L’article 1104 du Code civil est une reprise du troisième alinéa de l’ancien article 1134 du Code civil. On y retrouve la consécration de l’obligation de bonne foi qui pèse sur la tête des parties même à partir du moment où celles-ci ont manifesté le désir de contracter c’est-à-dire de se mettre dans une relation contractuelle.
Œuvre principal de la réforme du droit des obligations, cet article apporte un ajout de règles aux fondements du principe de la bonne foi et semble limiter la liberté contractuelle telle qu’elle était appliquée en droit des contrats.
Pour les juristes, l’article 1104 du Code civil est une avancée en droit des obligations parce qu’il comble un vide dont la résolution était jusqu’alors laissée à la jurisprudence.
Aujourd’hui, il est clair que le principe de la bonne foi contractuelle s’élargit aux situations d’avant-contrat et court jusqu’à ce que la relation ne finisse, perdurant même, dans certains cas, après la fin des relations contractuelles.
Le présent article permettra d’examiner l’article 1104 du Code civil et de faire une mise au point sur toutes les nouvelles règles de droit que la réforme du droit des obligations y a intégré.
Ainsi, dans une première partie, nous définirons l’article 1104 du Code civil. Dans une deuxième partie, nous ferons ressortir les nouvelles conséquences juridiques qu’il implique.
Explication de l’article 1104 du Code civil
Dans cette section, nous allons décrypter, cas par cas, les différentes parties de l’article 1104 du Code civil.
Présentation de l’article 1104 du Code civil
Le contenu de l’article 1104 du Code civil
Trois éléments essentiels peuvent être retenus de l’article 1104 du Code civil. En premier lieu, il s’applique aux contrats, quel que soit le stade au cours duquel il existe.
Ensuite, il impose un devoir de bonne foi à tout moment de l’existence de la relation contractuelle. Enfin, l’article 1104 du Code civil met l’accent sur la nature de l’obligation qu’elle consacre.
Différence avec l’ancien article 1134 du Code civil
La nouveauté apportée par l’article 1104 du Code civil est qu’elle établit une extension du champ d’application de l’obligation de bonne foi. En effet, alors que l’alinéa 3 de l’ancien article 1134 du Code civil n’avait fait mention de la bonne foi qu’au moment de l’exécution du contrat, l’article 1104 du Code civil le consacre depuis la formation du contrat jusqu’à son exécution.
Par ailleurs, la seconde différence est que l’article 1104 du Code civil dispose que cette obligation est d’ordre public. Autrement dit, il s’agit d’une prescription à laquelle les parties ne peuvent déroger.
Une autre manière de reformer cet alinéa est de soutenir que l’obligation de bonne foi devient un principe impératif. Insérer dans une convention une clause contraire à ce principe peut entrainer des sanctions, dont la nullité du contrat et dans certains cas le paiement de dommages et intérêts à la partie lésée.
Le tableau ci-dessous fait ressortir les points de différence entre l’article 1104 du Code civil et l’ancien alinéa 3 de l’article 1134.
*** Rappel : Article 1103 du Code civil | La force obligatoire du contrat. Explication des principes de la force obligatoire du contrat depuis la réforme du droit des obligations. ***
Application du principe de la bonne foi dans les contrats
En droit français, l’article 1104 du Code civil qui consacre le principe de la bonne foi dans les relations contractuelles peut s’appliquer à toutes les étapes du contrat.
L’article 1104 du Code civil au moment de la phase précontractuelle
Malgré que les parties soient encore en pourparlers, l’article 1104 du Code civil invite que chaque futur cocontractant fasse preuve de bonne foi, lors des échanges.
Limitation de la liberté contractuelle
Si le législateur exige déjà un respect du principe de bonne foi alors même que le contrat n’est pas définitivement conclu, c’est dans le souci de poser quelques freins au principe fondamental de la liberté contractuelle. En réalité, il ne faudrait pas qu’au nom de ce principe, un contractant malintentionné engage des pourparlers avec l’autre partie et se retire soudainement lui causant un préjudice.
