Qu’est-ce qu’une action paulienne ?

Action paulienne

En droit civil, une action paulienne est une action judiciaire accordée à un créancier qui se rend compte que son débiteur a mis en place une stratégie frauduleuse en vue de ne pas exécuter son obligation. Le débiteur peut, par exemple réduire la valeur de son patrimoine en organisant sa propre insolvabilité avec pour objectif final d’éviter une voie d’action directe de la part de ses créanciers.

Ce qu’il faut savoir c’est qu’il arrive parfois qu’un débiteur ne veuille pas rembourser ses créanciers ou se retrouve dans une situation difficile. Il cherche alors des voies et des moyens pour échapper à ses créanciers. Lorsque ceux-ci se rendent compte que leur débiteur est en train d’user de stratégies illicites, ils peuvent intenter une action paulienne en vue de se prémunir contre l’insolvabilité du débiteur. Il suffit que l’un d’eux perde la possibilité d’exercer un droit spécial sur un des biens du patrimoine du débiteur dont celui-ci aurait fait la cession.

Le régime juridique de l’action paulienne en droit commun a pour but de protéger le droit de gage général dont jouit le créancier. Or, ce droit de gage général s’applique sur tous les biens du débiteur, ce qui ne permet pas au créancier de faire-valoir un droit réel sur le patrimoine du débiteur. C’est ce qui justifie que l’action paulienne se fait au nom personnel du créancier. L’action paulienne peut être intentée que ce soit sur des choses immobilières ou sur des choses mobilières.

Dans cet article, il est question de vous donner un maximum de détails sur l’action paulienne. Pour ce faire, nous en donnerons un aperçu général et nous en exposerons le régime juridique.

Bref aperçu général de l’action paulienne

Provenant du latin Paulianus, l’action paulienne fait recours au surnom d’un prêteur romain qui l’a mis en œuvre. Il s’agira à ce niveau de présenter ce que recouvre l’action paulienne.

Présentation de l’action paulienne

Définition de l’action paulienne

En droit français, on entend par action paulienne la voie de droit par laquelle une personne qui est le créancier d’une autre personne c’est-à-dire le débiteur remet en cause certains actes posés par celui-ci dans la perspective de désavantager le créancier dans ses droits. Autrement dit, le débiteur a mené son action en fraude des droits de son créancier.

L’action paulienne est encadrée par l’article 1341-2 du Code civil. Son principe admet que tout créancier a la possibilité, en son nom personnel, de contester devant les cours et tribunaux, tous les actes entrepris par son débiteur de façon frauduleuse vis-à-vis de ses droits.

Le schéma ci-dessous permet de présenter l’action paulienne :

Le contenu de l’action paulienne

Les contours de l’action paulienne

C’est une jurisprudence antérieure qui fixe le cadre et les contours de l’action paulienne. Plusieurs notions sont mentionnées par la jurisprudence. Il s’agit notamment de la fraude des droits du créancier ainsi que de l’appauvrissement du débiteur par la cession d’un élément patrimonial.

Par rapport à la fraude, c’est surtout dans les actes faits à titre gratuit qu’elle intervient. C’est l’ancien article 1167 du Code civil qui sert de fondement juridique.

Toutefois, sous l’égide de conclusions jurisprudentielles, ce n’est pas seulement contre les actes frauduleux du débiteur que le créancier va chercher à se protéger. En effet, même en cas de simple diminution de la valeur des biens du débiteur de telle sorte à influer sa solvabilité, les créanciers disposent quand même d’une action contre lui.

Exemple pratique : Cet exemple est tiré de notre cours sur les droits patrimoniaux et les droits extrapatrimoniaux. Un débiteur fait la cession d’un bien immobilier consentie au juste prix à un tiers acquéreur, avec pour but d’éviter que ces biens soient poursuivis dans son patrimoine. Dans ce cas, les créanciers peuvent intenter une action paulienne contre le cédant et le cessionnaire malgré que l’acte ne soit pas frauduleux (bien cédé à un prix bas, ou dissimulé entre les mains du tiers).

