C’est la définition de responsabilité du fait des choses. Mais précisons d’abord quelques termes importants.
Pour être considéré comme gardien d’une chose, il faut déterminer trois conditions : avez-vous l’usage de cette chose ? En avez-vous le contrôle ? Quid de la direction de la chose ? Lorsqu’on peut répondre par l’affirmative à ces trois questions, il n’est plus de doute sur le titre de gardien, voire souvent de propriétaire.
On peut distinguer trois types de responsabilités du fait des choses.
- Les choses à proprement parler :
Si le bois utilisé par un charpentier tombe d’un immeuble et blesse un passant, par exemple, le charpentier sera tenu responsable.
- Les animaux :
Le gardien d’un animal en est responsable même si ce dernier s’est échappé ou s’est égaré.
- Les bâtiments :
Lorsqu’on est gardien ou propriétaire de bâtiments qui tombent en ruine suite à un manque d’entretien ou un défaut de construction, l’on est responsable des dommages causés par ces bâtiments.
En outre, sur le plan communautaire, il existe des dispositions réglementaires relatives à la responsabilité des produits défectueux. En effet, il faut garder à l’esprit qu’une entreprise verra sa responsabilité engagée dès lors qu’un de ses produits est défectueux.
Les autres régimes de la responsabilité délictuelle
À côté du régime de droit commun de la responsabilité subjective, il existe un régime spécial de responsabilité applicable même lorsqu’il n’existe aucune faute de la part d’un individu. En effet, le législateur a prévu ce régime spécial afin de permettre à toute victime directe d’un dommage de demander une indemnisation et invoquer la responsabilité d’une personne (souvent une personne morale).
Le cas des accidents de la circulation
Ce régime a été institué en 1985. Il établit que lorsqu’un véhicule à moteur crée un accident de la circulation, la responsabilité du transporteur est automatiquement induite. Le but visé par le législateur est la célérité dans l’indemnisation des victimes.
Il apparaît clairement que ce régime déroge au droit de la responsabilité civile tel que présenté ci-dessus. En effet, le conducteur n’a ni la chance d’invoquer la responsabilité d’un tiers ni la possibilité de faire jouer une autre cause d’exonération de responsabilité. Il est tout simplement tenu de réparer le préjudice.
Toutefois, la victime ne peut pas obtenir réparation si sa faute est inexcusable (si l’accident se produit par exemple au moment où il traversait une autoroute à pied).
Le cas des accidents du travail
Dans la situation d’un accident de travail ayant entraîné un préjudice corporel par exemple, nul n’est besoin de prouver la responsabilité de l’employeur ou de rechercher le fait générateur de responsabilités. Le législateur a prévu d’indemniser le salarié de manière forfaitaire.
Exonération de la responsabilité délictuelle
Certains faits extérieurs à la volonté peuvent induire le dommage. Si des cas du genre surviennent, on peut exonérer le débiteur de la réparation du préjudice. On en distingue principalement trois.
Le cas de force majeure
La force majeure est un évènement non prévu qui est en plus insurmontable et irrésistible (elle se produit de telle sorte que l’on ne peut y échapper). C’est le cas par exemple des catastrophes naturelles.
Lorsque l’auteur du préjudice invoque le cas de force majeure, il n’est plus tenu comme responsable du dommage si la force majeure est effectivement retenue par le juge. Vu comme tel, il apparait ici que la force majeure est totalement exclue de la notion de faute.
Le cas des autres personnes
Tout d’abord, la faute peut émaner du fait même de la victime. Dans ce cas, on ne saurait tenir pour responsable une autre personne que la victime. À titre illustratif, lorsqu’un individu saute hors d’un taxi en marche et se blesse, il ne peut demander réparation du dommage subi au conducteur du taxi.
Par ailleurs, lorsqu’une tierce personne est à l’origine du préjudice, il serait inconcevable d’en tenir pour responsable une autre personne. Prenons l’exemple d’un accident qui se produit pendant qu’un tiers, ayant brûlé un feu ou un stop, est venu cogner la victime remorquée par un autre véhicule. On ne peut tenir comme responsable l’autre véhicule vu que la survenance du dommage ne dépendait pas de son action.
Le contentieux de la responsabilité délictuelle
Pour intenter une action en responsabilité contre un débiteur, c’est auprès des juridictions civiles qu’il faut se rendre. Ainsi, c’est le tribunal judiciaire qui est compétent pour prononcer la réparation du dommage subi. C’est à la victime qu’il revient de prouver la faute, le dommage et le lien de causalité entre ces deux éléments.
Cependant, une même action peut être à la fois civile et pénale si elle est qualifiée par le Code pénal comme étant une infraction. Dans de pareils cas, la décision du juge pénal est prioritaire à celle des juridictions civiles.