Autrement dit, le législateur opte pour un équilibre entre la liberté de contracter et le principe de bonne foi. À titre d’exemple, considérons ce cas ci-dessous.
Exemple illustratif :
Deux personnes décident de nouer un lien contractuel et l’une des parties négocie le prix d’un bien auprès de l’autre. Après que le vendeur ait concédé de faire un rabais sur le prix de la marchandise, l’acheteur se ravise sous le motif qu’il était juste en train de collecter des informations sur le prix définitif du bien à titre personnel.
Dans cette situation, il est clair que la partie qui se positionnait en tant qu’acheteur potentiel a fait preuve de mauvaise foi en faisant semblant de contracter alors qu’il n’avait pour autre but que de prendre des informations chez le vendeur.
Avantages de l’article 1104 du Code civil
L’article 1104 du Code civil né sous les auspices de la réforme du droit des obligations présente deux avantages importants lors de la phase précontractuelle :
Tout d’abord, il accorde une protection à la partie la plus faible en obligeant l’autre à négocier de bonne foi et à ne pas rompre les discussions de façon abusive. La violation de ce principe peut entrainer déjà pour la partie fautive, à cette étape, une sanction de la part du juge.
Ensuite, l’article 1104 du Code civil soumet chaque partie à une obligation de loyauté à tous les stades de la vie du contrat.
L’article 1104 du Code civil au moment de l’exécution du contrat
Tout comme l’ancien article 1134 en son alinéa 3, lorsque le contrat consensuel a démarré, il est requis son exécution de bonne foi par les parties. En droit des contrats, ceci sous-entend que les droits et obligations réciproques sont connus et chacun accepte de ne pas s’écarter de la ligne retenue au moment de la formation du contrat.
Une jurisprudence abondante de la Cour de cassation peut être évoquée concernant cette obligation au moment de l’exécution des conventions. Nous pouvons faire cas, par exemple, de l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 19 juin 2019 (confer numéro 17-29.000 Dalloz).
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a insisté sur le fait que les agissements d’une partie qui aggrave l’exécution du contrat pour l’autre constituent une violation de l’obligation de bonne foi contractuelle.
L’article 1104 du Code civil après la fin de la relation contractuelle
Même lorsque la relation contractuelle ne court plus, dans certains cas, le principe de bonne foi continue de peser sur les parties. En effet, dans certaines matières du droit, il est fait obligation aux parties, même après la rupture du contrat, de ne pas déroger à l’obligation de loyauté qui subsiste entre elles.
Ainsi, prenons l’exemple, en droit des affaires, de la cession d’un fonds de commerce entre deux personnes. Quand bien même que la cession se serait bien déroulée et que chaque partie ait répondu correctement à ses obligations contractuelles, il est exigé que le commerçant n’ouvre point un autre fonds de commerce à côté de l’ancien qu’il a vendu de telle sorte à ne pas concurrencer le nouvel acheteur.
Il s’agit en réalité d’une variante du principe de la bonne foi contractuelle consacré par l’article 1104 du Code civil.
Les nouvelles conséquences juridiques induites par l’article 1104 du Code civil
Un nouvel aperçu de l’obligation de bonne foi
Autour de l’article 1104 du Code civil, on peut faire graviter quatre autres obligations connexes à l’obligation de bonne foi contractuelle.
Le schéma ci-dessous présente les quatre obligations accessoires mises en évidence par l’article 1104 du Code civil.
Aperçu de l’obligation d’information
Cette première obligation connexe fait peser sur les parties une charge réciproque d’information à partir du moment où elles manifestent l’intention de contracter.
Ce n’est donc pas après la conclusion du contrat que commence à jouer l’obligation d’information. En effet, aux termes de l’article 1104 du Code civil, même au moment des négociations l’obligation d’information doit être assurée.