Le but de l’action paulienne

Le but visé par l’action paulienne n’est pas d’annuler les effets produits par la cession ou le gage d’un bien par le débiteur dans le patrimoine d’un tiers. Autrement dit, l’acte litigieux n’est pas frappé de nullité. Mais à travers l’action paulienne, le créancier demande au juge de punir le tiers acquéreur et le débiteur pour les torts qu’ils lui ont faits. Lorsque l’action aboutit, le juge fera réintégrer les biens qui ont fait objet de l’acte litigieux dans le patrimoine du débiteur.

Les actes couverts par l’action paulienne

L’action paulienne s’étend à n’importe quel acte frauduleux du débiteur dont le but consiste à ne pas permettre au créancier de récupérer sa créance. Dès lors que les actes impactent négativement le patrimoine du débiteur ou l’appauvrissent, le créancier peut lancer contre lui une action paulienne.

Les actes à titre gratuit ou à titre onéreux

Le débiteur peut conclure avec un tiers un acte à titre onéreux, c’est-à-dire un acte mettant à la charge du tiers de fournir une contrepartie financière du bien qu’il a acquis auprès du débiteur. Il peut s’agir aussi d’un acte à titre gratuit n’entrainant de charge que sur la tête du débiteur. Des exemples d’actes à titre gratuit et onéreux sont fournis par le schéma ci-dessous :

Exemple pratique : Mme Anne contracte une forte dette auprès de Monsieur Jean. Elle décide plus tard de vendre sa maison à Monsieur Pierre à un prix très dérisoire avec pour intention d’être moins solvable. De façon plus claire, Mme Anne organise avec Monsieur Pierre son insolvabilité. Elle se dit qu’en procédant de cette manière, elle échappera à la dette contractée chez Monsieur Jean. Toutefois, ce dernier a la possibilité d’agir contre Mme Anne en attaquant en justice la vente de la maison par le biais d’une action paulienne.

Précisons néanmoins que lorsque l’acte litigieux conclu par le débiteur est à titre gratuit, le créancier peut se prévaloir de l’exercice de l’action paulienne à tout moment, peu importe de démontrer si le tiers était complice ou non. Autrement dit, pour les actes à titre gratuit, la bonne foi du tiers ne peut rendre irrecevable l’action paulienne effectuée par le créancier auprès d’une juridiction.

Cependant lorsque l’acte frauduleux est à titre onéreux, le juge recherchera si le tiers était de bonne foi ou de mauvaise foi (l’intention finale étant de nuire aux droits du créancier). Ce n’est que lorsque la complicité du tiers est établie que l’action paulienne est possible par le créancier.

La typologie des actes attaquables

L’action paulienne permet au créancier de contester les actes suivants :

La vente d’un bien

Lorsque le débiteur, animé de mauvaise foi s’entend avec une tierce personne, complice de sa manœuvre, avec qui il conclut un contrat de vente en contrepartie d’une somme d’argent dérisoire, le législateur accorde au créancier la possibilité d’exercer une action paulienne pour faire invalider la transaction.

Pour le cas spécial de la vente immobilière, la cession concerne non seulement l’immeuble vendu, mais aussi certains droits qui y sont attachés et qui réduisent sa valeur. On peut citer par exemple la nue-propriété, l’usufruit (Usus, Fructus et Abusus : voir notre article sur ce sujet) ou la constitution d’une hypothèque.

La donation d’un bien

Le créancier peut également exercer une action paulienne lorsque son débiteur, toujours dans l’intention d’être insolvable, se porte donateur en cédant gratuitement certains de ses biens en vue d’alléger le poids de son patrimoine. À ce niveau aussi, la donation du bien est inopposable au créancier de même que ses fruits (nue-propriété, loyer d’un bail, etc.).

