C’est quoi une chose fongible ?

Chose fongible

Une chose fongible est une chose faisant partie de la catégorie des biens meubles corporels dont l’individualisation n’est pas possible. En effet, il existe en droit français, plusieurs catégories de biens que le législateur a regroupées suivant leur fonction, leur type, leur nature, etc.

Une autre expression juridique pour désigner la chose fongible est la chose de genre. La caractéristique principale qui entoure la chose de genre est qu’elle peut être remplacée par une autre chose du même genre et dans les mêmes proportions. Ainsi, il est possible de remplacer un kilogramme de sucre par un autre kilogramme de sucre sans que le créancier ne puisse protester contre le remboursement de ce qui lui est dû.

Lorsque l’on se base sur la conception de certains théoriciens du droit comme le Doyen Cornu, il convient de dire ici que la chose fongible est admise en tant qu’instrument de paiement ou comme un instrument de restitution. Cependant il est impérieux qu’elle soit équivalente à la première chose fongible ayant servi de prêt au départ.

Dans le présent article, nous expliquerons ce que recouvre la notion de chose fongible en droit français. Pour ce faire, l’article sera divisé en trois parties : la première partie portera sur une présentation générale de la chose fongible tandis que la deuxième portera sur la nécessité de distinguer la chose fongible d’un corps certain. Enfin, concernant la dernière partie, elle consacrera un aperçu du concept de chose fongible tel qu’appréhendé dans les autres matières du droit privé.

Présentation générale de la chose fongible

Chose fongible : Définition

En droit civil, une chose fongible désigne une catégorie de biens meubles dont l’individualisation n’est pas possible. Cette catégorie concerne à la fois les matières comme les marchandises qui sont interchangeables entre elles.

Dans le Code civil, ce sont les articles 587 et 1892 qui permettent d’appréhender la notion de chose fongible. Selon ces articles, trois critères permettent de distinguer une chose fongible :

Il faut donc comprendre à travers ce « cours de droit en ligne gratuit » qu’une chose fongible est caractérisée par sa nature, sa quantité et son espèce.

Quand on parle de même nature, cela revient à porter l’accent sur le caractère interchangeable de la chose du genre. Quant à la même quantité, cela revient à mentionner qu’en cas de restitution, c’est la même unité de mesure qui doit être restituée.

À travers ce caractère, il faut également retenir que dans le but d’individualiser une chose fongible, il est impérieux d’exécuter une opération de mesure. Enfin, l’espèce touche à la qualité de la chose fongible.

Exemple : Dans le cadre d’un contrat, Mr Jean doit vendre à sa voisine Mme Anne dix tonnes de blé. Après la première récolte, le feu ayant attaqué le grenier de Mr Jean, il n’a pas pu effectuer la livraison.

Il promet à Mme Anne de lui livrer les marchandises à la prochaine récolte, ce que celle-ci accepte. La facilité pour chacune des parties de s’entendre sur une prochaine livraison est possible parce qu’il s’agit d’une chose du genre.

Différence entre chose fongible et corps certain

Traditionnellement en droit des biens, on oppose la chose fongible au corps certain. Quand on parle de corps certain, on fait référence à une chose qui peut être individualisée. Ainsi, il est important que ce soit un bien corporel portant une marque identifiable de telle sorte qu’on ne puisse se tromper en l’interchangeant avec un autre.

Or il n’en est pas ainsi de la chose fongible. En effet, malgré le fait que les choses fongibles soient également des biens corporels, il est facile de les interchanger avec d’autres biens possédant les mêmes caractéristiques.

Dans notre exemple précédent des dix tonnes de blé vendues, il ne s’agit pas impérativement de portions identifiables de la marchandise. Ce qui importe à l’acheteur, c’est de se retrouver en possession d’une quantité de dix tonnes de blé répondant à l’exigence de qualité voulue.

Or supposons qu’un contrat de vente soit établi par rapport à un immeuble. Le vendeur ne peut remettre à l’acquéreur un immeuble autre que celui dont ils ont convenu lors de la vente (c’est-à-dire un immeuble situé à un autre endroit géographique et ayant d’autres caractéristiques physiques).

Il faut donc comprendre que de par sa singularité, un corps certain dispose de propriétés qui le rendent unique par rapport à tout autre corps certain ayant la même ressemblance.

Autrement dit, il serait irrégulier de procéder au remplacement ou à la compensation d’un corps certain par un autre, alors que pour les choses fongibles, aucun problème ne se poserait.

Classification de la chose fongible

Il existe en droit privé plusieurs classifications qui portent sur les biens.

