La condition potestative fait référence à une terminologie du droit des contrats qui subordonne la mise en œuvre d’une prestation à la volonté unique d’une seule des parties au contrat. En d’autres termes, l’exécution de l’obligation est intrinsèquement liée à ce qu’aurait décidé l’un des contractants.
La première remarque à faire ici, c’est que la condition potestative va à l’encontre des règles du droit commun des obligations notamment celle relative à la liberté contractuelle. En effet, en droit civil, il est impératif que chaque contractant exprime sa volonté.
D’ailleurs, la rencontre des volontés est obligatoirement requise pour que toute convention soit formée puisque c’est l’une des conditions de formation des contrats. Or dans le cas où il existe une condition potestative, cette règle est brisée et il ne saurait plus exister de véritable égalité entre les parties.
La seconde remarque à noter est que la condition potestative tend à créer un déséquilibre dans les relations contractuelles en plaçant l’un des contractants (celui dont la seule volonté agit sur l’exécution de l’obligation) au-dessus de son cocontractant.
Mentionnons d’ores et déjà qu’il est possible de rencontrer la condition potestative dans tout type de contrat (contrat de gage, de dépôt de garantie, de vente de marchandises, offre de prêt, etc.). De la même manière, la condition potestative peut atteindre autant un acte authentique qu’un acte sous seing privé rédigé par les parties.
Dans cet article, nous expliquerons en détail la notion de condition potestative. Pour ce faire, nous avons subdivisé l’article en deux grandes parties. Dans la première partie, il sera question de présenter la notion juridique de la condition potestative. Dans la seconde partie, nous aurons pour tâche d’aborder le régime juridique de la condition potestative.
Présentation générale de la condition potestative
Le cadre juridique de la condition potestative
Pour comprendre ce que signifie cette notion, il est essentiel de se poser cette question : d’où vient la condition potestative ? Autrement dit, quel est le cadre juridique qui consacre la condition potestative.
Pour répondre à cette question, il faut ici faire référence à la possibilité qui existe en droit des obligations de soumettre l’exécution du contrat à une condition qui l’influence. En principe, il s’agit d’un événement futur et incertain dont la survenance peut avoir des impacts sur l’existence du contrat.
C’est l’article 1304 du Code civil introduit par la réforme du droit des contrats qui donne de plus amples explications sur l’événement futur et incertain. L’article fait ressortir deux hypothèses.
Dans la première hypothèse, on parle de condition suspensive. Dans ce cas de figure, tant que l’événement n’est pas survenu, il ne peut être procédé à l’accomplissement des actes retenus dans les clauses contractuelles.
Dans la seconde hypothèse, on utilise le terme de condition résolutoire. À ce niveau, la survenance de l’événement emporte la résolution du contrat.
Que nous soyons dans l’un ou dans l’autre cas c’est-à-dire que la condition est suspensive ou résolutoire, le législateur lui fait attacher quatre différents caractères récapitulés par le schéma ci-dessous :
Il ressort donc de ce schéma que la condition potestative n’est qu’un caractère des conditions suspensives et/ou résolutoires. Autrement dit, le critère suspensif ou résolutoire n’empêche pas la condition potestative.
À titre d’explication, on parle de condition casuelle lorsque l’évènement est lié au hasard ou dépend d’éléments sur lesquels on ne peut avoir de maîtrise. Quant à la condition illicite encore dénommée condition impossible, elle a trait à une chose dont les lois et règlements ont fait prohibition. La condition potestative, qui est le sujet actuel de notre développement, touche à la seule volonté de l’un des contractants.
Enfin, la condition mixte fait recours non seulement au consentement des parties, mais aussi à l’intervention de la volonté d’une tierce partie que le nom nomme un tiers.
Clarification conceptuelle
On ne peut pas parler de condition potestative sans la distinguer de la condition mixte. Alors que la première fait état de la réalisation d’une obligation par le jeu de la volonté unique d’une seule partie, la seconde met en jeu non seulement la volonté d’un des contractants, mais également celle d’un tiers.
