Qu’est-ce que la bonne foi en droit des contrats ?

La bonne foi en droit des contrats

Du point de vue juridique, la bonne foi en droit des contrats fait référence à une norme de comportement, un standard que toute personne, partie à un contrat, est invitée à adopter. La notion de bonne foi vise à pousser chaque contractant à tenir un comportement loyal et à se montrer coopérative envers l’autre partie.

Au départ, le Code civil a été très laconique en son article 1134 du Code civil relatif à la bonne foi. Cet article n’a simplement prévu qu’une mesure d’ordre public établissant que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Rien n’est dit par rapport à la période pré-contractuelle ni par rapport à l’étendue de la bonne foi.

Il faut compter sur le projet portant réforme du droit des contrats notamment l’ordonnance du 10 février 2016, pour voir le champ d’application de la bonne foi se réaliser. Cette réforme du droit des obligations et des contrats a introduit de nouveaux concepts tels que la nullité de certaines clauses dites abusives, la théorie de l’imprévision, etc. Cette ordonnance recadre par ailleurs le régime général des obligations, de même que la preuve.

Pour présenter la notion de la bonne foi dans le contexte des contrats, nous nous pencherons d’abord sur les fondements de la bonne foi dans le droit des contrats (partie 1). Ici, après une explication (cours de droit gratuit), et un aperçu des différents objectifs de la bonne foi, nous délimiterons son champ d’application. Ensuite dans une seconde partie, nous aborderons l’application réelle du principe de la bonne foi par les juges (partie 2).

Les fondements de l’exigence de la bonne foi en droit des contrats

Définition et objectifs

Définition de la bonne foi

En droit des obligations, on conçoit la bonne foi comme la croyance qu’une personne doit agir conformément à un droit qui lui appartient et de la même manière de ne pas, au cours de son action, nuire volontairement à un tiers.

La notion de bonne foi est constamment présente dès lors que deux ou plusieurs personnes nourrissent un objectif contractuel. Cet argument se justifie à travers les points suivants.

En effet, en dépit du fait que les négociations soient soumises au principe de liberté contractuelle, la bonne foi est mise à l’honneur dès le moment des pourparlers. Quand bien même chaque partie à l’obligation d’exécuter le contrat selon tout ce qui y est inscrit au sein de celui-ci, la bonne foi intervient aussi par rapport aux comportements des non-inscrits au contrat. Même lorsqu’un contentieux est apporté devant les tribunaux, chaque partie, en attendant la décision des juges, a l’obligation d’exécuter le contrat avec bonne foi.

En définitive, le principe de bonne foi sera présent à toutes les étapes du contrat, depuis la simple volonté de le créer jusqu’à sa dissolution. Il est important alors de se demander ce que vise ce principe de bonne foi en droit des contrats.

Les objectifs visés par la bonne foi en droit des contrats

Sécurité juridique des relations contractuelles

En considération du principe de la liberté contractuelle, on peut décider de contracter comme de ne pas le faire. Cependant, lorsque l’on prend la décision d’être partie à un contrat, l’on est tenu de l’exécuter et de tout mettre en œuvre pour en faciliter l’exécution à l’autre partie : ce principe est connu sous le nom de force obligatoire du contrat. C’est justement en vue de protéger la confiance entre les cocontractants que le législateur a mis en place la bonne foi.

Introduction d’une norme des comportements en matière contractuelle

À travers ce principe d’obligation de bonne foi, un standard significatif est établi et exigé lorsqu’un individu se met en relation contractuelle avec un autre. Même s’il n’est pas codifié, ce standard est connu de tous et a rapport au bon sens.

Domaine d’intervention de la bonne foi en droit des contrats

Il s’agit de montrer dans cette partie les domaines du droit dans lesquels la bonne-foi est automatiquement appliquée et aussi de faire ressortir quelques exemples fournis par la jurisprudence.

