Un arrêt infirmatif est une décision rendue par une Cour d’appel et qui annule une décision précédente rendue par une juridiction de première instance. On dit que l’arrêt rendu est un arrêt infirmatif, car il ne suit pas la solution qui a été décidée par les juges du premier degré lors du précédent jugement.
En effet, il n’est plus un secret pour personne qu’une décision de justice peut prendre plusieurs formes. Lorsqu’elle émane d’un tribunal de grande instance (TGI) ou d’une autre juridiction de première instance, on la qualifie de jugement. Mais quand elle provient d’une cour, on parle alors d’un arrêt.
Il ressort de tout cela que toute décision de justice provenant d’une Cour d’appel ou d’une juridiction suprême est classée comme un arrêt. Mais dans ce cas encore, lorsqu’on compare la décision de ces juridictions à celle de la juridiction inférieure, on peut classer l’arrêt comme étant un arrêt infirmatif ou un arrêt confirmatif. Ainsi, l’arrêt de la Cour d’appel est infirmatif s’il décide d’une solution nouvelle et il est confirmatif s’il confirme le jugement précédent rendu par la juridiction qui lui est inférieure.
Dans le présent article, nous allons porter un accent particulier sur l’arrêt infirmatif. Dans un premier temps, nous allons nous approfondir la notion d’arrêt infirmatif. Puis dans un second temps, nous allons donner quelques exemples d’arrêts infirmatifs en droit français.
Présentation de l’arrêt infirmatif
Clarifications conceptuelles sur l’arrêt infirmatif
Définition de l’arrêt infirmatif
Un arrêt infirmatif est un arrêt qui est rendu par une Cour d’appel que l’on nomme aussi une juridiction d’appel et qui annule une décision de justice contre laquelle l’appel a été interjeté afin de rendre une décision nouvelle. L’arrêt infirmatif vient infirmer une première décision rendue par une juridiction inférieure alors que l’arrêt confirmatif vient confirmer une décision prise par les juges du premier degré.
Mode de fonctionnement de l’arrêt infirmatif
Lorsqu’une décision est rendue à l’encontre d’un justiciable par une juridiction de premier degré, celui-ci a encore la possibilité de demander à une juridiction supérieure de rejuger l’affaire. Ainsi, le justiciable a la possibilité de contester le jugement du tribunal d’instance devant la Cour d’appel compétente par exemple.
Devant la Cour d’appel, dont la tâche est un réexamen de l’affaire au regard de l’application des faits par rapport à des règles de droit, il peut être reconnu que la juridiction du premier degré n’a pas correctement appliqué les bonnes règles de droit avec les faits qui sont reprochés au défendeur.
Dans ce cas, la Cour d’appel rend un arrêt infirmatif, qui est contraire à la décision de la juridiction de premier degré. Par cet arrêt infirmatif, la cour annule le jugement de première instance (rendu par le tribunal d’instance ou par le tribunal de grande instance par exemple).
Cependant, il est important de noter que dans certaines matières, la procédure civile, voire pénale, n’admet pas cette voie de recours d’appel. Ce sont des matières qui sont connues en premier et dernier ressort en première instance. Exemple : lorsque le litige concerne une obligation qui ne dépasse pas le montant de 5000 euros.
Quel recours entreprendre suite à un arrêt infirmatif ?
Le justiciable non satisfait suite à l’arrêt infirmatif rendu a la possibilité de porter sa contestation directement devant la Cour de cassation. À ce niveau, les principaux rôles du juge se résument à deux possibilités : soit il casse l’arrêt de la Cour d’appel, soit il rejette la requête du justiciable.
Si c’est un arrêt de cassation qui est pris, la Cour de cassation peut demander à une nouvelle Cour d’appel de renvoi de se prononcer. On parle ainsi d’une cassation avec renvoi. Elle n’est pas obligatoire en ce que la Cour de cassation peut casser un arrêt en mettant tout simplement fin au litige.
Quelle est la portée de l’arrêt infirmatif ?