Tout d’abord, le droit français permet de faire la distinction entre les meubles et les immeubles. Il faut rappeler qu’au niveau de chacune de ces catégories se distinguent d’autres sous-catégories.

Ainsi, au niveau de la catégorie des biens immeubles, on pourra distinguer l’immeuble par nature (un terrain non bâti par exemple), de l’immeuble par destination qui lui-même diffère de l’immeuble par l’objet qu’il suit (des servitudes par exemple).

Du côté des choses mobilières, il est possible de distinguer un meuble par nature (moto, voiture, etc.) du meuble par anticipation (coupe de futurs plants par exemple) qui, lui-même diffère des choses mobilières par détermination juridique (comme les rentes viagères).

À retenir : en partant de cette distinction, une chose fongible est fondamentalement un bien meuble.

À côté de cette classification principale, il existe d’autres classifications dites secondaires. À ce titre, on peut distinguer les biens corporels ou incorporels. Quand on parle de biens corporels, ce sont des choses qui peuvent être touchées, palpées et dont l’existence ne peut être doutée.

À titre d’exemple, une voiture, un avion ou un sac seront regroupés dans la catégorie des choses corporelles. En revanche, pour ce qui concerne les choses incorporelles, elles sont immatérielles et ne peuvent être saisies ou palpées manuellement. Dans ce cadre, un droit de propriété intellectuelle ou une créance constituent des biens incorporels.

À retenir : en partant de cette distinction, la chose fongible est fondamentalement un bien corporel.

On peut également mentionner la distinction qui porte sur les choses consomptibles et celles qui sont non consomptibles. En réalité, une chose est dite consomptible lorsqu’on ne peut l’utiliser sans en toucher la substance.

Autrement dit, au fur et à mesure qu’on en fait une utilisation, elle tend à diminuer (exemple des aliments, du charbon, etc.). Par contre, la chose non consomptible demeure intacte malgré l’utilisation ou la jouissance que l’on en fait (cas de l’usufruit : la définition ici).

À retenir : il faut mentionner ici qu’une chose fongible peut être à la fois consomptible comme non consomptible.

Il existe plusieurs autres classifications permettant de catégoriser en droit tout type de bien : les biens appropriés et ceux qui ne le sont pas, les biens dans le commerce et ceux qui ne le sont pas, les biens privés et les biens publics, etc.

Nécessité de la distinction entre les choses fongibles et les autres biens

On peut se demander quel est l’intérêt de la distinction entre les deux types de biens meubles à savoir la chose fongible et le corps certain.

Intérêt du point de vue contractuel

Le premier intérêt se présente du point de vue du droit des obligations. En effet, dans une relation contractuelle, le contenu de la prestation diffère pour chacune des parties selon que le contrat porte sur une chose fongible ou un corps certain.

Concernant le corps certain, le contrat doit clairement désigner la chose qui en est l’objet et donner des précisions de telle manière qu’il soit facilement identifiable parmi tous les autres biens de cette nature juridique. À partir du moment où le corps certain est désigné dans la convention, on en déduit que la prestation pesant sur chaque partie est définie.

Concernant la chose fongible, il n’est pas exigé qu’elle soit identifiée au moment de la conclusion du contrat. Ce qui est par contre fondamental, c’est que les parties soient d’accord sur la nature et le genre de la chose fongible.

C’est pour cela que l’article 1129 du Code civil précise que c’est la connaissance de l’espèce de la chose fongible qui est importante au moment de la conclusion du contrat. Toutefois, la quantité de la chose fongible doit pouvoir être déterminée en se basant sur les éléments contractuels.

Intérêt du point de vue du transfert de propriété

À ce niveau, deux articles du Code civil retiennent notre attention au moment de la distinction : il s’agit des articles 1344 alinéa 2 et 1585 du Code civil.

Selon le premier article, lorsqu’un contrat porte sur un corps certain, au moment du transfert de propriété, c’est sur la tête du débiteur que reposent tous les risques inhérents à la vente. Autrement dit, c’est l’acquéreur du bien meuble qui devra supporter les risques liés à son transfert de propriété.

Quant au second article, il donne un éclaircissement par rapport à la chose fongible. Ainsi, lorsqu’un transfert porte sur une chose fongible, c’est sur le vendeur que reposent tous les risques dès lors que la chose fongible n’est pas encore individualisée. La déduction à faire à ce niveau est qu’à partir du moment où les biens vendus sont individualisés, ce sera alors l’acquéreur qui devra en supporter les risques.

Intérêt du point de vue de la compensation

Dans le Code civil, la compensation est expliquée par l’article 1347 et désigne une opération conduisant à une extinction simultanée des prestations ou des obligations pesant réciproquement sur deux parties.

