Qu’est-ce que le lien de causalité ?

Lien de causalité

Le lien de causalité correspond à l’un des trois éléments requis dans la caractérisation de la responsabilité civile. Il est indispensable d’établir l’existence d’un lien entre le fait générateur et le dommage subi pour permettre l’indemnisation des victimes. Cette notion, éminemment casuistique, repose essentiellement sur une construction jurisprudentielle.

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Lien de causalité : Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la faute en matière civile?

Le législateur de 2016 a repris la précédente formulation de la responsabilité civile au désormais article 1240 du Code civil comme suit « tout fait quelconque de l’homme, qui cause un dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Les termes de l’article 1240 du Code civil sont complétés par l’article 1241, qui dispose que « chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence».

Il faut donc la réunion de trois éléments pour la caractérisation et la mise en œuvre de la faute en matière civile. Ces trois éléments sont : le fait générateur, le dommage et le lien de causalité.

Le fait générateur de la responsabilité c’est-à-dire le fait générateur du dommage ou sa cause fonde le droit à réparation de la victime. Une fois que ce droit est né, il importe de désigner un responsable. L’hypothèse qui vient immédiatement à l’esprit est celle où le fait générateur consiste en une faute.

En ce cas et en application du principe moral issu du Code civil selon lequel chacun est responsable de ses fautes, la personne qui, par sa faute a causé un dommage est naturellement désignée pour en répondre. La faute est alors en même temps source du droit à réparation et fondement de la responsabilité.

La responsabilité civile délictuelle se caractérise par la pluralité de ses faits générateurs : faute, fait de la chose, fait des produits défectueux, fait d’autrui, trouble anormal de voisinage.

La responsabilité du commettant du fait des préposés (régime de la responsabilité du fait d’autrui) désigne la situation où l’on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

À cet effet, les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Le régime de responsabilité des produits défectueux est un régime de responsabilité sans faute (distincte la responsabilité administrative sans faute). Il s’agit de règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne.

De ce fait, le juge est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application de ce régime de responsabilité, même si le demandeur ne les a pas invoquées en présence du défaut de produit ayant causé un dommage.

À l’opposé, la responsabilité contractuelle se singularise par l’unicité de son fait générateur : l’inexécution d’une obligation contractuelle. En présence d’une obligation de résultat, l’inexécution est facile à établir : elle procède du constat objectif de la non-réalisation du résultat promis ; en présence d’une obligation de moyens, il faut, pour établir l’inexécution, se livrer à une appréciation casuistique afin de déterminer si la diligence promise par le débiteur a ou non-été déployée, étant entendu que le niveau de diligence promis dépend de considérations propres au contrat en cause).

Le dommage garanti en responsabilité civile est provoqué par le fait générateur et peut être de nature corporelle, matérielle ou immatérielle.

Les dommages corporels sont classiquement définis comme « toute atteinte corporelle subie par une personne physique » (Voir responsabilité du fait des choses). Les dommages matériels correspondent à « toute détérioration ou destruction d’une chose ou d’une substance ou toute atteinte physique à des animaux dès lors que ces choses, substances ou animaux constituent les biens d’une personne ».

Enfin, les dommages immatériels sont ceux relatifs à « tout préjudice pécuniaire qui résulte de la privation de jouissance d’un droit, de l’interruption d’un service par une personne ou par un bien meuble ou immeuble ».

L’exigence d’un lien de causalité entre le fait ou la faute et le dommage est une condition fondamentale de la responsabilité. Il doit exister un lien entre la faute d’une des parties et le préjudice éventuellement subi par l’autre (CE, 17 mars 1971).

Ce lien ne doit pas être distendu par rapport au préjudice invoqué, de telle sorte qu’il ne devienne qu’un simple prétexte.

Une faute n’entraîne donc pas nécessairement la responsabilité. La difficulté consiste à déterminer, in concreto, quand le lien est suffisamment direct ; la jurisprudence est ici assez empirique. C’est pourquoi il sera important de citer les quelques décisions des juges du fond pour illustrer valablement le lien de causalité.

Ainsi, lorsqu’un intervenant a commis une faute sans qu’il soit établi que cette faute a contribué au dommage et que la causalité est alors inconnue, une part de responsabilité peut lui être attribuée par une sorte de présomption (CE 22 juillet 1977).

La réparation d’un dommage ne peut être mise à la charge d’une personne donnée que s’il existe un lien suffisant de causalité entre ce dommage et le fait générateur de responsabilités imputé à cette personne, cette exigence devant être vérifiée pour chacun des dommages invoqués.

À titre d’illustration de cette démarche, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 septembre 2017 écarte la prise en compte des coûts liés à l’embauche de salariés. Les décisions de justice soulignent, à ce propos, que l’indemnisation d’un préjudice découlant de pratiques anticoncurrentielles « n’est due que si ces pratiques sont directement à l’origine du préjudice subi » (CA Paris 28 février 2018) ou encore que « le lien de cause à effet » doit être « établi de façon expresse » (CA Paris 5juillet 2017).

Bien connue du droit français, cette condition a également été consacrée par la Cour de justice au travers de sa jurisprudence qui, dans ses arrêts Manfredi et Koné. Elle a énoncé l’exigence d’un lien de causalité entre le préjudice et la pratique anticoncurrentielle, précisant à cette occasion qu’en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de fixer les modalités d’application de cette notion.

Il est très difficile de désigner une position jurisprudentielle commune quant à l’appréciation du lien de causalité lorsque plusieurs causes ont participé à la réalisation du dommage. Différentes théories existent pour déterminer le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.

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Comment prouver le lien de causalité ?