La donation d’un usufruit

Rentre dans la même catégorie des actes frauduleux le fait pour le débiteur qui transmet à une tierce personne les fruits et produits issus de la jouissance d’un bien. Par exemple le débiteur qui demande à ses locataires de verser les loyers dans les mains d’une autre personne, dans la perspective d’échapper à ses créanciers.

La donation-partage

Par analogie à la donation simple, la donation-partage rentre aussi dans la catégorie des actes attaqués. C’est le cas par exemple d’un père de famille qui, ayant contracté des dettes auprès de créanciers, décide de partager ses biens entre ses héritiers par le moyen de la donation-partage.

Dans ce même sens, lorsque le débiteur renonce frauduleusement à un bien indivis auquel il a part, dans le but de demeurer insolvable, le créancier peut quand même intenter une action paulienne contre lui.

Toutefois, l’action paulienne ne peut être utilisée contre une succession (Lire : Le régime de l’indivision en droit des biens) ou contre un partage de la communauté.

La typologie des créanciers

Une question peut se poser : quels types de créanciers peuvent intenter une action paulienne ? En réalité, la plupart des créanciers détiennent la possibilité d’agir en vue de protéger leurs droits.

En droit des sûretés, on distingue plusieurs types de créanciers (privilégiés, chirographaires, gagistes), certains ont des droits plus étendus que d’autres.

Ainsi, un créancier privilégié est celui qui dispose de certaines garanties ou de quelques sûretés en comparaison aux autres créanciers. C’est pourquoi, au cours d’une procédure de liquidation de tous les actifs d’un débiteur, priorité sera accordée d’abord aux créanciers privilégiés sur tous les créanciers chirographaires. Les privilèges dont ils disposent peuvent être une garantie réelle (par exemple un nantissement ou un gage) ou une sûreté réelle donnant lieu à un droit de suite et un droit de préférence.

Quant aux créanciers chirographaires, eux ne disposent pas de garanties particulières qui leur permettent de recouvrer leurs créances en cas de faillite de leurs débiteurs.

Le régime procédural de l’action paulienne

Les conditions entourant l’action paulienne

Avant que l’action paulienne n’aboutisse, il est important que deux conditions générales soient réunies.

Les conditions générales

  • L’existence d’une créance certaine

Si une créance certaine n’existait pas encore entre le débiteur et le créancier, celui-ci ne pourrait pas lancer des poursuites contre son cocontractant parce qu’il aurait disposé de ses biens comme il le souhaitait.

  • La créance doit exister avant l’acte attaqué

Si les actes faits par le débiteur (donation, legs, vente, etc.) avaient eu cours bien avant l’existence des créances vis-à-vis du créancier, celui-ci ne pourrait pas les attaquer par le jeu d’une action paulienne.

Les conditions spécifiques

À ce niveau, il faut rechercher l’élément moral et l’élément matériel de l’acte posé par le débiteur.

  • Existence d’un élément matériel

Le législateur a modéré la conception de l’action paulienne en la rendant recevable dès lors que le créancier poursuivant peut montrer que le débiteur, mal intentionné, avait organisé lui-même son insolvabilité à l’avance, avant de contracter une dette qu’il savait ne pas vouloir honorer. Il faut donc s’assurer que le débiteur a commis un acte donné (aliénation de ses biens, donation, etc..).

  • Existence d’un élément moral

Il faut aussi chercher à savoir si le débiteur a agi avec l’intention de frauder les droits du créancier. Par exemple en cas de donation d’un bien à un tiers par le débiteur, le tiers bénéficiaire n’est pas protégé, parce qu’il peut perdre le bien dès lors que le créancier lance une action paulienne.

La procédure relative à l’action paulienne

L’action paulienne se fait généralement par voie d’assignation et doit à la fois viser le débiteur et le tiers qui a été son complice (ou dans le cas de la donation, celui qui a reçu le bien). Le concours d’un avocat peut être requis, à la demande du créancier poursuivant. Mentionnons qu’il s’agit du tribunal du ressort du lieu d’habitation du défendeur.

