Que dit l’article 1102 du Code civil ?

Article 1102 du Code civil

L’article 1102 du Code civil consacre le principe de la liberté contractuelle qui est un principe phare en droit des contrats. Ce principe va de pair avec celui de la force obligatoire du contrat qui découle de l’article 1103 du Code civil. Remarquons que depuis le projet portant réforme du droit des contrats, les deux principes sont rassemblés dans le chapitre 1er. Cet article est composé de deux alinéas qui se déclinent comme suit :

Au moment de la discussion autour du projet de réforme, les débats avaient porté sur le fait d’associer les trois principes-cadres de la théorie générale des contrats et d’en faire des principes directeurs.

Pour rappel, il s’agit du principe de la force obligatoire du contrat, du principe de la bonne foi contractuelle ainsi que du principe de la liberté contractuelle. Finalement, cette proposition n’a pas été retenue : l’idée de constituer un bloc de principes directeurs a été ainsi abandonnée.

La raison qui justifiait cet abandon était de ne pas laisser penser que ces trois principes avaient une valeur supérieure aux autres principes du droit des contrats. Cependant, le fait que ces trois principes susmentionnés apparaissent au niveau des dispositions liminaires du Code civil permet de comprendre qu’ils détiennent une grande importance dans la théorie générale des contrats.

Dans le présent article, nous allons nous intéresser essentiellement à l’article 1102 du Code civil qui met en exergue le principe de la liberté de contracter. La première partie concernera l’analyse détaillée de l’article 1102 du Code civil. Quant à la seconde partie, elle aura pour objectif de définir le régime juridique qui ressort de cet article 1102.

Analyse détaillée de l’article 1102 du Code civil

Pour procéder à l’analyse détaillée de l’article 1102 du Code civil, nous nous pencherons sur les questions concernant le fond et la forme.

Analyse sur le fond de l’article 1102 du Code civil

Lorsqu’on aborde le principe de la liberté contractuelle en droit français, il faut prendre en considération trois déclinaisons associées. Le schéma ci-dessous présente les trois éléments relatifs au principe de liberté contractuelle.

Première considération : La liberté de contracter ou de ne pas contracter

C’est le premier critère sur lequel l’article 1102 du Code civil met l’accent. Il s’agit ici du fait pour toute personne de manifester sa volonté de rentrer dans une relation contractuelle ou de ne pas le faire.

De façon plus claire, il n’est pas admis d’obliger une personne à rentrer dans un lien contractuel alors qu’elle ne le désire pas. En droit positif français, la conclusion du contrat suppose que chaque contractant donne son accord.

Si, au cours d’un contentieux en droit des obligations, le juge se rend compte qu’une des parties n’était pas libre de contracter au moment de la formation du contrat, c’est-à-dire qu’on l’a obligé à contracter, le juge peut prononcer la nullité de la convention.

Par ailleurs, il peut prendre une sanction contre celui qui a obligé son cocontractant à se mettre dans le lien contractuel. En effet, dans ce cas, le juge conclura que le consentement du cocontractant obligé n’a pas été donné librement. C’est ce qui est désigné en termes juridiques par le terme de « vices du consentement ».

Par ailleurs, il est important de mentionner que ce principe ne s’arrête pas seulement à la conclusion des contrats. Il s’applique aussi au moment des négociations contractuelles entre les parties.

Ainsi, les contractants ont la liberté d’engager des négociations en vue de conclure un contrat. Toutefois, les parties peuvent décider aussi de ne pas poursuivre les négociations. Chacune d’elles peut donc de façon unilatérale se retirer des négociations contractuelles.

Cependant, il faut préciser qu’avec la réforme du droit des contrats, une rupture abusive des discussions précontractuelles (les pourparlers) peut engager la responsabilité civile délictuelle du fautif. La liberté de contracter suppose donc le respect du principe de bonne foi, que ce soit au moment du contrat ou au moment de sa négociation.

Deuxième considération : La liberté de choisir son contractant

Il s’agit ici de la deuxième considération dont il faut tenir compte à la lecture de l’article 1102 du Code civil. Quand on parle ici de la liberté de choisir son cocontractant, on fait recourt à la faculté dont dispose chacun d’eux de sélectionner celui avec qui il va s’associer. Autrement dit, on ne peut imposer un contractant à l’autre partie alors qu’elle ne le désire pas.

Il est possible ici d’assimiler la liberté de choisir son contractant à celle de ne pas contracter. En effet, dans leur application, ces deux types de libertés semblent se rejoindre.

À titre illustratif, si dans un contrat de vente, le vendeur décide de ne pas vendre son produit à une personne nommément désigné parce que celle-ci est un débiteur insolvable, il s’agit là pour le vendeur de la manifestation de sa volonté de ne pas contracter.