Lorsqu’un arrêt infirmatif est pris par la Cour d’appel, il enlève au premier jugement du tribunal son autorité juridique. En d’autres termes, la Cour d’appel statue à nouveau sur le litige et sa décision annule et remplace celle du tribunal d’instance.
Comment reconnaître un arrêt infirmatif ?
Dans un arrêt infirmatif, il faut faire attention à certains mots et indices qui renseignent sur la position du juge d’appel. Prenons l’exemple d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris en date du 25 novembre 2016. L’image ci-dessous montre les indices qui permettent de savoir qu’il s’agit d’un arrêt infirmatif rendu par la Cour d’appel de Paris.
Comparaison entre arrêt infirmatif et arrêt confirmatif
La Cour d’appel ne rend pas toujours un arrêt infirmatif. Elle peut aussi rendre un arrêt confirmatif. Présentons la différence entre ces deux types d’arrêts.
Différence entre la position des juges
Dans un arrêt infirmatif, nous avons expliqué un peu plus tôt que le juge d’appel adopte une position contraire à celle du juge en première instance. En revanche, dans un arrêt confirmatif le juge d’appel valide la décision attaquée par le demandeur et se range du même côté que le point de vue du juge de première instance.
C’est pourquoi si le demandeur n’est pas satisfait par la décision rendue en cas d’arrêt infirmatif, il n’a d’autre choix que de saisir la Cour de cassation ou le Conseil d’État pour tenter de faire droit à sa cause.
Position partiellement convergente
Il est possible que l’arrêt infirmatif ne le soit pas totalement. Pour autant dans ce cas, il ne s’agit pas d’un arrêt confirmatif non plus. On parle plutôt d’un arrêt partiellement confirmatif.
Dans la pratique, c’est une portion du jugement du tribunal de première instance qui est infirmée par la Cour d’appel, l’autre portion étant confirmée.
Pour schématiser, la procédure devant les cours et tribunaux se présente comme ceci :
Avant de continuer la lecture de la deuxième partie, découvrez aussi : La définition et la procédure du référé. Une procédure qui permet de demander au juge de statuer de façon très rapide
Arrêt infirmatif : Quelques exemples
Premier exemple d’arrêt infirmatif
Cas d’un litige soumis à la fois à une juridiction pénale et civile
Dans cette section, nous allons présenter un arrêt infirmatif. L’affaire choisie est un litige qui a d’abord été connu au plan pénal avant d’être jugé au civil. Pour mieux comprendre en quoi la décision de la Cour d’appel est un arrêt infirmatif, nous allons d’abord expliquer le contexte juridique dans lequel il s’est posé.
Quels étaient les faits reprochés au défendeur ?
Une employée avait été soupçonnée de vol par l’un de ses responsables dans un magasin de vente. En réalité, elle avait fait sortir certains produits non achetés du magasin. Il apparaissait que lesdits produits étaient des denrées périmées que la société s’apprêtait à détruire dans un futur proche.
Après qu’une plainte a été déposée contre l’employée et qu’une perquisition a été faite chez elle, les produits ont été retrouvés par les gendarmes dans la maison de la dame. Son employeur, après l’avoir licencié aux motifs que celle-ci avait commis une faute grave, elle fût traduite devant les juridictions pénales pour être sanctionnée du fait d’un vol de produit.
Quant à l’employée, elle n’était pas restée inactive et elle a donc, pour sa part, saisi la juridiction prud’homale.
Commentaire :
Il est essentiel de se rappeler que dans un cas pareil, le conseil de prud’hommes doit surseoir à statuer en attendant que la juridiction pénale rende sa décision.
Quelles étaient les prétentions des parties dans cette affaire ?
Devant le tribunal correctionnel, l’employeur, par le biais du ministère public accusait son employée d’avoir commis une infraction de vol comme prévu par le Code pénal. En sus de cela, pour l’employeur, elle avait commis une faute grave, ce qui justifiait qu’il l’ait licencié.
Quant à la défenderesse, celle-ci n’avait pas contesté devant les magistrats avoir soustrait les denrées. Mais elle réclamait ne pas avoir commis une infraction du moment que les produits avaient été jetés à la poubelle par la société elle-même. Pour elle, son licenciement n’était ainsi pas justifié.