Dans tous les contrats conclus, on suppose que les parties sont animées de la bonne foi. Mais ces exigences de bonne foi sont particulièrement relevées dans certains contrats précis. Après avoir présenté le champ d’application en droit privé des contrats, nous évoquerons spécialement le cas du contrat de franchise et enfin nous donnerons un aperçu général de la notion de bonne foi dans les autres branches du droit civil.

Étendue du champ d’application en droit commun

L’actuel projet de réforme du droit consacre la notion de bonne foi dans son nouvel article 1103.

La bonne foi du débiteur

Il subsiste deux obligations de bonne foi essentielles sur la tête du débiteur. Tout d’abord, le débiteur ne doit pas, de son propre chef, manquer à ses obligations contractuelles. Ensuite, il ne doit pas user de manœuvres frauduleuses censées nuire aux intérêts de son créancier.

Dans ce cadre, la réticence dolosive est catégorisée comme faisant partie de manœuvres frauduleuses. La réticence dolosive se définit par le fait pour une partie d’omettre volontairement certaines informations nécessaires ou pouvant influencer le choix de l’autre.

Les sanctions qu’encourt le débiteur lorsqu’il viole manifestement son obligation de bonne foi sont diverses. En cas d’inexécution de son obligation, il peut être soumis au paiement de dommages et intérêts vis-à-vis de son créancier.

Ensuite, il ne peut invoquer devant le juge une clause exonératoire de sa responsabilité. Enfin, lors de la réparation du préjudice subi par le créancier, le juge peut aller au-delà du simple dommage réparable et obliger le débiteur à une réparation intégrale.

Voir : Le principe de l’arrêt Chronopost du 22-10-1996, vous y verrez plus clairement les propos des clauses exonératoires de la responsabilité dans le droit des contrats. De plus, c’est un arrêt fondamental en droit des contrats. C’est un cours complet, visitez la page !

La bonne foi contractuelle du créancier

Essentiellement, la bonne foi doit amener le créancier à ne pas rendre l’exécution du contrat difficile ou même impossible pour le débiteur. Lorsque le créancier est reconnu de mauvaise foi, il est lui est soustrait le droit d’invoquer la défaillance du débiteur face aux termes contractuels convenus.

Il est important de mentionner que chaque contractant peut rompre de façon unilatérale les négociations sans être fautif. La rupture des négociations ne serait abusive que dans le cas où la partie l’ayant provoquée a usé de mauvaise foi.

Toutefois, lorsque le créancier ou le débiteur a eu recours à un usage déloyal, il peut se faire sanctionner par le juge.

La sanction peut consister à priver la partie fautive d’exercer certaines prérogatives liées au contrat, notamment la clause résolutoire. On entend par clause résolutoire, la faculté qu’à l’une des parties (celle faisant preuve de bonne foi) de mettre fin au contrat de plein droit en cas d’une violation abusive par l’autre partie des termes du contrat.

Toutefois, cette sanction ne doit pas toucher les droits et obligations des parties de façon substantielle.

Le cas spécial du contrat de franchise

La bonne foi précontractuelle dans la formation du contrat

Le législateur fait peser sur la tête du franchiseur une exigence de bonne foi précontractuelle. Elle s’étend depuis la négociation jusqu’à la conclusion du contrat. Au moment des pourparlers, il a une obligation d’information vis-à-vis du franchisé. Ce devoir d’information se traduit par la remise au franchisé d’un document d’information précontractuelle.

Toutefois, la chambre commerciale de la Cour de cassation, à travers un arrêt rendu le 20 mars 1972, fait peser également sur la tête du franchisé une obligation de bonne foi, en l’occurrence la confidentialité, même s’il n’est tenu ni par une obligation de contracter ni par celle de poursuivre les négociations. Par ailleurs, la responsabilité civile du franchisé est retenue lorsqu’il commet une faute conduisant à la rupture des pourparlers.

La bonne foi des parties lors de l’exécution du contrat

Une fois le contrat conclut et eu égard à sa force obligatoire, les obligations doivent être exécutées telles que mentionnées. Si le franchisé commet par exemple une faute non incluse dans le contenu du contrat, on fera jouer la notion de bonne foi pour analyser la gravité de son attitude fautive. Il existe une liste jurisprudentielle, non exhaustive, des types de comportements répréhensibles de la part du franchisé.