L’appréciation du lien de causalité n’est pas uniforme au sein de la jurisprudence. Il existe deux théories : la théorie de l’équivalence des conditions et la théorie du lien de causalité adéquate.

La théorie de l’équivalence des conditions consiste à considérer que tous les événements ayant concouru à la réalisation du dommage et sans lesquels ce dernier ne se serait pas produit en sont les causes et que, s’il y a parmi eux un fait illicite, son auteur est responsable du préjudice. Ainsi, l’équivalence des conditions a le mérite de la simplicité. Elle permet de désigner de nombreuses causes pour un même préjudice, et a donc l’avantage d’offrir à la victime un large panel de responsables potentiels.

Cette profusion des causes peut néanmoins avoir un effet pervers : fréquemment, il sera retenu que la victime a posé l’une des conditions de son dommage, et, si son acte est fautif, cela conduira à la réduction de son indemnisation.

La critique adressée à l’encontre de la théorie de l’équivalence des conditions est qu’elle présente une part d’incertitude en ce qu’elle se fonde sur un des artifices scénaristiques qui ont la particularité de n’exister que dans la tête du juge.

La démarche peut être utilisée implicitement par les magistrats pour nier l’existence du lien causal. Ainsi, alors qu’un enfant naturel n’avait pas été contacté par le généalogiste et le notaire en charge de la succession, reconnue en faute, la cour d’appel est approuvée d’avoir retenu que l’intéressée « ne pouvait justifier, à la date d’établissement de l’acte de notoriété de la succession (…) d’un lien de filiation avec (le de cujus) et donc de sa qualité d’héritière, de sorte qu’elle ne rapportait pas la preuve du lien de causalité entre la faute du notaire et du généalogiste et le préjudice invoqué » (12 juin 2018 1ère chambre civile de la Cour de Cassation).

La théorie de la causalité adéquate « s’efforce de rattacher le dommage à celui de ses antécédents qui, normalement, d’après la suite naturelle des événements, était de nature à le produire, à la différence d’autres antécédents du dommage n’ayant entraîné celui-ci qu’en raison de circonstances exceptionnelles ».

La théorie du lien de causalité adéquate (ou de la cause adéquate) est plus restrictive que l’équivalence des conditions. Elle permet de réduire le nombre de causes retenues. La causalité adéquate retient comme cause un antécédent qui, selon un pronostic objectif rétrospectif, apparaît comme de nature à augmenter la probabilité de survenance d’un dommage du type de celui qui a été subi, selon le cours normal des choses.

La démarche intellectuelle suppose d’examiner chacun de ces antécédents, pour se demander, de manière abstraite, si un tel événement augmentait la probabilité de survenance d’un dommage du type de celui qui a été subi. Il ne s’agit pas de reconstruire l’enchaînement des causes tel qu’il s’est produit, mais tel que l’expérience commune laisse penser qu’il aurait pu se produire.

L’on retrouve le raisonnement typique du lien de causalité adéquate dans un certain nombre d’espèces, particulièrement sous la plume des juges du fond. La formule souvent utilisée est celle consistant à affirmer que l’antécédent était « de nature à causer » le résultat. Par exemple, dans les motifs de la décision qui a donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation le 16 novembre 2016, il s’agissait de déterminer si la faute d’un médecin ayant choisi une technique non conforme aux standards était la cause des complications du patient : il a été répondu par l’affirmative, car cette technique était « de nature à causer » l’état morbide consécutif.

Ces méthodes sont déployées dans l’appréciation de preuves produites pour déterminer l’existence ou non du lien de causalité.

Le lien causal doit être certain « la responsabilité du fait personnel suppose un rapport de lien de causalité certain entre la faute et le dommage» (2e chambre civile de la Cour de Cassation 27 octobre 1976).

Conformément à la règle de droit commun du régime de la responsabilité, la charge de la preuve du lien de causalité incombe à la victime. Un célèbre arrêt de la Cour de cassation avait confirmé cette position en affirmant « que la défectuosité du vaccin contre l’hépatite B peut être déduite de l’absence de mention, dans la notice l’accompagnant, du risque de développer une sclérose en plaques » et « qu’une causalité probable entre la vaccination et le préjudice dont il est demandé réparation est par ailleurs suffisante pour satisfaire à l’exigence juridique du lien de causalité » (1ère chambre civile de la Cour de Cassation 9 juillet 2009).

Cependant, il faut bien mesurer la difficulté probatoire qui peut surgir à ce niveau, et la nécessité qu’il peut y avoir à renoncer à l’exigence d’une preuve irréfutable, parfois impossible à rapporter, pour se contenter d’une forte probabilité. Ainsi, la preuve se rapporte par tous moyens.

Certains juges se sont contentés, de probabilités à partir d’un faisceau d’indices constitué de la concomitance entre la vaccination et l’apparition de la maladie, de la mention du risque sur les notices d’information et parfois de l’absence d’autres causes, dans l’arrêt évoqué plus haut.

Saisie des divergences la Cour de cassation a d’abord strictement appliqué le droit positif, refusant que le lien de causalité puisse être caractérisé à partir d’un faible jeu de présomptions de fait sur le fondement de l’article 1382 du Code civil (D. Mazeaud).

Ensuite, la même chambre civile a, pour la même problématique et le même produit (toujours le vaccin contre l’hépatite B) renversé sa jurisprudence antérieure au visa de l’ancien article 1382 du Code civil (1ère chambre civile 22 mai 2008). Désormais, la preuve du lien de causalité entre le défaut et le dommage « peut résulter de présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes ».

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Akpadji

Mes sincères remerciements à vous. Les fiches de cours sont justes parfaites. Vous m’êtes vraiment d’une grande aide !

Dominique Aka

Excellent article
Merci pour ces explications

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