La loi Badinter est en vigueur depuis 1985. Son objectif consiste à améliorer la situation des victimes d’accidents de la circulation ainsi qu’à accélérer leur indemnisation. Qu’est-ce c’est concrètement la loi Badinter ? Comment se faire indemniser suite à un accident de la route ? Nous vous expliquons tout sur la responsabilité du fait des accidents de la circulation dans la suite de cet article.
La loi Badinter dans le cadre d’un accident de la circulation
La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dite de loi Badinter a mis en place un régime autonome destiné à indemniser les victimes d´accidents de la route. Le but de ce texte législatif consiste à permettre aux victimes d’obtenir la réparation intégrale du préjudice subi suite à un accident de la circulation.
L’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation non conductrices
La loi Badinter a créé un système d’indemnisation spécifique qui rend inapplicables les autres règles de la responsabilité. En pratique, cela signifie qu’une victime d’un accident de la route ne peut invoquer d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle.
Ce qu’il faut savoir, c’est que la loi Badinter bénéficie aux victimes d’un accident de la circulation qui implique un véhicule terrestre à moteur (VTM). Il peut s’agir d’une voiture, un camion, cyclomoteur, pelle mécanique ou tout autre véhicule ayant un moteur en fonctionnement ou non.
Ainsi, le principe de base de la loi Badinter est que chaque victime d’un accident de la circulation a le droit à une indemnisation. Le régime spécial mis en place par la loi Badinter est destiné à indemniser les victimes à l’exception en principe du conducteur. Il concerne donc les piétons, les cyclistes ou encore les passagers d’un véhicule.
Les victimes par répercussion bénéficient également de la protection de la loi. Il s’agit des personnes qui subissent un dommage en raison du dommage subi par une victime directe de l’accident de la route. Entrent dans cette catégorie les membres de la famille d’une victime de l’accident par exemple.
Si les conducteurs de véhicules terrestres à moteur ne peuvent en principe pas demander l’application de la loi Badinter, la Cour de cassation a toutefois ouvert cette possibilité aux conducteurs victimes n’ayant commis aucune faute (Cass. 2ème civ. 28/01/1998). Ainsi, seul le conducteur fautif est exclu de la protection de la loi Badinter.
L’Obligation d’indemnisation par le conducteur ou le gardien
La victime de l’accident de la circulation est autorisée à invoquer la loi Badinter face au conducteur du véhicule à moteur terrestre impliqué. Elle peut également agir contre le gardien de ce véhicule, à savoir celui qui en a la garde matérielle : l’usage, la direction et le contrôle.
Ainsi, le régime mis en place par la loi Badinter consacre une obligation d’indemnisation de la victime à charge du conducteur ou du gardien du véhicule terrestre motorisé impliqué. Toutefois, ceux-ci peuvent s’exonérer de leur responsabilité en prouvant l’existence d’une faute intentionnelle ou inexcusable de la victime de l’accident.
Loi Badinter : Les conditions pour être indemnisé
La victime d’un accident de la circulation est protégée par la loi Badinter et peut être indemnisée si quatre conditions sont remplies. Les conditions pour ouvrir droit à l’indemnisation de ses préjudices corporels en application de la loi Badinter sont :
- L’implication d’un véhicule terrestre à moteur
- Il doit s’agir d’un accident de la circulation
- Un dommage est imputable à l’accident pour la victime
- Il existe un lien de causalité entre le dommage et l’accident
Un véhicule terrestre à moteur impliqué
L’implication d’un véhicule terrestre à moteur à la première condition d’application de la loi Badinter de 1985.
La notion d´implication
Que signifie le mot « impliqué » ? Le terme choisi par le législateur est volontairement large. Cela permet d’appliquer la loi à des situations où le véhicule n’est pas entré en contact avec la victime. L’objectif étant in fine d’offrir aux victimes d’un accident de la route la projection juridique et l’indemnisation la plus élevée possible.
Ainsi, l’implication est claire quand le véhicule et la victime ont été en contact. Les juges de la Cour de cassation ont d’ailleurs précisé que la loi s’applique même si le véhicule n’est pas en mouvement.
Toutefois, quand aucun contact n’a lieu entre le véhicule et la victime, cette dernière doit démontrer que ce véhicule a pu jouer un rôle dans la genèse de l’accident. La Cour de cassation a ainsi retenu qu’était impliqué dans un accident un véhicule dont l’alarme effrayait des chevaux qui prenaient la fuite avant de heurter une autre automobile.
La définition d’un véhicule terrestre à moteur selon la loi Badinter
Pour comprendre ce qu´est un véhicule terrestre à moteur (VTM), il faut se référer à l’article L110-1 du Code de la route. Celui-ci explique que le terme de véhicule à moteur désigne tout véhicule terrestre qui est pourvu d’un moteur de propulsion. Sont compris dans cette définition les trolleybus et les véhicules circulant sur la route par leurs propres moyens. Il existe néanmoins une exception pour les véhicules qui se déplacent sur des rails.