Exemple de la condition purement potestative :
Dans une convention sous seing privé, Monsieur Jean insère une clause selon laquelle il achèterait la voiture de Madame Annette dès lors qu’il vendrait lui-même son véhicule.
Dans cet exemple, l’une des parties certifie qu’elle procédera à la signature de l’acte d’achat qu’à partir du moment où elle aura elle-même accompli un évènement prévu dans le contrat. Ainsi, le fait de signer l’acte peut ne jamais avoir lieu vu que tout dépend de la volonté de Monsieur Jean. Il s’agit dans ce cas d’une condition qui encourt la nullité.
En effet, si le bénéficiaire de la condition est le débiteur et qu’elle dépend uniquement de sa volonté c’est-à-dire dans notre cas d’espèce, Monsieur Jean, alors cette condition potestative est nulle.
Exemple de la condition mixte :
Dans l’espoir d’éviter un prêt relais, un acquéreur décide de procéder à une vente immobilière de son propre immeuble après avoir préalablement fixé un prix de vente et remis le bien entre les mains de plusieurs agences.
Dans cet exemple de vente d’immeuble, la condition ne dépend plus de la volonté du seul acquéreur, mais elle dépend également de celle des agences immobilières. Ici, cette condition n’est plus prohibée.
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Les critères de la condition potestative
Généralement, il existe trois critères qui permettent de clarifier la notion de condition potestative en droit français. Le schéma ci-dessous permet de faire le point sur les critères de la condition potestative.
Le critère ayant trait à l’impact du débiteur sur la survenance de l’événement
L’une des premières caractéristiques fondamentales de la condition potestative est qu’elle doit découler de l’influence de la partie débitrice. Autrement dit, ce n’est qu’au moment où la partie débitrice pose une condition rendant sa volonté nécessaire pour l’exécution de l’obligation que ne peut jouer la condition potestative.
Par cette modalité de la condition potestative, le législateur permet d’éviter une fragilité des relations contractuelles et le déclin de la volonté des parties, en empêchant chaque contractant d’invoquer à son gré la condition potestative juste dans le but de faire frapper de nullité l’obligation du cocontractant ou de tout le contrat.
Le critère relatif à l’intérêt du débiteur
La première condition n’est pas suffisante pour que soit consacrée la condition potestative, encore faudra-t-il que la partie débitrice dispose d’un intérêt à ne pas voir l’obligation exécutée par son cocontractant.
Prenons l’exemple de deux personnes qui rédigent un acte sous seing privé dans lequel l’une devrait consentir un prêt à l’autre. Toutefois, dans le contrat, les parties ont inséré une clause selon laquelle, avant l’obtention d’un prêt, le prêteur devrait disposer dans ses comptes d’un certain montant.
Pour évaluer dans ce cas le second critère de la condition potestative, il suffit de voir si dans la condition retenue dans l’acte sous seing privé, le prêteur à la facilité de se désengager : ce qui est le cas dans notre exemple.
En effet, ce qu’il faut retenir c’est que si le débiteur doit consentir un effort/sacrifice, malgré le fait que la réalisation de l’événement relève de sa seule volonté, la sanction de la nullité ne frappera pas la condition potestative. Mais au contraire, s’il doit accomplir un acte insignifiant pour que l’événement se réalise, on retiendra une condition potestative punissable par la loi.
Le critère relatif au contrôle judiciaire
Le dernier critère de la condition potestative s’explique dans le fait que même lorsque les deux premiers sont remplis, il est important que celui qui invoque la condition potestative se base sur des éléments extérieurs pouvant être contrôlés par les juridictions. En termes clairs, la condition potestative ne s’applique pas de plein droit.
C’est ce qu’ont confirmé les juges de cassation dans un arrêt de cassation rendu en date du 29 septembre 2009. Dans cette affaire, un Crédit Agricole avait inséré dans un contrat (un acte sous seing privé) une clause permettant à des assurés de se faire prendre en charge dès lors où ceux-ci se retrouveraient en invalidité définitive de telle sorte à ne pas pouvoir exercer une activité professionnelle.
