L’article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tous les moyens qui tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable dans sa demande, sans aucun examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tels que : le défaut de qualité ou le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix ainsi que la chose jugée.
L’article 32 du Code de procédure civile ajoute qu’est irrecevable toute prétention émise par une personne dépourvue du droit d’agir ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
Une fin de non recevoir consiste donc pour le plaideur, la possibilité de contester le droit d’agir de l’autre partie au procès en arguant que son action en justice ne justifie pas toutes les conditions posées par la loi.
Cette définition de la fin de non recevoir énoncée par le Code de procédure civile n’est cependant pas limitative. Il existe bien d’autres cas de fins de non-recevoir tels que le non-respect d’une clause de conciliation obligatoire ou la médiation préalable par exemple. La violation d’une telle clause, c’est-à-dire, la saisine du juge avant une procédure de conciliation ou de médiation constitue une fin de non-recevoir.
Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que l’exception d’incompétence est à différencier de la fin de non-recevoir. En droit commun, elle doit être soulevée in limine litis : le plaideur indique au juge que la demande de son adversaire est irrégulière pour vice de forme ou de fond. La cause pourrait être la nullité de l’acte (voir : la nullité absolue ou la nullité relative) ou encore l’incompétence du juge. L’exception d’incompétence vise la procédure tandis que la fin de non-recevoir concerne l’action.
Dans cet article, nous allons voir ensemble la définition juridique de la fin de non-recevoir et dans une deuxième partie, le régime ainsi que les effets de la fin de non recevoir.
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Fin de non-recevoir : Définition juridique
Comme nous l’avons vu, on peut déduire de l’article 122 du Code de procédure civile que la fin de non-recevoir est un moyen de défense qui tend à faire déclarer irrecevable la demande d’un adversaire pour défaut de droit d’agir sans examen sur le fond.
Par le défaut de droit d’agir, on entend le : défaut de qualité, défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée. L’article 125 a aussi ajouté : l’inobservation de délai de recours ou l’absence d’ouverture d’une voie de recours. Voici les détails :
Le défaut de qualité à agir :
Pour agir en justice, il faut tout d’abord être titulaire du droit en question (exemple : un tiers n’a pas le droit de demander le divorce, ce droit est réservé aux époux). La personne peut toujours transférer ce droit à un tiers qui va agir en son nom et pour son compte : il pourrait s’agir d’un représentant conventionnel ou légal par exemple.
Le défaut d’intérêt à agir :
Selon l’article 31 du Code de procédure civile l’action est ouverte pour tous ceux qui ont un intérêt légitime quant au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve toutefois des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir « aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
En effet, il ne suffit donc pas d’avoir la qualité pour agir, il faut aussi justifier un intérêt légitime c’est-à-dire un intérêt qui est né, actuel et personnel.
La prescription :
Il s’agit ici d’une prescription extinctive. Après l’expiration du délai, la personne est donc déchue du droit d’agir en justice pour non exercice de son droit, dans un délai prévu par la loi.
Le délai préfix :
Le délai préfix est un délai prévu par la loi pour l’accomplissement d’un acte de procédure sous de peine de forclusion. Son effet est donc d’éteindre l’action : la personne n’aurait plus de droit d’engager des actes de procédure. Ce délai n’est susceptible ni de suspension ni d’interruption et doit être soulevé d’office par le tribunal.
Chose jugée :
Si une affaire a déjà été jugée, c’est-à-dire ayant acquis ce que l’on appelle l’autorité de la chose jugée, il n’est donc plus possible de soumettre la même affaire devant le juge, car l’action serait déclarée irrecevable.
Concernant l’autorité de la chose jugée, l’article 1355 du Code civile dispose que : « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. » Ainsi, il faut que la chose demandée soit la même et que la demande soit fondée sur la même cause. En outre, la demande doit être entre les mêmes parties, et formée par elles ou contre elles avec la même qualité.
Pour qu’il y ait autorité de la chose jugée, il faut donc la réunion de ses trois éléments :
– Une identité des demandes
– Une identité de cause
– Une identité des parties
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Régime juridique et effets de la fin de non-recevoir
Quel est le régime juridique de la fin de non-recevoir ?
Quand est-ce qu’il faut invoquer la fin de non-recevoir ?
Pour répondre à cette question de droit, il convient d’analyser les articles 123, 124 et 125 du Code de procédure civile :
L’article 123 du Code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause. Cet article 122 du CPC ajoute « sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. »
Dans son article 124, le Code de procédure civile précise qu’elles « doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief », et ce, même dans la situation où l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse.
Par ailleurs, l’article 125 du CPC dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public. C’est notamment le cas lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou alors lors de l’absence d’ouverture d’une voie de recours. Ainsi, le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, ou du défaut de qualité ou bien encore de la chose jugée.
De ces trois articles, on peut donc dire que :
– Les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause :
C’est-à-dire à n’importe quel moment de la procédure, contrairement aux exceptions de procédure (exception d’incompétence, exception de litispendance et de connexité, exception dilatoire, exception de nullité) qui doivent être soulevées simultanément et avant toutes défenses sur le fond ou fins de non-recevoir. Elles peuvent être soulevées même pour la première fois en appel.
