Que ressort-il de l’article 1241 du Code civil ?

Article 1241 du Code civil

L’article 1241 du Code civil dispose que tout individu est tenu responsable des dommages qu’il a causés. Que le préjudice soit né du fait de l’individu en cause, de sa négligence ou encore de son imprudence, la loi l’oblige à réparer le préjudice qu’il a causé à une autre personne. Avec le concours de l’article 1240, l’article 1241 du Code civil a posé le principe général de la responsabilité du fait personnel.

Ce qui distingue les articles 1240 et 1241 du Code civil, c’est que le premier concerne tout particulièrement la catégorie des délits c’est-à-dire des faits illicites volontaires alors que le second (l’article 1241 du Code civil) concerne les quasi-délits.

Ce qu’il faut savoir en substance, c’est que pour engager et établir la responsabilité civile de l’auteur d’un dommage, il est nécessaire que trois conditions cumulatives soient réunies.

Il s’agit de l’existence d’un dommage, d’un fait générateur et d’un lien de causalité entre le dommage et le fait générateur du dommage. Le fait générateur peut-être le fait d’un tiers, le fait des choses dont on a la garde (il existe un régime spécifique pour la responsabilité du fait des choses que vous pouvez découvrir ici) et le fait personnel qui est l’objet de cet article.

Ainsi, le régime de la responsabilité du fait personnel établit par l’article 1241 du Code civil et 1240 peut-être appréhendé comme étant le régime de la responsabilité délictuelle dans lequel le fait générateur est considéré comme étant le fait personnel de l’auteur d’un dommage.

La responsabilité du fait personnel est une notion à ne pas confondre avec la responsabilité du fait des choses et le fait d’autrui qui font l’objet de régimes spécifiques. Deux points fondamentaux justifient cette différence.

Premièrement, il faut savoir qu’en matière de responsabilité du fait personnel, celui à qui incombe l’obligation de réparation se trouve être à la fois l’auteur et le responsable du dommage. Ce n’est pas le même cas de figure lorsque le fait générateur de la responsabilité a trait au fait d’une chose ou pour le fait d’autrui.

Deuxièmement, il faut retenir que la responsabilité du fait personnel a pour fondement une faute. La responsabilité du fait des choses ou encore la responsabilité du fait d’autrui quant à eux sont des responsabilités objectives en ce sens qu’elles ne nécessitent pas la preuve de l’existence d’une faute pour ouvrir droit à réparation.

À travers cet article, nous aborderons et expliquerons ce que recouvre l’article 1241 du Code civil et son corollaire, l’article 1240 du Code civil. Ainsi, nous déterminerons dans une première partie, le contenu de la notion de la faute ainsi que ses éléments constitutifs. Dans une deuxième partie, nous aborderons les notions d’appréciation et de neutralisation de la faute.

Article 1241 du Code civil : La faute et les éléments constitutifs de la faute

Le contenu de la notion de la faute

Bien qu’à l’origine du Code civil, la notion de la faute ait été envisagée comme un élément central du droit de la responsabilité civile, le législateur n’a pas apporté de définition formelle de la faute.

C’est la doctrine qui a défini la faute en se basant sur les différents arrêts rendus par les juridictions et notamment sur ceux de la Cour de cassation. La faute peut donc être définie comme le manquement à une règle de droit préexistante. Plus précisément selon Marcel Planiol, « la faute est un manquement à une obligation préexistante ».

Ainsi, dans un arrêt de principe (la définition ici) rendu le 15 avril 1873, la Cour de cassation a estimé qu’il appartenait aux juges du fond de constater souverainement les faits desquels ils pouvaient déduire la présence ou l’existence d’une faute.

Depuis, la Cour de cassation dans son contrôle de la faute vérifie que les juges du fond ont caractérisé la faute qu’ils ont décidé de retenir à l’encontre d’un défendeur, indépendamment d’un dommage et de l’établissement d’un lien de causalité. C’est pour ainsi dire que les juges du fond ne sont pas autorisés à retenir une faute sur le seul fondement d’un préjudice ou un dommage.

À présent, il convient d’évoquer les éléments constitutifs de la faute à la lumière des articles 1240 et 1241 du Code civil.

Éléments constitutifs de la faute

La faute est constituée de trois éléments fondamentaux que sont l’élément matériel, l’élément légal et l’élément moral. Sans la réunion de ces 3 éléments traditionnels, les textes des articles 1141 du Code civil et 1240 ne sont pas applicables. Dès lors, la faute ne peut pas être retenue. Nous allons étudier chacun de ces éléments de façon plus approfondie.