Au départ, la cour d’appel avait identifié une condition potestative compte tenu du fait que la clause dépendait fondamentalement de la volonté de l’assureur. Mais la haute juridiction, sur le fondement de l’article 133 alinéas 2 du code de la consommation, a marqué son opposition en précisant que les circonstances objectives relevant de la clause pouvaient faire l’objet d’un contrôle par les juridictions.
Pour ce fait, on ne saurait requalifier la condition de potestative ni conclure à la nullité de la clause (voir ici : la nullité relative d’une clause) ou la résiliation du contrat d’assurance (dans le cas où la condition potestative porterait sur une obligation essentielle).
Le régime juridique de la condition potestative
La nullité de la condition potestative
C’est l’article 1304 alinéas 2 du Code civil qui présente le régime juridique relatif à la condition potestative. En la matière, cet article dispose que la sanction applicable à l’obligation revêtue d’une condition potestative est la nullité.
Pour le législateur, la condition potestative fait opposition à la règle de la force obligatoire des conventions et pour ce fait, elle ne peut être admise au sein des relations contractuelles entre les parties : c’est fort de cela qu’elle encourt à chaque fois la nullité.
Cependant, il est important de préciser que ce n’est pas tout le contrat qui encourt la nullité, mais c’est seulement l’obligation contractée qui sera déclarée nulle. Toutefois, dans le cas où la condition potestative porte sur une obligation essentielle de la relation contractuelle, les juridictions appliqueront la nullité du contrat dans son ensemble.
De la même manière, en matière de condition potestative, c’est la nullité relative qui est retenue, ce qui voudrait dire que la nullité est prononcée en faveur du créancier qui est le seul qui pourra s’en prévaloir à l’encontre du débiteur.
La validité de la condition potestative
Ce n’est pas dans tous les cas que la condition potestative est frappée de nullité, il existe certaines situations dans lesquelles, la condition potestative est reconnue valable en droit des obligations.
Tout d’abord, celui sur qui pèse l’obligation ne peut émettre une condition potestative, s’il le fait, celle-ci sera considérée comme nulle. Cependant, lorsque la condition potestative émane du bénéficiaire de l’obligation, autrement dit lorsque c’est le créancier qui émet la condition potestative, celle-ci est valable.
Par exemple, dans un contrat de vente d’immeuble, l’acquéreur a la possibilité d’émettre une condition potestative quant à l’exigibilité du bien immobilier, ce qui n’est pas possible pour le vendeur. Mais concernant le paiement du prix de vente qui est une obligation réciproque qui pèse sur sa tête, il ne peut faire aucune stipulation tenant lieu de condition potestative.
Incidence de la condition potestative sur le droit civil
La nouveauté fondamentale qu’a apportée la condition potestative sur le droit civil est l’abandon de certaines classifications usuelles qui caractérisait les relations contractuelles. Voici quelques classifications qui ont été abandonnées suite à la redéfinition de la condition potestative.
Classification entre condition purement potestative et condition simplement potestative
Avec la condition potestative, il importe peu que la réalisation de l’événement soit sous condition d’un débiteur ayant manifesté sa volonté ou disposant d’un pouvoir réel sur le créancier.
À partir du moment où le débiteur dispose de la capacité d’influer sur le contrat à travers la réalisation de la condition potestative, celle-ci est considérée comme accomplie.
Classification entre les conditions suspensives et résolutoires
En considération de l’explication donnée ci-dessus, la condition potestative est réalisable que nous nous situions dans des conditions suspensives ou résolutoires.
Classification des actes à titre gratuit et onéreux
La question se pose ici de faire ou non une opposition entre les actes à titre gratuit et ceux à titre onéreux. Pour ce qui concerne les actes à titre gratuit, c’est surtout les conditions purement potestatives qui sont visées. Le législateur se base sur le fondement selon lequel une promesse ou une offre ne vaut pas lorsqu’elle est retenue par le donateur.