On peut citer le dol, la tentative de désorganisation du réseau, le fait pour le franchisé de fournir des déclarations erronées, ou encore de céder le contrat de franchise à un tiers de bonne foi, etc.

Les clauses incluses dans le contrat de franchisé tiennent lieu de loi, entre le franchiseur et le franchisé. Cependant, en cas de silence du contrat sur un comportement donné, le juge fera appel à la notion de bonne foi ou d’équité et appliquera le droit commun des contrats. C’est de là que nait la consécration des solutions jurisprudentielles.

Les autres domaines du droit

Droit de la famille : Au moment de l’analyse de l’effet du contrat de mariage entre les époux et pour les tiers, le juge analysera la bonne foi du mari et de la femme. Il s’agit surtout du comportement apparent de l’un et de l’autre face au contrat de mariage.

Par exemple, si un mariage contracté est déclaré nul, on recherchera quand même la bonne foi des époux. Dans ce cas, les effets du mariage ne seront pas nuls à l’égard des époux. Dans le cas où l’un des deux époux est de mauvaise foi, le mariage est réputé nul pour lui.

Droit des biens : La bonne foi touche ici les questions de prescription et de possession. Lorsqu’on peut reconnaitre l’apparence dans la possession d’un bien par un individu, on suppose sa bonne foi. Ici, on met en exergue la croyance du présumé propriétaire d’agir conformément au droit, et aussi la conscience qu’il agit sans manifester l’intention de nuire à autrui ou viser l’objectif de léser leurs droits.

Par exemple, lorsqu’un acquéreur d’un bien immobilier ne savait pas que ce bien avait été préalablement vendu à autrui, et qu’il l’achète de bonne foi, la loi lui accorde une facilité. Il s’agit pour lui de se prévaloir de la priorité de l’enregistrement et de la publication de son bien immobilier.

Droit des affaires : Dans un contrat de vente par exemple, le vendeur a l’obligation d’information, d’assistance et de conseil vis-à-vis de l’acheteur. Cette obligation de bonne foi est automatique lorsque l’acheteur est un profane.

Au-delà de ces domaines du droit, le principe de bonne foi s’applique également en droit du travail, en droit des sociétés, en droit de la consommation, etc. :

Mise en application du principe de la bonne foi

Les exemples jurisprudentiels de la bonne foi en droit des contrats

Il existe une jurisprudence abondante sur la question de la bonne foi en droit des contrats. Nous allons présenter quelques-unes des décisions rendues par les cours et tribunaux.

Le cas de la résiliation du contrat aux torts exclusifs du contractant

Il est question ici d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 février 2016. La leçon essentielle à garder est celle-ci. Lorsque la partie demanderesse assigne son cocontractant pour motifs de résiliation du contrat aux torts exclusifs, elle n’est pas dispensée de supporter tout manquement, manœuvre dolosive…de sa part, même si les faits se sont produits après l’assignation.

Dans cette affaire, la Cour de cassation a expliqué que tout élément postérieur à une assignation doit être considéré pour analyser le manquement des obligations qui lient les contractants. Il revient ainsi à la partie assignataire de demeurer très vigilante dans l’exécution de ses propres obligations. Elle doit veiller, même après l’assignation, à ne pas commettre elle-même, toute violation des termes du contrat.

Dans le cas contraire, sa responsabilité contractuelle pourrait être engagée et la gravité des faits reprochés à la partie défenderesse pourrait être allégée. Il est sous le coup de cette mesure de vigilance tant que la résiliation effective n’a pas encore été prononcée par les juges.

Le cas de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 Octobre 2015

À travers cet arrêt portant sur le non-respect d’un protocole transactionnel entre deux parties, les juges ont reprécisé que les transactions doivent être exécutées de bonne foi. En effet, même si elle ne reste qu’un moyen destiné à empêcher la survenance d’un litige, à l’instar de tout contrat, une transaction doit être également exécutée de bonne foi et chaque partie à la transaction doit s’abstenir de tout manquement pouvant nuire à l’autre.