Dès lors, puisque la loi Badinter précise qu’il doit s’agir d’un véhicule terrestre, cela exclut de facto les avions, même ceux circulant sur une piste.
Ensuite, ce véhicule terrestre doit disposer d’un moteur et ce, peu importe qu’il soit en fonctionnement ou non.
Enfin, ce véhicule à moteur doit circuler sur le sol par ses propres moyens et ne doit pas se déplacer sur des rails. Cela exclut aussi les trains et les tramways, sauf s’ils circulent sur une voie de circulation ouverte aux autres usagers de la route.
Dans la pratique, un véhicule terrestre à moteur selon la loi Badinter recouvre toutes les voitures, tous les camions, bus, motos, cyclomoteurs, trottinettes électriques, tondeuses autoportées, chariots élévateurs, etc.
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Un accident de la circulation
Qu’est-ce qu’un accident de la circulation au sens de la loi Badinter ? Cette expression comprend en réalité deux mots différents : « accident » et « circulation ».
Un accident est un événement fortuit et soudain (découvrez aussi le montant d’indemnisation suite à un accident corporel). Il a un caractère involontaire. Cela veut dire que la loi Badinter n’est pas d’application si le véhicule est utilisé volontairement pour agresser la victime et lui causer un dommage.
Quant à la notion de circulation, elle doit être prise au sens large. En effet, il s’agit du phénomène global de déplacement des véhicules. Selon la Cour de cassation, cela recouvre même des situations où un véhicule est à l’arrêt ou en stationnement. Par exemple, on peut se référer à un cycliste blessé à la suite de l’ouverture d’une portière de voiture stationnée.
Le terme de circulation ne renvoie pas seulement à la circulation sur les voies publiques. Il inclut la circulation dans les lieux privés comme un parking ou un circuit automobile fermé à la circulation. La limite est qu’il doit s’agir d’un lieu propre à la circulation. C’est ainsi que la Cour de cassation a considéré qu’un cyclomoteur qui prend feu à l’intérieur d’un immeuble ne répond pas aux conditions de la loi Badinter.
La jurisprudence a toutefois exclu de la loi Badinter :
- Les accidents entre concurrents d’une compétition automobile (rallyes, formule 1). En effet, la loi du 5 juillet 1985 entend protéger les victimes d’accidents de la circulation et non pas les pratiquants du sport automobile
- Les accidents causés par la partie « outil » d’un véhicule utilitaire sans lien avec la fonction de déplacement. C’est le cas d’un auvent d’un camion pizza stationné sur un marché qui tombe sur un passant par exemple. Attention : si le même véhicule est en mouvement et que le même auvent se décroche, la loi Badinter s’applique.
Un dommage causé par l’accident
Dans le cadre de la loi Badinter, la victime ne peut demander réparation que des préjudices qui sont la conséquence de l’accident.
La victime doit donc prouver le lien causal entre l’accident et le dommage. La Cour de cassation estime qu’il suffit pour la victime d’établir que le lien causal est probable, en rejetant sur le défendeur la charge de prouver l’absence de lien de causalité.
Dans la pratique, imputer un dommage à un accident est assez simple s’il se produit au moment de l’accident. Ce n’est pas le cas quand le dommage apparaît ultérieurement à l’accident. On peut citer en exemple l’hypothèse d’une victime, blessée aux jambes, qui décède quelques minutes après un infarctus.
Loi Badinter de 1985 : Les causes d’exonération du conducteur
La question est de savoir si, dans le cadre de la loi Badinter, le conducteur ou le gardien du véhicule peut être exonéré de sa responsabilité. La réponse est oui, mais dans un seul grand cas.
En effet, la seule cause d’exonération véritablement admise par la loi du 5 juillet 1985 est la faute de la victime. Contrairement au droit commun de la responsabilité, le conducteur ne peut pas se prévaloir d’un cas de force majeure ou du fait d´une personne tierce pour écarter sa responsabilité. À cet égard, la loi Badinter fait une distinction entre l’indemnisation des dommages corporels et celle des dommages matériels.
Indemnisation des dommages corporels
Le régime spécial d’indemnisation de la loi Badinter diffère si la victime de l’accident de la circulation était conducteur ou non, au moment de l’accident.
Victime non conductrice : Exonération en cas de faute volontaire, voire inexcusable
Face à une victime non conductrice au moment de l’accident, le conducteur ou le gardien impliqué peut s’exonérer de sa responsabilité selon une règle qui varie suivant la victime.
Ainsi, la loi Badinter distingue ici deux catégories de victimes :
- les victimes « super privilégiées » : victimes non conductrices soit âgées de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans, soit invalides à 80 % ou plus.
- les victimes « privilégiées » : toutes les autres victimes non conductrices.
Aux victimes super privilégiées, le conducteur ou gardien impliqué ne peut que leur opposer la faute consistant dans « la recherche volontaire du dommage subi ». C’est le cas d’une tentative de suicide par exemple.
Face aux autres victimes non conductrices, l’exonération du conducteur ou du gardien passe par la preuve de la « recherche volontaire du dommage » ou de la « faute inexcusable » de la victime, à condition que cette faute ait été la « cause exclusive de l’accident ».