Il est important aussi, à ce niveau, de distinguer l’action paulienne de l’action oblique. En effet, par le biais de l’action oblique, le créancier se met à la place du débiteur et exerce les droits et actions que celui-ci devrait faire parce que faisant preuve de négligence.

La différence fondamentale ici, est que le créancier n’agit plus en son nom personnel, mais au nom du débiteur.

Les effets de l’action paulienne

Les effets de l’action paulienne

L’inopposabilité paulienne

Auparavant, en cas d’aboutissement de l’action paulienne, il était procédé à la réintégration des biens dans le patrimoine du débiteur afin qu’il redevienne solvable pour honorer ses dettes envers le créancier.

Suite à une jurisprudence de 2006 par l’arrêt de la Cour de cassation (1re Civ, 12 juillet 2006), l’action paulienne ne vise plus à faire réintégrer les biens dans le patrimoine du débiteur, mais plutôt à procéder à leurs saisies, quelles que soient les mains dans lesquelles ils se trouvent. Autrement dit, le créancier poursuivant va s’attaquer au tiers qui est devenu propriétaire du bien en vue de recouvrer le prix que vaut le bien.

À travers cet arrêt rendu par la Cour de cassation, le juge a choisi pour ne plus faire réintégrer les biens dans le patrimoine du débiteur en vue d’éviter que ces biens soient accessibles aux autres créanciers.

L’acte litigieux demeure effectif envers les tiers

Lorsqu’un créancier attaque un acte par le jeu de l’action paulienne, celui-ci n’est pas annulé, il est tout simplement inopposable au créancier poursuivant, mais il reste et demeure opposable à tous les autres créanciers qui ne disposent d’aucun droit de gage sur lesdits biens.

Réparation du préjudice subi

Par le jeu de l’action paulienne, le débiteur est sanctionné pour l’inexécution de son obligation ayant porté préjudice à son créancier.

Lorsqu’on ne peut procéder à des saisies, le juge ordonne le paiement de dommages et intérêts au créancier poursuivant.

Prescription de l’action paulienne

En considération de l’article 2224 du Code civil, l’action paulienne peut se prescrire ; la date de prescription courante à partir du moment où le créancier est informé de l’acte frauduleux de son débiteur. Un délai de prescription de cinq ans court pour le créancier à partir du moment où il a connaissance de l’acte frauduleux du débiteur.

Exemple pratique : cas de l’arrêt de la Cour d’appel Paris dans l’affaire opposant la Société Civile Immobilière à sa banque.

Dans cette affaire la Cour a été interpellée par rapport au point de départ du délai de la prescription, de même que des causes pouvant interrompre cette durée.

Dans le but d’acquérir un bien immobilier, une aide sous forme de prêt a été consentie par la Banque à une SCI. Celle-ci a par la suite consenti un prêt à usage gratuit et à vie à l’un de ses associés sur le bien immobilier. Un acte notarié a constaté le prêt à usage, et a fait objet d’une publication auprès du Service de la Publicité foncière.

Six années après due à sa faillite, la SCI ne pouvait plus rembourser la banque. Ne se trouvant plus en mesure de procéder au recouvrement de ses fonds, celle-ci a décidé de faire déclarer inopposable le contrat conclu de prêt à usage. Lorsque l’affaire fut portée à la Cour, elle a déclaré prescrite l’action de la banque parce qu’elle aurait dû agir dans un délai de cinq années à partir du moment où elle avait eu connaissance de l’acte.

En parlant d’acte frauduleux, qui est une infraction pénale, découvrez aussi : C’est quoi une circonstance aggravante ? Quelles sont les circonstances aggravantes en droit pénal ? Cliquez-le pour plus d’informations sur ces questions !

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