Même s’il est de principe que la fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause, il y a tout de même une dérogation, selon l’article 789 du Code de procédure civile : « Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance » sauf si elles ne surviennent ou sont révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
– Le juge peut condamner une partie qui se serait abstenu :
Dans un incident dilatoire à des dommages et intérêts. Cette sanction vise à prévenir l’éventuelle mauvaise foi du plaideur, en tout état de cause, qui a attendu le dernier moment pour s’en prévaloir dans le but de faire durer le procès.
– Elles doivent être accueillies sans que celui qui l’invoque ait à justifier un grief.
– Lorsqu’elle revêt un caractère d’ordre public, elle doit être relevée d’office par le juge :
Inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours, absence d’ouverture de voies de recours, violation du principe de contradictoire (même si elle n’a pas été citée par l’article 125 du CPC).
Dans certain cas, elle peut être soulevée d’office par le juge c’est-à-dire qu’il a la faculté de relever d’office la fin de non-recevoir lorsqu’elle a pour cause : un défaut d’intérêt, défaut de qualité ou de la chose jugée.
La prescription, par contre, ne peut pas être relevée d’office (article 2247 du Code civil : « Les juges ne peuvent pas suppléer d’office le moyen résultant de la prescription. »). Elle dépend donc de l’invocation des parties.
– Par ailleurs, selon la Cour de cassation, elle est opposable au demandeur, mais aussi au défendeur.
Quelles sont les compétences du juge en matière de fin de non-recevoir ?
Le décret du 11 décembre 2019 a élargi le pouvoir du juge de la mise en état quant au fait de statuer sur les questions de fin de non-recevoir et tel qu’il est mentionné dans l’article 791 du CPC, le juge de la mise en état est ainsi saisi par des conclusions. En effet, l’article 789 a précisé que le juge de mise en état, lorsqu’il est désigné, a la compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Cette extension du pouvoir du juge de la mise en état s’explique par la volonté de ne pas laisser perdurer inutilement une affaire qui pourrait alors se heurter à une fin de non-recevoir.
À propos des conclusions, ce sont des conclusions dites incidente, c’est-à-dire spécialement adressées, et distinctes des conclusions du fond.
Concernant les litiges portant sur la propriété intellectuelle, le juge de la mise en étant est désormais compétent pour trancher toutes les questions telles que : les contestations relatives à la qualité de l’auteur ou de l’inventeur ou encore la prescription d’une action en contrefaçon.
Dans certains cas, pour pouvoir apprécier la fin de non-recevoir, il faudra d’abord trancher sur le fond.
Mais puisque le juge de la mise en état n’a pas le pouvoir de trancher sur le fond du litige, comment peut-on procéder ?
L’article 789 du Code de procédure civile a apporté une réponse : lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond alors le juge de la mise en état doit statuer sur cette question de fond et aussi sur cette fin de non-recevoir.
Cependant, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou alors qui ne lui sont pas attribuées, il est possible pour l’une partie de s’y opposer.
Dans cette situation, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état doit renvoyer l’affaire devant la formation de jugement et le cas échéant sans clore cette instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond ainsi que sur la fin de non-recevoir. Le juge de la mise en l’état peut aussi ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. Ainsi, la décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement vont alors statuer sur la question de fond ainsi que sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou dans le jugement. La formation de jugement qui statue sur la fin de non-recevoir peut le faire même si elle n’estime pas nécessaire de statuer sur la question de fond au préalable. Le cas échéant, elle devra renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état.
À la lecture de cet article, on se rend compte que la conséquence première est l’empiètement du juge de la mise en état sur le pouvoir de la formation de jugement. Ainsi, lorsque ce dernier tranche sur le fond un litige dont dépend la fin de non-recevoir, la formation de jugement ne peut plus revenir par la suite sur les questions qui ont été déjà tranchées.
La possibilité de régulation :
Article 126 du Code de procédure civile : « Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. » Il en va de même lorsque la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance avant toute forclusion.
Cet article 126 du CPC permet ainsi d’écarter la fin de non-recevoir si elle est valablement régularisée avant que le juge ne statue.
Quels sont les effets de la fin de non-recevoir ?
La fin de non-recevoir, si elle est admise, entraine le rejet des prétentions sans qu’il n’y ait un examen sur le fond. Elle emporte donc l’interruption définitive de l’action en justice.
Toutefois, dans le cas où la cause de la fin de non-recevoir est régularisée, cet effet sera écarté.
Par ailleurs, les articles 544 et 607 du Code de procédure civile offrent la possibilité de faire appel dans les 15 jours de la signification ou d’un pourvoi en cassation lorsque le jugement qui statue sur la fin de non-recevoir met fin à l’instance.
Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque le jugement ne met pas fin à l’instance, il faudra attendre le jugement sur le fond.
Cette disposition reste une exception, parce que selon l’article 795, les ordonnances du juge de la mise en état ne sont susceptibles d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation que part un jugement statuant sur le fond.
Enfin, selon l’article 794 du Code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état sur les fins de non-recevoir acquièrent l’autorité de la chose jugée.
Petit rappel sur nos 3 derniers cours :
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