En droit des contrats en France, la compensation n’est possible que lorsqu’il existe des créances réciproques à la charge de chacune des parties.

Le premier alinéa de l’article 1347 met en lumière les quatre critères qui caractérisent les obligations susceptibles de compensation, à savoir : leur fongibilité, leur certitude, leur liquidité et leu exigibilité.

On déduit de cet article que cette modalité d’extinction des obligations ne peut avoir lieu entre les corps certains.

Intérêt du point de vue des sûretés

La distinction entre chose fongible et corps certain est aussi importante dans le domaine du droit des sûretés notamment pour ce qui concerne le dépôt et le gage.

Par principe, dans le domaine du droit de gage ou du contrat de dépôt, il ne saurait y avoir de transfert de propriété au moment où le dépositaire confie les biens au créancier gagiste.

En réalité, le créancier gagiste est tenu par une obligation de restituer le bien reçu dès lors que le débiteur a exécuté la prestation garantie. Il ressort de ce fait que le créancier ne se présente qu’en tant que simple détenteur des choses déposées dont la jouissance ne lui est pas reconnue.

De la même manière, dans le dépôt de garantie, le déposant s’attend à recevoir le bien déposé à partir du moment où son obligation principale est remplie.

Cependant, c’est surtout dans le cas où le bien mis en gage ou en dépôt est un corps certain que ces règles prévalent. Si, en effet, il s’agit d’une chose fongible, sa restitution n’est pas aisée.

Dans le cas où la chose fongible est déposée avec d’autres biens de la même espèce ou possédant la même nature, il est difficile de les trier pour en restituer la part qui revient au débiteur.

C’est pour cette raison que le législateur opère une différence en précisant que lorsqu’il n’existe pas de séparation entre les biens mis en gage ou en dépôt, le transfert de propriété est ainsi retenu à l’égard du créancier gagiste. Dans de pareils cas, on parle soit de gage irrégulier ou de dépôt irrégulier.

Intérêt du point de vue des revendications

La question qui se pose à ce niveau est de savoir pour quel type de bien meuble il est possible d’intenter une action en revendication. En la matière, il faut retenir que l’action en revendication n’est admise pour un bien que lorsque celui-ci peut être clairement identifiable.

En d’autres termes, il faut que le bien ne soit pas mélangé avec d’autres choses de la même nature avant qu’une action en revendication ne puisse être dirigée contre ledit bien. C’est pour cette raison que l’action en revendication n’est pas possible en principe pour les biens fongibles sauf dans un domaine particulier que nous verrons dans le prochain paragraphe.

Aperçu de la notion de chose fongible en droit privé

La chose fongible en droit des sociétés

Un régime juridique spécial s’applique sur les choses fongibles lorsque nous nous situons sur le terrain du droit des sociétés. En effet, c’est dans un arrêt portant sur les entreprises en difficulté rendu par la Cour de cassation en date du 4 avril 2016 qu’un problème de droit important a été résolu.

Dans cette jurisprudence de la Cour de cassation, plusieurs fournisseurs avaient effectué une réserve de propriété sur une chose fongible, notamment du carburant. Or, l’administrateur principal s’était retrouvé dans une situation où il ne disposait pas suffisamment de carburant pour livrer chacun des fournisseurs.

Dans cette affaire, le juge de cassation a tenu en considération la loi du 10 juin 1994 qui avait mis en place l’opportunité de faire une action en revendication d’une chose fongible.

Cet apport de la loi qui introduit une modification dans le droit des entreprises a été fortement commenté par la doctrine française. À titre illustratif on peut évoquer l’ouvrage de F. Pérochon publié aux éditions Dalloz, 1995 : la revendication de biens fongibles par le vendeur.

La chose fongible en droit commercial

En droit commercial français, il faut faire recours à l’article L 624 du code de commerce en son alinéa 16 pour mieux comprendre le régime applicable à la chose fongible notamment en matière de stipulation d’une clause de réserve de propriété.

Pour rappel, on entend par clause de réserve de propriété celle par laquelle le débiteur se porte garant de payer le prix d’une marchandise quand bien même que celle-ci serait encore dans les mains du créancier.

Selon cet article, lorsqu’il y a stipulation d’une pareille clause dans un contrat, l’action en revendication contre une chose fongible est possible, quelles que soient les mains dans lesquelles se trouve cette chose fongible.

Par ailleurs, dans le cas où dans une procédure civile, un jugement est rendu par rapport à une chose mobilière qui demeure introuvable, il est possible pour la partie poursuivante de procéder à une saisie-exécution sur les biens patrimoniaux de l’autre partie aux fins de paiement. Cependant, cette opération doit être menée sous la conduite d’un huissier de justice.

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