L’arrêt du 4 septembre 2013 de la Cour d’appel de Paris

Dans cette affaire qui opposait un fournisseur à son distributeur, il était reproché au fournisseur non seulement d’avoir fait preuve de mauvaise foi, mais aussi d’avoir failli à son obligation de loyauté au cours de l’exécution du contrat. Le reproche concernait le refus injuste du fournisseur de laisser le distributeur transférer son activité vers un autre site.

Pour les juges du fond, le fournisseur n’avait pas du tout manqué à son devoir de loyauté puisque le contrat avait expressément prévu une clause déterminant la zone d’activité du distributeur et aussi le fournisseur avait déjà désigné d’autres distributeurs dans la nouvelle zone concernée.

Fonctionnement de la bonne foi

Quelques spécificités liées au principe de la bonne foi en droit des contrats

La renégociation du contrat

Par le biais du principe de la bonne foi, les juges de la Cour de cassation ont admis la possibilité de renégocier certains contrats lorsqu’il semble ne plus y avoir un équilibre à l’égard des parties. Le fondement de cette position des juges se trouve dans le nouvel article 1195 du Code civil.

Selon cet article, lorsque survient un changement de circonstances lors de l’exécution du contrat, et que ce changement était imprévisible et en plus qu’il fait peser sur une partie des coûts onéreux, le contractant sur qui pèse cette charge peut demander à l’autre cocontractant de renégocier le contrat.

Les fonctions de la bonne foi en droit des contrats

On distingue généralement quatre fonctions de la bonne foi en droit des contrats. Une fonction interprétative qui permet au juge d’interpréter les actions de chaque partie. Ensuite vient une fonction complétive en ce sens que la bonne foi apporte un complément aux obligations assignées à chaque partie dans le contrat.

Puis une fonction limitative par laquelle elle limite les potentiels abus de droit en encadrant l’étendue des prérogatives de chaque partie. Enfin une fonction adaptative par laquelle elle permet aux parties de modifier le contrat surtout lorsque se pose la question d’un déséquilibre significatif.

Preuve de la bonne foi en droit des contrats

Le principe est celui de la présomption de la bonne foi en droit des contrats. Par ce principe, on suppose que chaque cocontractant doit exécuter ses obligations de bonne foi. Ainsi, il revient à la charge de la personne qui évoque la mauvaise foi d’en apporter la preuve.

Cependant, dans certains contrats, en vue d’assurer la sécurité juridique d’une des parties au contrat, les tribunaux battent en brèche la théorie de la présomption de la bonne foi en droit des contrats.

Ainsi, dans le cas d’une relation contractuelle entre un professionnel et un non professionnel (exemple : cas d’une vente), on suppose la mauvaise foi du professionnel lorsque le bien vendu comporte des vices. En effet, les juges déduisent qu’en raison de son expérience, le vendeur professionnel n’est pas censé ignorer les vices cachés liés à la chose objet de la vente.

Il ne faut pas se limiter à ce seul cas, parce que la jurisprudence est étendue à toutes sortes d’activités impliquant des contrats conclus entre un professionnel et un profane.

On peut donner l’exemple du fabricant professionnel qui a livré des appareils défectueux à son client, de l’ingénieur qui a supervisé des travaux de construction d’un bâtiment qui comporte des vices de construction, etc.

Hormis les relations contractuelles entre professionnels et non professionnels où le principe de la présomption de la bonne foi n’agit pas, il en est de même en droit social.

On suppose d’office la mauvaise foi de l’employeur ou du travailleur libéral lorsque celui-ci ne paie pas ses cotisations sociales à temps, et à ce titre, on lui applique d’emblée les majorations prévues par la loi. Pour obtenir remise ou réduction des majorations, il a la charge de la preuve de sa bonne foi.

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