C’est surtout en droit du travail que cette obligation était vraiment indispensable lors des négociations. Avant d’accorder un contrat de travail à une personne, l’employeur requiert d’elle les informations préalables nécessaires pour se décider. De la même manière, le salarié peut demander en retour les renseignements nécessaires en vue de se décider à rentrer dans les liens contractuels avec son nouvel employeur.
Aujourd’hui, grâce à la réforme du droit des obligations, cette exigence de bonne foi relative au devoir d’information s’étend, de facto, à tous les autres types de contrats : contrat de vente, de commerce international, de consommation, etc.
D’ailleurs, on peut y associer l’article 1112 alinéa 1 du Code civil qui précise qu’il est impérieux pour le contractant qui dispose d’une information capitale, de la donner à son cocontractant. Ce devoir est partout présent en droit positif français. La plus belle preuve est que le code de commerce revient dessus en son article R330.1.
Au total, le manquement à l’obligation d’information correspond au non-respect des exigences de la bonne foi comme prévu par l’article 1104 du Code civil, ce qui peut aboutir à la mise en cause de la responsabilité civile du débiteur de l’obligation (voir : la mise en cause de la responsabilité civile délictuelle).
Exemples illustratifs :
En droit international, une entreprise qui vend des machines industrielles à une autre située dans un autre pays a un devoir d’information qui consiste à faire accompagner les équipements d’un guide d’utilisation et même d’un technicien pour le montage.
Un vendeur doit ainsi donner tous les renseignements sur les produits qu’il vend de telle sorte que tout acheteur se décide en toute connaissance de cause.
Aperçu de l’obligation de sécurité
L’obligation de bonne foi résulte aussi dans le fait que chaque partie doit mettre en œuvre tous les moyens pour assurer l’intégrité des biens ainsi que des droits de son cocontractant. Peu importe en effet, si le créancier des biens ou des droits est celui qui en bénéfice actuellement. Pour mieux comprendre, prenons un exemple simple.
Une personne a loué une salle des fêtes pour y organiser une cérémonie. Le locataire a le devoir de mettre tout en œuvre pour ne pas générer des problèmes structurels au propriétaire de la salle.
Ainsi, il ne doit pas jouer de la musique au-delà des limites en termes de décibel requis, il doit prévenir toute casse ou consommation de produits illicites, etc. En d’autres termes, le locataire doit agir de bonne foi.
L’article 1104 du Code civil, en disposant que les conventions doivent être exécutées de bonne foi, tient compte également de cette obligation de sécurité. Toutefois, il faut préciser à ce niveau que l’obligation de sécurité est beaucoup plus une obligation de moyens qu’une obligation de résultat.
Pour attester qu’il s’y est conformé, celui qui a la charge de la preuve n’aura qu’à démontrer qu’il a mis tout en œuvre en vue d’assurer l’intégrité des biens et des droits du créancier (Voir ici : Définition de la charge de la preuve régie par l’article 1353 C. civ.).
Ainsi, si dans notre précédent exemple, le locataire de la salle de fête a pris toutes les dispositions pour éviter un problème structurel, sa responsabilité délictuelle ne sera plus engagée au titre de l’obligation de bonne foi.
Aperçu de l’obligation de loyauté
Pour ce qui concerne l’obligation de loyauté, l’article 1104 du Code civil met indirectement l’accent sur le fait que les parties au contrat ne devraient pas agir dans le but de se nuire. La bonne foi contractuelle implique que le contrat conclu (ou en cours de négociation) ne doit pas de façon inutile aggraver la situation du débiteur ou du créancier dans le contrat.
Ainsi, il ne s’agit plus simplement d’une simple exécution des contrats conclus, mais il est question aussi d’une certaine forme d’adoption des comportements adéquats en vue de ne pas mettre en péril l’intérêt commun des parties au contrat.