Il se pose toutefois une question ici : quelles sont les implications réelles de cette liberté ? Tout d’abord le libre-choix des parties de sélectionner leur cocontractant. Ensuite, la faculté pour elle de ne pas fournir les raisons qui l’ont poussé à adopter son choix.

Enfin, la faculté de ne pas fournir les critères qui ont motivé son choix. C’est ce qu’a précisé une jurisprudence de la Cour de cassation rendue par sa chambre civile en date du 6 mai 2010.

Toutefois, pour certains contrats, il faut préciser qu’il est possible de déroger à ces règles. Prenons l’exemple du contrat de travail où, dans certains cas, il est demandé de communiquer les critères de sélection des candidats. Cette mesure vise à garantir les droits et libertés fondamentales consacrés par la constitution, dont celui d’un égal accès à l’emploi pour tous.

De la même manière pour les contrats des marchés publics et dans l’intérêt général : avant que l’exécution d’un marché public ne soit allouée à une entreprise, l’administration doit communiquer l’offre du marché à plusieurs entreprises et sélectionner la meilleure sur les fondements de critères connus de tous.

Troisième considération : La liberté de déterminer le contenu du contrat

La dernière implication juridique de l’article 1102 du Code civil concerne le contenu du contrat. Le principe est le suivant : les parties sont libres de déterminer le contenu de la convention qui va gouverner leur relation.

Il ne faut pas oublier que le contrat une fois rédigé et signé détient une force obligatoire pour les parties. Pour cette raison, c’est eux-mêmes qui devront en définir le contenu. Cette liberté induit quelques corollaires qu’il convient d’expliquer.

En premier lieu, les parties peuvent se prévaloir de ce principe pour innover en créant de nouvelles figures contractuelles. Autrement dit, à part les types de contrats qui existent et qui sont reconnus par la théorie générale des contrats, les parties peuvent décider d’en créer de nouveaux auxquels la loi n’a pas donné de nom (il s’agit des contrats innommés).

Toutefois, une restriction s’impose à elles à ce niveau. En effet, les parties ne peuvent pas déroger aux règles relatives aux bonnes mœurs dans leur volonté d’innovation. Si certaines clauses de leur nouvelle figure contractuelle comportent des règles contraires à l’ordre public, le contrat sera frappé de nullité par le juge. Selon la nature de la clause, le juge prononcera soit une nullité relative ou une nullité absolue.

Deuxièmement, cette liberté permet aux parties de compléter les règles fournies par le droit commun des contrats en y ajoutant de nouvelles règles propres à leur contrat.

Elles peuvent décider par exemple dans un contrat à durée successif, qu’après l’écoulement d’un certain temps, se tiendront des pourparlers en vue d’améliorer les intérêts de chacun d’eux. En réalité, les parties peuvent ajouter autant de règles issues de leur propre volonté qu’elles le souhaitent.

Enfin, les parties ont la possibilité de s’écarter des règles légales générales du droit privé des contrats en les substituant par des règles spéciales selon leur convenance. En effet, l’article 1105 du Code civil dispose à cet égard que :

Une fois encore, précisons que les parties doivent garder en vue les règles fondamentales qui ne peuvent être supprimées ou substituées par de nouvelles règles qui leur sont contraires.

Si en droit du travail, un employeur inclut dans le contrat une clause spécifiant le paiement d’un salaire plus bas que le SMIC, cette clause sera nulle. Aucune convention ne peut supprimer des règles d’ordre public.

Analyse sur la forme de l’article 1102 du Code civil

À la lecture de l’alinéa premier de l’article 1102 du Code civil, il en ressort également que les contractants sont libres de définir la forme de leur contrat.

Rappelons que par défaut, les contrats n’admettent pas de forme particulière, c’est ce qui est expliqué par le terme de consensualisme. Autrement dit, dès l’échange des volontés entre les contractants, la convention est réputée valide et valable.

Cependant, avant l’apport de l’article 1102 du Code civil et la liberté qu’il accorde aux parties, celles-ci peuvent décider de soumettre leur contrat à un formalisme spécifique. Ainsi la forme d’un contrat dépendra de l’orientation que les parties lui en donnent.

Toutefois, il faudra faire cas de certains contrats particuliers qui exigent un formalisme prévu par le législateur. Il s’agit spécifiquement du contrat solennel et du contrat réel. La consécration de la liberté de contracter n’implique pas de bafouer toutes les règles et formalités requises pour ces types de contrats.

Pour rappel, on entend par contrat solennel une convention dont la production d’un écrit est une condition essentielle de validité. L’acte juridique peut être authentique, c’est-à-dire qu’il émane d’un officier public (exemple du contrat de donation, de mariage, etc.).

L’acte peut également se conclure sous seing privé, c’est-à-dire que les parties s’entendent elles-mêmes pour le rédiger (convention d’indivision, contrat d’adhésion ou de gré à gré, etc.).