L’élément matériel de la faute

Dans le but de demander la réparation du préjudice que subit une victime, celle-ci doit prouver en quoi le comportement de l’auteur du dommage est condamnable. Ce comportement doit être soit un acte positif ou alors un acte négatif. Cet élément est indispensable pour que la victime puisse obtenir réparation.

Quand le comportement fautif consiste en un acte négatif comme une abstention ou même une omission de faire quelque chose, deux types d’abstentions peuvent être évoquées : L’abstention dans l’action et l’abstention pure et simple.

L’abstention dans l’action consiste en un manque de précaution dans l’exercice d’une obligation. L’abstention pure et simple consiste en un comportement passif de l’auteur par rapport à la survenance d’un dommage. Il peut s’agir de la non-assistance à une personne en danger par exemple ou la non-dénonciation d’un crime.

Dans les trois hypothèses (acte positif, acte négatif d’abstention dans l’action ou d’abstention pure et simple), la faute peut être retenue par les juridictions et condamnée en fonction des circonstances de l’affaire.

L’élément légal de la faute

Pour que l’on soit en mesure de qualifier de fautif le comportement de l’auteur d’un dommage, il est indispensable que le fait puisse être considéré comme illicite. Il peut s’agir ainsi d’un cas de violation d’une norme de l’exercice d’un droit de manière abusive.

  • Cas de la violation d’une norme

Il est important de déterminer les devoirs et obligations dont la violation peut être considérée comme un comportement illicite. Celles-ci diffèrent en fonction de la qualification juridique de la faute. S’agit-il d’une faute pénale ou d’une faute civile ?

En droit pénal, conformément au principe de légalité, la faute est définie comme la violation d’une norme légale ou réglementaire. Pour ce qui concerne le droit civil, il n’en est pas ainsi. En effet, il est possible de retenir une faute civile alors même qu’aucun texte de loi, règlement, etc. … n’a prévu la faute. Par exemple, il est possible de retenir une faute sur les fondements de la coutume ou des bonnes mœurs.

  • L’existence d’un droit exercé de manière abusive

Il ne faut pas penser que la faute civile consiste uniquement en la violation d’une obligation. Elle peut aussi concerner le cas de l’abus de droit. En effet, la jurisprudence suggère que soit faite une distinction entre les droits relatifs et les droits discrétionnaires.

Les droits relatifs sont les droits qui concernent le droit au respect de la vie privée par exemple. Ils ne peuvent faire l’objet d’ingérence. Si l’intention de nuire est avérée alors l’abus est caractérisé selon la jurisprudence. De la même manière pour la jurisprudence, si l’exercice des droits est jugé excessif sans pour autant qu’il n’y ait d’intention de nuire alors la faute peut être caractérisée et ouvrir droit à une indemnisation.

Les droits discrétionnaires quant à eux sont les droits subjectifs pour lesquels il n’existe aucune limite dans leur exercice. Ils peuvent donc être exercés sans qu’on ne puisse dire à aucun moment qu’ils l’ont été de façon abusive, même si leur exercice causait un dommage à autrui. Leur exercice ne peut donc donner lieu à une indemnisation ou une réparation d’un dommage quelconque.

C’est le cas par exemple en d’opposition à la célébration mariage si les conditions de l’opposition de fond et de forme sont respectées.

L’élément moral de la faute

La faute ne doit pas nécessairement être intentionnelle. Il en va ainsi en droit civil et dans certains cas en droit pénal. Si l’on se rapporte à la lecture de l’article 1241 du Code civil et de l’article 1240 du Code civil (fondement du régime de la responsabilité du fait personnel), il n’est pas exigé que l’auteur d’une faute est intentionnellement souhaité créer un dommage et ce ; peu importe la gravité de la faute. Dès lors qu’une faute civile est reconnue, celle-ci ouvre le droit à une réparation.

Néanmoins, la faute doit pouvoir être imputable à son auteur. Il existe quelques cas qui permettent d’écarter l’imputabilité d’une faute à l’auteur d’un dommage. Il en est ainsi pour les personnes dont les facultés mentales sont atteintes c’est-à-dire les personnes qui font l’objet d’un trouble mental ou psychique grave qu’il s’agisse d’adultes ou d’enfants mineurs.

De la même manière, depuis l’arrêt Derguini du 9 mai 1984, l’imputabilité de la faute pour les enfants en bas âge a été définitivement abandonnée.