Exemple illustratif :
Le recruteur d’un club sportif qui engage un joueur en raison des relations amicales qui le lient à ce dernier ne fait pas preuve de loyauté envers les responsables du club. Il s’agit clairement d’une violation du principe de bonne foi qui pourrait être sanctionné sur le plan du droit civil, mais également en procédure disciplinaire.
Aperçu de l’obligation de coopération
Le devoir de coopération est la dernière obligation accessoire au principe de bonne foi contractuelle prôné par l’article 1104 du Code civil. Ce devoir de coopération n’en est pas moins important que les autres.
Il suppose la franche collaboration entre le débiteur et le créancier en vue de faire réussir le contrat comme prévu. Autrement dit, chacun doit accomplir ses droits et obligations ainsi que permettre à l’autre partie de remplir les siennes.
Une modification des clauses d’une convention en cours d’exécution du contrat est donc contraire à ce devoir de coopération. En effet, si des changements de circonstances intervenaient en cours d’exécution du contrat, le devoir de coopération impliquerait que le contractant informe l’autre partie du changement des circonstances du contrat dans le but qu’ensemble ils déterminent comment le gérer.
Il en va de même lorsque survient un cas de force majeure ou toute situation pouvant influer sur la relation contractuelle. De la même manière, plutôt que d’opter pour une rétractation ou une résiliation du contrat en cas de défaillance, le créancier peut d’abord envoyer une mise en demeure au débiteur de l’obligation. Ce mécanisme servira à lui rappeler que l’obligation est toujours due et rentre dans le cadre du devoir de coopération.
Pour résumer, il faut retenir que l’obligation de coopération signifie que chacun des contractants doit rendre facile l’exécution de la convention par l’autre partie, et ce, de manière juste en respectant les droits de l’autre partie et en exécutant ses propres obligations.
Les sanctions induites par l’article 1104 du Code civil
Tout d’abord, en soulignant que la règle de droit évoquée est d’ordre public, l’article 1104 du Code civil met l’accent sur le fait que le non-respect peut se traduire en sanction judiciaire.
En effet, si l’inexécution du contrat est punie dans tous les domaines du droit (droit privé comme droit public), l’inexécution liée à la mauvaise foi d’un des contractants fait également l’objet de sanction.
Tout d’abord, lorsque la bonne foi a manqué avant même que le contrat ne soit conclu, c’est-à-dire lors de la phase précontractuelle, le juge peut sanctionner l’auteur en prononçant la nullité du contrat.
En effet dès lors, le juge doit estimer si chaque partie disposait ou non des informations essentielles pouvant lui permettre de se décider réellement pour entrer dans la relation contractuelle.
Rappelons qu’en cas de nullité du contra, les parties se retrouvent dans leur situation initiale et si l’une d’elles avait remis une chose à l’autre, cette dernière en doit la restitution. Toutefois, en fonction des circonstances la sanction prononcée peut être un cas de nullité relative du contrat ou une nullité absolue.
Si c’est après la formation du contrat qu’il est constaté la mauvaise foi de l’une des parties, la sanction du juge peut être le paiement de dommages et intérêts à la partie créancière.
Il ne faut pas non plus occulter les autres sanctions du juge telles que l’exécution forcée en nature et même la réduction du prix (nouvelle sanction apportée par la réforme du droit des contrats).
J’ai offert à mon locataire dès son entrée dans les lieux 15 jours de loyer, soit: 950 euros. Ensuite le mois suivant, je lui ai offert 1200 euros sur un loyer de 2200 euros. Il me devait les loyers d’avril et mai 2020.
Après plusieurs correspondances, je lui ai proposé de me régler que 2200 euros sur les 4400 euros dus. Il a refusé ! Finalement, je lui ai abandonné les 4400 euros.
Il a bénéficié d’une somme de 6950 euros. Il me réclame à ce jour par courrier recommandé une somme de 6450 euros HC. Je suis retraité et mon épouse et moi recevons 1500 euros de retraite mensuelle. Que faire ?