Pour ce qui concerne le contrat réel, il s’entend de la convention par laquelle la condition essentielle de validité du contrat consiste en la remise d’une chose par le débiteur au créancier en contrepartie de la prestation d’une obligation. À titre illustratif, on peut citer le contrat de dépôt, le gage ou encore le contrat de prêt.

Le régime général relatif à l’article 1102 du Code civil

La valeur juridique du principe de la liberté contractuelle

Le projet portant réforme du droit des obligations conférées au principe de la liberté de contracter une valeur constitutionnelle. Il s’agit d’une des nouveautés apportées par la réforme du droit des obligations.

La principale conséquence est que tout citoyen peut porter les atteintes à sa liberté de contracter devant le Conseil constitutionnel. Le plus bel exemple se retrouve dans la décision de la cour constitutionnelle française rendue en date du 13 juin 2013.

Dans cette décision, le juge constitutionnel a déclaré contraire à la loi fondamentale un article du code de la sécurité sociale qui portait atteinte à la liberté de contracter (Décision n° 2013-672 DC).

*** Voir aussi : Le contexte de l’article 1134 du Code civil. Nous vous livrons sur cette fiche les différents principes se rapportant à la force obligatoire des contrats et celui de la bonne foi contractuelle. ***

Les limitations à la liberté contractuelle

Les limitations par les parties elles-mêmes

Il est possible pour les parties, surtout en matière précontractuelle, de porter elles-mêmes certaines limitations au principe de la liberté contractuelle. Il en est ainsi surtout dans les cas où la conclusion du contrat est précédée d’un pacte de préférence ou d’une promesse unilatérale de vente. Dans ces deux avant-contrats, la limitation se retrouve dans le fait que le bénéficiaire est déjà connu d’avance, et celui qui a fait l’offre ne peut se désavouer plus tard au profit d’un autre bénéficiaire.

Il ne pourra plus exercer sa liberté de ne pas contracter ou encore celle de choisir un autre contractant alors qu’il s’est déjà engagé en faisant une promesse unilatérale de vente ou en concluant le pacte de préférence.

Les limitations imposées par la loi

S’il est vrai que le principe de la liberté contractuel a une base constitutionnelle, il n’en demeure pas moins vrai que la loi lui a prévu certaines limites. Les trois limites essentielles à l’article 1102 du Code civil se présentent comme ci-après :

L’ordre public en tant que limite à l’article 1102 du Code civil

Comme expliqué ci-dessus, l’ordre public fait référence aux règles impératives qui s’imposent à tous les individus et auxquelles ils ne peuvent pas déroger. Il s’agit clairement d’une limitation à la liberté de contracter.

Il est important de mentionner que les règles impératives dont il est question ici concernent non seulement celles inscrites dans les textes de loi, mais aussi celles qui n’y figurent pas. C’est ce que précise le second alinéa de l’article 1102 du Code civil. Le complément de cette prescription se retrouve dans l’article 1162 du Code civil.

Les bonnes mœurs en tant que limites à l’article 1102 du Code civil

Pour ce qui concerne les bonnes mœurs, il s’agit de toutes les valeurs et de tous les comportements qui sont en adéquation avec les règles morales. C’est l’article 6 du Code civil, qui n’a subi aucune modification par le projet de réforme qui donne plus d’éclaircissement par rapport aux bonnes mœurs.

Les droits et libertés fondamentaux en tant que limites à l’article 1102 du Code civil

Pour le cas des droits et libertés fondamentaux, ce n’est pas dans le projet de réforme du droit des obligations qu’il faut recourir pour voir en quoi ils constituent une limite à l’article 1101 du Code civil et surtout à l’article 1102 du Code civil.

C’est plutôt à la jurisprudence qu’il faut s’en tenir, puisque celle-ci vérifie si les contrats conclus ne mettent pas à mal les droits et libertés fondamentaux garantis par le bloc de constitutionnalité.

Les sanctions du non-respect de l’article 1102 du Code civil

Tout d’abord, lorsque les contractants insèrent dans leur contrat des clauses qui vont à l’encontre de l’ordre public, le contrat est frappé de nullité par le juge. Il en va de même pour les clauses qui enfreignent les bonnes mœurs et les libertés fondamentales.

Par ailleurs, si au cours d’un contentieux, il apparaît que l’une des personnes n’a pas exercé librement son choix de contracter et qu’elle y a été contrainte, le juge ordonnera d’abord la nullité du contrat et fera peser sur la tête de celui qui aura contraint le paiement de dommages et intérêts à la partie victime.

Enfin, il est interdit aux parties de mettre dans le contrat des clauses abusives ou des clauses qui créent un déséquilibre significatif entre elles.

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