Qu’est-ce que l’obligation in solidum ?

Obligation in solidum

L’obligation in solidum est une notion créée par la Cour de cassation dont le régime est fortement emprunté à l’obligation solidaire. Elle s’exerce sous le régime du droit commun des obligations. De ce fait, il faut établir l’existence d’une faute, d’un dommage ainsi qu’un lien de causalité entre eux.

Selon l’article 1310 du Code civil : « La solidarité est légale ou conventionnelle, elle ne se présume pas ». La solidarité est donc soit le fruit d’une stipulation expresse c’est-à-dire un contrat, soit du fait de la loi. L’exemple le plus connu de la solidarité légale est le cas de la solidarité des dettes ménagères.

Faute de ne pas être prévue par le législateur, la jurisprudence, depuis le début du XIX siècle s’est penchée sur cette question. L’obligation in solidum a été créée pour contourner cette règle interdisant au juge de reconnaitre des obligations solidaires.

Le fondement de l’obligation in solidum est d’assurer le paiement de la victime d’un dommage, par une réparation en poursuivant l’un des coauteurs.

Tout comme l’obligation solidaire, elle se caractérise par la pluralité des débiteurs sur lesquels pèse une dette commune. Mais la spécificité de l’obligation in solidum c’est aussi que chaque obligation peut avoir des objets différents et chaque débiteur est tenu à l’entier du paiement des dettes.

Afin de mieux comprendre l’obligation in solidum, nous allons voir dans cet article quels sont les effets des obligations in solidum et en second lieu, son domaine d’application.

Quels sont les effets des obligations in solidum ?

En ce qui concerne les effets de l’obligation in solidum, cette dernière a les mêmes effets principaux que l’obligation solidaire, les effets secondaires sont en revanche exclus. Cela s’explique par le fait qu’il n’y pas de communauté d’intérêts entre les codébiteurs. Il n’existe donc pas une représentation mutuelle des codébiteurs du dommage envers les créanciers.

Lire aussi : La différence entre une obligation de moyens et de résultat. Vous allez découvrir sur cette page l’explication détaillée de l’article 1101 du Code civil [Droit des obligations].

Effets principaux

  • Au stade de l’obligation à la dette : étendue du droit de poursuite du créancier à l’encontre de ses débiteurs.

À ce stade, les effets de l’obligation in solidum se rapprochent de ceux de l’obligation solidaire.

– Indépendamment du partage de la responsabilité entre les coauteurs du dommage, chaque cocréancier peut demander la totalité de l’obligation au débiteur de son choix, il échappe donc au principe de la division c’est-à-dire de la créance.

Exemple : Lorsque deux codébiteurs doivent chacun une créance de 3000 euros, le créancier peut demander la totalité, soit 6000 euros de cette somme à un seul des débiteurs.

– Le créancier a la faculté d’élection : il peut donc demander au débiteur in solidum de son choix, un paiement de la totalité des créances. Ce choix discrétionnaire dont jouit le créancier peut être fait soit par voie judiciaire soit par voie extra-judiciaire.

– En cas de défaillance de l’un ou plusieurs codébiteurs c’est-à-dire en cas d’inexécution ou insolvabilité, il pourra toujours se tourner contre les autres codébiteurs solvables. Cette faculté a été instituée par l’ordonnance du 1 février 2016 reformant le droit de l’obligation dans l’article 1319 du Code civil.

– Le créancier a la faculté de demander un paiement à un seul des débiteurs, mais si le paiement n’est pas parfait, c’est-à-dire partiel, il pourra renouveler sa poursuite pour le règlement complet des dettes. Dans ce cas, lorsqu’il a déjà reçu paiement du premier débiteur, et qu’il va demander les restes auprès des autres codébiteurs, il déduira du montant de sa demande, le paiement partiel obtenu par le premier.

– Le paiement fait par l’un des débiteurs libère les autres à l’égard du créancier. Il faut de ce fait qu’il y ait un paiement total pour que les débiteurs soient libérés du paiement de la dette.

– En matière de cautionnement, si le débiteur principal ne remplit pas ses obligations, le créancier peut agir directement contre la caution.

– En matière contractuelle, une clause limitative de responsabilité est valable sauf faute dolosive ou faute lourde. Ils peuvent donc fixer préalablement le montant des dommages-intérêts en cas d’inexécution.

– La clause pénale, existante dans un contrat entre un débiteur de débiteur (codébiteur) est inopposable aux autres (Cass. civ. 3e, 13 novembre 1974).

  • Au stade de la contribution à la dette : étendue de la répartition de la dette entre les codébiteurs.

Pour déterminer les parts contributives des codébiteurs, le juge se base sur la gravité des fautes respectives commises par chacun.

Exception : Dans les relations des constructeurs avec le maitre d’ouvrage, c’est le rôle causal qui permet d’apprécier la valeur des dettes respectives et non la gravité de la faute.