Quant aux actes à titre onéreux, ce sont les conditions purement potestatives qu’ils visent. Le législateur veut sanctionner l’illusion qui peut se cacher dans l’engagement d’un débiteur qui se donne la garantie de la condition potestative pour ne pas contracter.
C’est le cas d’une fausse promesse de vente stipulée dans un contrat, mettant l’acheteur en confiance par rapport à la conclusion du contrat, alors qu’elle est subordonnée à une condition potestative.
Dans ce cas, le débiteur ayant fait la promesse illusoire peut-être dans certains cas soumis au paiement de dommages et intérêts s’il n’a pas été de bonne foi (voir la définition ici) au moment de la conclusion du contrat.
Classification des autres contrats
Pour certains auteurs de la doctrine, un contrat synallagmatique ne peut pas tomber sous le coup de la condition potestative. Pour eux, la prohibition de la condition potestative est essentiellement due au fait que l’obligation dépend de la volonté du débiteur, ce qui n’est pas le cas pour le contrat synallagmatique où les obligations sont réciproques.
En effet, selon ces auteurs, chaque partie étant à la fois débiteur et créancier, si elles activent une condition potestative qui caractérise une obligation, l’autre partie n’a plus qu’à annuler la contrepartie réciproque qui pèse sur elle.
Cependant, il faut remarquer que la jurisprudence ne s’est pas alignée sur cette thèse qu’elle a rejeté bon nombre de foi. L’une des illustrations aux propos précédents se trouve dans l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 7 juin 1983.
Dans cette affaire, les juges de cassation ont manifesté leur avis contraire par rapport à la cour d’appel qui semblait ne pas considérer la nullité d’une condition potestative ayant rapport à un la signature d’un acte authentique de vente dans un contrat synallagmatique.
Pour les juges de la haute juridiction, peu importe qu’il s’agisse d’un acte authentique ou d’un acte sous seing privé, peu importe également que le contrat soit synallagmatique ou unilatéral, dès lors que l’obligation contractée tient à une condition potestative du débiteur, sa nullité est indiscutable.
Exemples jurisprudentiels de condition potestative
Le droit français regorge d’affaires ayant trait à la condition potestative. Dans cette dernière partie, nous allons présenter quelques exemples tirés de la jurisprudence de la Cour de cassation afin de donner un aperçu plus clair de la notion de condition potestative.
Cas de la cession d’actions dans un contrat de bail
Il s’agit d’une jurisprudence émanant de la 1ère chambre civile de la haute juridiction judiciaire en date du 6 décembre 2017. Pour cette affaire, dans le cadre de la cession d’actions dans un contrat de bail, les parties s’étaient entendues sur leurs obligations.
L’ancien locataire devait payer les diverses indemnités d’occupation dues au bailleur. Quant au nouveau titulaire de bail, il devait prendre l’engagement de rendre le terrain propre et fournir au bailleur un engin de nivellement de terrain.
Au cours d’un contentieux avec le bailleur, le nouveau locataire a effectué un appel en garantie de l’ancien locataire, ce que la Cour de cassation a rejeté à travers un arrêt de rejet. L’argument de la Cour qui avait été avancé était que l’obligation du nouveau locataire avait été conclue sous une condition potestative.
Cas de la vente d’immeuble assortie d’une condition suspensive
Cette affaire a été connue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 31 mars 2005. Au cours d’une promesse unilatérale de vente, le vendeur avait assuré aux acquéreurs qu’il n’existait pas de servitudes sur le terrain et avait inséré une condition suspensive tenant à la positivité de la formalité de certificat d’urbanisme sur le terrain.
Or, après vérification, les acquéreurs se sont rendu compte que non seulement le terrain était grevé de servitude, mais le certificat d’urbanisme ne pouvait être délivré.
Concluant à un dol de la part du vendeur, les acquéreurs ont fait un pourvoi en cassation en vue de rendre caduque la promesse que leur a faite le vendeur. La Cour de cassation a confirmé la décision rendue par les juges d’appel en rejetant le pourvoi formé par les époux acquéreurs.