Article 1241 du Code civil : appréciation de la faute et sa neutralisation

Nous allons examiner dans cette section l’appréciation de la faute ainsi que sa neutralisation qui font exceptions aux règles de droit énoncées à l’article 1241 du Code civil et 1240.

Appréciation de la faute

Pour retenir une faute à l’encontre de l’auteur d’un dommage, il faut que la victime soit en mesure d’apporter la preuve qu’il existe une faute (Trouvez ici les différents modes de preuve). Pour ce faire, il est indispensable de savoir quel modèle de comportement doit être utilisé pour dire s’il y a eu faute ou non.

Deux méthodes d’appréciation peuvent être utilisées à cet effet.

  • La première méthode qualifiée de méthode d’appréciation in concreto, permet de tenir compte des seules circonstances liées à la cause afin de juger la faute de l’auteur du dommage. Cette méthode permet de prendre en considération les seules aptitudes concernant l’auteur incriminé. Elle permet donc de faire une appréciation subjective de la faute.
  • La deuxième méthode d’appréciation dite in abstracto, permet d’apprécier la faute en se référant à un modèle objectif de conduite, en tenant compte du comportement qu’aurait adopté un bon père de famille.

Cette méthode permet ainsi de ne pas prendre en considération les aptitudes propres à la personne mise en cause, mais tend à comparer la conduite de l’auteur du dommage à la conduite légitime qu’aurait eue un bon père de famille.

Cette méthode permet d’évaluer la faute objective. Toutefois, un bon père de famille étant considéré comme un individu raisonnable (homme ou femme), il ne s’apparente pas à un être parfait et il est en mesure de commettre des erreurs également.

Ces deux méthodes sont utilisées par les juridictions aujourd’hui avec une préférence pour la méthode d’appréciation in abstracto qui préconise la comparaison de la conduite de l’auteur du dommage à celle d’un bon père de famille, qu’il s’agisse d’un cas de responsabilité de plein droit ou non.

Article 1241 du Code civil et la faute non retenue

S’agissant de la neutralisation de la faute, plusieurs éléments peuvent concourir à la non-qualification de faute. Nous allons donc les examiner de façon plus détaillée.

L’article 1240 du Code civil dispose que tout fait de l’homme qui a causé un dommage à autrui doit le réparer. L’article 1241 du Code civil ajoute que chacun est responsable des dommages qu’il a causés par son fait, mais aussi par sa négligence ou imprudence.

Toutefois, en fonction des circonstances, un fait dommageable illicite commis par un auteur peut être écarté en cas de faits justificatifs valables. Ainsi, le caractère fautif du fait incriminé peut perdre sa substance si une cause d’irresponsabilité objective peut être avancée.

Exemple : Si un individu A agresse un autre individu B avec un couteau et que l’individu B blesse l’individu A dans des circonstances où celui-ci cherchait à se défendre alors la légitime défense pourra être invoquée.

Ici, la légitime défense est un fait justificatif tant en matière civile, qu’en en matière pénale et permet d’exonérer l’auteur de la faute.

Dans le même sillage, lorsque la loi prescrit aux agents une certaine conduite délictuelle en raison de la situation en cause, cela écarte toute notion de faute puisque l’agent a agi conformément à l’ordre de la loi.

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Exemple : Le cas de l’assistance à une personne en danger.

De la même manière, si un ordre a été reçu par des agents préposés et donnés par une autorité supérieure alors il s’agit ici d’un fait justificatif au même titre que l’ordre de la loi.

Exemple : Un policier reçoit l’ordre d’ouvrir le feu par son supérieur hiérarchique.

Dans certaines circonstances particulières, la coutume ou la loi autorisent la commission de certaines fautes qui a priori, peuvent être considérées comme illicites.

C’est par exemple le cas de la violation du secret professionnel dans le but de rendre un témoignage devant une juridiction pour une affaire fiscale.

Un autre cas que l’on peut évoquer concerne la situation dans laquelle une personne est autorisée à en causer un autre préjudice moins grave afin d’écarter un préjudice plus grave. L’état de nécessité implique forcément que ce qui est sauvegardé par l’action de l’auteur soit d’une valeur supérieure à celle du bien sacrifié.

Exemple : Un bâtiment public ou privé fait l’objet en flamme et l’on sacrifie une pompe à eau pour éteindre l’incendie.

Ici, il y a un principe de proportionnalité qui entre en jeu entre le bien qui est sauvé et celui qui est endommagé.

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Marie-claire

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