Le débiteur qui a payé la dette pourra se retourner contre les autres débiteurs coobligés. Il ne peut, par contre, demander que la part et portion de chacun d’eux.

Le débiteur in solidum solvens, c’est-à-dire, celui qui a payé l’intégralité de la dette dispose de deux recours contre les codébiteurs :

– Action subrogatoire : elle emporte aussi la transmission de tous les accessoires de la créance : les garanties et les suretés rattachées à celle-ci.

– Recours personnel : soit sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle soit sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle.

  • Le régime de l’opposabilité des exceptions : Il est presque identique à celui de l’obligation de solidarité passive, à l’exception de certains point tels que :

– Le délai de prescription auquel le bénéficie l’un des codébiteurs, ne vaut pour tous les autres c’est-à-dire que le créancier peut toujours réclamer le montant total aux autres.

– Un désistement d’instance du débiteur au bénéfice de l’un des codébiteurs, ne l’empêche pas de poursuivre les autres.

– Nullité pour vice de consentement reconnu à l’un des débiteurs ne vaut pour les autres.

Effets secondaires

Comme précisé ci-dessus, même si les effets principaux de l’obligation solidum sont similaires à celui de l’obligation solidaire, les effets secondaires sont exclus, cela signifie que dans l’obligation in solidum :

– La demande d’intérêt formée contre l’un des débiteurs ne fait pas courir les intérêts à l’égard de tous.

– La chose jugée avec l’un des débiteurs in solidum est inopposable aux autres.

– Une voie de recours exercée par l’un des codébiteurs ne vaut pas pour les autres.

– En matière de mise ne demeure : la mise en demeure adressée à l’un des codébiteurs ne produit pas effets pour tous les codébiteurs.

Quels sont les domaines d’application de la responsabilité in solidum ?

Son domaine est bien sûr celui de la responsabilité civile. Elle a été créée pour répondre au problème de responsabilité civile extracontractuelle et l’obligation alimentaire.

Elle se justifie par l’existence d’un préjudice unique, qui crée alors une dette unique vis-à-vis de la victime qui est à différencier de l’obligation conjointe qui se caractérise par la division des obligations où la victime est obligée d’assigner chacun des débiteurs pour sa part.

En matière d’obligation in solidum, chacun des débiteurs est tenu d’une dette distincte qui les différencie de l’obligation solidaire où les codébiteurs sont tenus d’une même dette.

L’obligation in solidum implique donc que la victime n’est pas obligée de diviser ses demandes en recouvrement, il suffit juste d’une condamnation des débiteurs in solidum par une juridiction, afin que la victime puisse se retourner contre n’importe lequel des débiteurs.

Le juge qui a été saisi d’un recours exercé par une partie condamnée in solidum à l’encontre de ses coresponsables est tenu de statuer sur la contribution de chacun (3e Civ. – 28 mai 2008, BICC n°689 du 15 octobre 2008).

En matière de responsabilité délictuelle, en présence de plusieurs responsables, et pourvu que les dommages étaient causés par une faute concurrente commise par les coresponsables, ils sont de ce fait responsable in solidum au paiement de la totalité de la réparation au profit de la victime.

Arrêt du 4 décembre 1939, la Cour de cassation a décidé que : « Chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l’entier dommage, chacune des fautes ayant concouru à le causer tout entier ».

Il ne faut pas oublier qu’en matière de contrat de louage, dans un arrêt du 18 juin 1980, la Cour de cassation a déclaré que : « La clause du contrat d’architecte excluant la solidarité ne saurait avoir pour effet d’empêcher une condamnation in solidum entre l’architecte et les entrepreneurs ». (Voir ici : la différence avec un contrat consensuel).

Concernant un dommage corporel suite à un accident de circulation, arrêt du 24 juillet 1998, la Cour de cassation a décidé que : « ayant retenu que trois véhicules étaient impliqués dans l’accident… c’est à bon droit que la Cour d’Appel que ses trois conducteurs et leurs assureurs sont ténus en réparation. »

Par ailleurs, en matière de dette alimentaire, la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 27 novembre 1935 que chacun des pères et mères, naturels ou légitimes, sont obligés in solidum d’entretenir, de nourrir et d’élever les enfants communs.

En matière commerciale, la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 8 janvier 1991 que la seule obligation indivisible ne saurait, par elle-même, conduire à une qualification d’obligation in solidium.

Toujours en matière commerciale, la Cour de cassation a aussi affirmé que, la disparition d’une société du fait de la clôture de sa liquidation judiciaire ne vaut pas décharge de condamnation pour les coobligées, ces derniers devront prendre en charge la part de la société liquidée.

Enfin, en droit des affaires, notamment dans une procédure de redressement judiciaire d’une entreprise en difficulté, dans un arrêt du 13 octobre 2015, la cour a déclaré que le codébiteur d’une obligation peut répéter contre l’autre coresponsable ses parts et portions et que la créance indemnitaire est née au jour où l’autre codébiteur a été assigné en réparation du dommage.

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