C’est un système d’exonération binaire qu’a mis en place la loi Badinter. En effet, si le conducteur parvient à s’exonérer valablement, il n’y a aucune indemnisation pour la victime. C’est donc tout ou rien.
Victime conductrice : Exonération totale ou partielle
Lorsque la victime est un conducteur, il y a une possibilité d’exonération partielle du conducteur « responsable » quand la faute de la victime a un lien causal avec le dommage. C’est l’exemple classique du conducteur non fautif qui n’avait pas attaché sa ceinture de sécurité.
Si la faute de la victime conductrice est en lien causal avec la survenance même de l’accident, il y aura exonération totale. Par exemple, on peut prendre la situation du conducteur victime qui a franchi un carrefour en brûlant un feu rouge.
L’indemnisation des dommages matériels : Pas de différence suivant les victimes
Là où la loi Badinter traite différemment les victimes d’accidents de la circulation en ce qui concerne les dommages corporels, ce n’est pas le cas pour l’indemnisation des dommages matériels.
Ainsi, le conducteur du véhicule impliqué dans l’accident peut se prévaloir de la faute de la victime à partir du moment où cette faute a contribué à la réalisation du dommage. La conséquence sera une exonération totale ou partielle de responsabilité.
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La procédure d’indemnisation après un accident de la circulation en application de la loi Badinter
La loi Badinter a profondément changé la procédure d’indemnisation après un accident de circulation.
En effet, cela concerne au premier plan les compagnies d’assurances automobiles. Quand survient un accident de la circulation, la compagnie d’assurance du conducteur du véhicule impliqué doit indemniser la victime.
Dès lors, la compagnie d’assurances est obligée d’adresser à la victime une offre d’indemnisation. Le délai est très strict : 8 mois à partir de l’accident. Ce délai est réduit à 3 mois quand c’est la victime qui demande l’offre d’indemnisation. Le non-respect de ces délais entraîne dans le chef de l’assureur une augmentation de l’indemnisation et des intérêts légaux.
Ce que l’on pourrait ajouter ici, c’est que l’offre d’indemnisation peut prendre en considération la faute de la victime. Ainsi, une compagnie d’assurances pourrait refuser toute indemnisation du dommage corporel pour faute volontaire ou inexcusable de la victime par exemple.
Une autre obligation de l’assurance consiste à devoir informer la victime qu’elle est en droit de se faire assister par un avocat ou un expert médical avant d’accepter l’offre.
D’ailleurs, c’est ici que se trouve l’un des pièges de la loi Badinter puisqu’une victime d’un accident de la route pourrait être indemnisée sans l’assistance de professionnels du droit ou de la médecine. Certaines compagnies vont même jusqu’à recommander leur propre médecin-expert. La conséquence en termes de montant d’indemnisation est réelle. La pratique montre qu’un grand nombre de victimes acceptent des propositions d’indemnisation sous-évaluée dans ce cas.
Ce qu’il convient d’ajouter ici, c’est que la victime est en droit d’accepter ou de refuser l’offre, voire de négocier. En cas d’acceptation de l’offre par la victime, l’indemnisation doit être payée dans un bref délai de 15 jours. La victime peut également demander une nouvelle offre à l’assureur. Elle peut aussi saisir la justice en postulant indemnisation.
Loi Badinter et assurance
En France, tout véhicule terrestre à moteur qu’il roule ou pas doit être assuré. C’est l’article L211-1 du Code des assurances qui énonce cette règle de droit. Ainsi, en matière d’assurance, la loi Badinter pose un principe fondamental pour l’indemnisation de la victime : c’est l’assureur du véhicule ayant causé le dommage qui doit le réparer.
Toutefois, en cas de défaut d’assurance du conducteur, celui-ci devra prendre lui-même en charge les coûts liés aux préjudices. Pour dire les choses autrement, si le conducteur qui a causé un dommage à une victime n’est pas assuré, alors il devra lui-même indemnisé la victime.
Comment la loi Badinter est-elle mise en application en cas d’incident ?
Il n’est pas rare d’être impliqué dans un sinistre : cela peut arriver à n’importe qui. Par conséquent, il est toujours très pratique de savoir comment la loi Badinter est mise en application dans le cas d’un incident. Des détails sur la loi badinter vous seront fournis afin que vous en saisissiez tous les enjeux.
Ainsi, en cas d’incident impliquant son véhicule, il faut impérativement se rapprocher de son assurance dans un délai de cinq jours. Il faut alors fournir le nom ainsi que les coordonnées des victimes. Une intervention de la police ou de la gendarmerie permettra d’évaluer la part de responsabilité de chacun dans le sinistre. Les dommages seront évalués par la même occasion.
À l’issue de ce processus, la victime recevra une offre d’indemnisation de la part de son assurance. Elle aura le choix de la refuser ou bien de l’accepter. Si elle l’accepte, la somme devra lui être versée dans les quarante-cinq jours suivant son accord. En cas de refus de la somme proposée, la victime pourra entamer un recours dans le but de recevoir une autre offre.