Quel était le problème de droit qui s’était alors posé dans ce litige ?
La problématique en question était de savoir s’il s’agissait d’une faute grave, plus précisément d’un vol par le fait d’avoir soustrait des denrées périmées qui n’était plus destiné à la commercialisation, car ils avaient été jetés à la poubelle pour être détruits ?
Quelles étaient la procédure et la solution rendue au niveau de chaque juridiction ?
Il est important de prêter une grande attention à la procédure relative à cette affaire. C’est elle qui nous permettra de savoir si nous sommes dans un cas d’arrêt infirmatif ou non. Mentionnons que cette affaire a connu plusieurs rebondissements sur le plan judiciaire.
Le litige étant d’abord jugé au plan pénal, c’était le tribunal correctionnel qui avait rendu sa décision. Les juges avaient ainsi reconnu que l’employée n’avait pas volé les produits en question, car à partir du moment où la société s’était débarrassée des denrées en les jetant à la poubelle, ces denrées ne lui appartenaient plus. Elle fut donc relaxée sur le plan pénal.
Non satisfait de la décision rendue en première instance, le ministère public associé à la partie civile avait interjeté appel auprès de la Cour d’appel contre le jugement rendu. À ce niveau, la Cour d’appel était allée dans le sens opposé au jugement du tribunal correctionnel. Elle prononça alors la condamnation de l’employée qu’elle considérait comme fautive. Elle fût en effet condamnée à payer des amendes à son employeur. Par ailleurs, elle écopa d’une peine avec sursis pour vol.
La Cour d’appel s’était basée sur deux éléments pour sanctionner la partie adverse. Tout d’abord, rien ne prouvait que les denrées ne pouvaient plus être mises en consommation comme le mentionnait l’employée. Ensuite, rien ne prouvait que lesdites denrées retrouvées chez elles fussent toutes déjà périmées.
Commentaire :
Cet arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon est un arrêt infirmatif en ce sens qu’il va à l’encontre de la position adoptée par les juges en première instance. En effet, alors qu’en première instance, l’employée obtient gain de cause, c’est le contraire qui se produit en appel. À ce niveau, c’est en faveur de l’employeur que les juges d’appel rendent leur décision. En somme, il s’agit clairement d’un arrêt infirmatif.
La suite de l’affaire :
Toutefois, l’affaire ne s’était pas arrêtée à cette étape puisque l’employée avait décidé de se pourvoir en cassation. Pour cela, elle avait formé un pourvoi en cassation contre la décision rendue en appel.
Contre toute attente, la décision de la haute juridiction était allée à l’encontre de celle rendue par la Cour d’appel. Les juges de cassation avaient ainsi cassé et annulé la décision rendue en appel et donnaient raison à l’employée. La cour s’était appuyée sur deux raisons principales pour rendre son arrêt de cassation contre la décision des juges d’appel.
Premièrement, les juges d’appel n’auraient pas dû ignorer le principe de l’autorité de la chose jugée inhérente à la décision rendue en matière pénale. Pour dire les choses simplement, dès lors qu’après la procédure pénale, il avait été retenu que l’employée devait être relaxée, il n’était plus possible pour le juge prud’homal de la condamner pour faute grave.
Devant le conseil de prud’hommes, le licenciement de l’employé n’avait donc pas de raison d’être puisqu’il n’avait aucune cause réelle et sérieuse.
Secondement, les éléments constitutifs du vol n’étaient pas réunis puisque les produits qui avaient été soustraits par l’employée étaient périmés puis ils avaient été jetés dans une poubelle afin d’être détruits. Puisqu’il n’y avait pas de violation manifeste d’un texte, on ne pouvait dès lors pas condamner l’employée ni la licencier pour faute grave.
Commentaire :
Il s’agit ici d’un arrêt de cassation rendue par la Cour de cassation. En effet, en statuant ainsi, l’arrêt de la Cour de cassation annule l’arrêt infirmatif des magistrats en appel.
Finalement, à travers cette affaire, nous pouvons constater que tous les arrêts rendus par les juridictions supérieures sont contraires à ceux des juridictions inférieures.
Ainsi, l’arrêt de la Cour d’appel est un arrêt infirmatif du jugement rendu en première instance. L’arrêt de la Cour de cassation quant à lui est un arrêt de cassation qui casse et annule la décision rendue par la Cour d’appel.
Deuxième exemple d’arrêt infirmatif
Cas où la Cour d’appel a rendu à la fois un arrêt infirmatif et confirmatif
Ici, nous allons présenter un cas particulier d’arrêt infirmatif et dans le même temps confirmatif. L’affaire choisie est un contentieux qui s’est posé aux juges de la Cour d’appel.
Quels étaient les faits de l’affaire ?
En raison des relations contractuelles qui les liaient, une société C. devait payer un arriéré de cotisations à l’Urssaf du Rhône. N’ayant pas rempli son engagement de paiement pendant plusieurs échéances, l’Urssaf du Rhône avait porté l’affaire devant les juridictions sociales.
Quelles étaient les prétentions des parties dans cette affaire ?
Pour l’Urssaf du Rhône, elle était dans son droit de recevoir les cotisations puisqu’il existait entre elle et la société un engagement impliquant pour la société de verser lesdites cotisations. En raison du non-paiement à temps des cotisations, l’Urssaf avait exigé des dommages et intérêts pour le préjudice subi et qui était dû au retard de paiement.
Le défendeur n’était pas du même avis et il soutenait qu’il ne devait payer que le montant exact des arriérés dû à l’Urssaf.
Quel était ici le problème de droit ?
Devant le juge de cassation, il revenait de savoir si une Cour d’appel pouvait revenir elle-même sur un arrêt infirmatif ou confirmatif déjà rendu ?
Quelle était la procédure relative à cette affaire et quelles étaient les solutions pour chaque juridiction ?
Il faut d’abord préciser ici que toutes les voies de recours avaient été épuisées dans le cadre de cette affaire qui s’était ensuite retrouvée devant la Cour de cassation.
Pour prendre toute la mesure du contexte lié au litige : c’était devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale que le litige avait été tranché pour la première fois.
Après analyse, les juges du tribunal avaient condamné la société C. à verser non seulement les arriérés de cotisations dues, mais également, le tribunal avait adjoint la société de payer des pénalités dues au retard de paiement.
Non satisfaite par cette décision, la Société avait porté l’affaire devant la Cour d’appel en interjetant appel. C’est à ce niveau que la décision des juges d’appel a surpris.
Tout d’abord, la Cour d’appel de Lyon a rendu un arrêt infirmatif en annulant la décision rendue en première instance.
Ensuite, elle a renvoyé l’affaire à une audience ultérieure. Contre toute attente, la Cour d’appel, au cours de la nouvelle audience en date du 25 mai 2010, est revenue sur son arrêt infirmatif et a confirmé la décision de première instance.
La Cour d’appel a donc tranché lors de cette seconde audience dans le sens de la décision contestée. La condamnation de la société a ainsi été maintenue par la Cour d’appel. Toutefois pour ce qui concernait les dommages et intérêts, la Cour d’appel les a invalidés.
Commentaire :
Nous nous retrouvons avec cet arrêt dans un cas particulier où la Cour d’appel est revenue sur un arrêt infirmatif en le remplaçant par un nouvel arrêt partiellement confirmatif. L’arrêt est infirmatif parce que la Cour d’appel a globalement annulé la décision des juges en première instance.
Mais du fait de revenir sur son arrêt en confirmant une portion du jugement de première instance, elle vient aussi rendre par la même occasion un arrêt partiellement confirmatif.
Toutefois, la société étant toujours insatisfaite, celle-ci a pris la décision cette fois-ci de se pourvoir en cassation. La juridiction suprême a donc pris la décision suivante : puisque la Cour d’appel n’a pas respecté les règles de droit en infirmant puis confirmant son arrêt au cours d’une même affaire et sur le fondement de l’article 562 al.2 du code de procédure civile, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par les juges d’appel.