Qu’est-ce que la responsabilité administrative ?

Responsabilité administrative

Au sens général, la responsabilité administrative désigne le mécanisme par lequel on tient l’administration responsable des effets de son activité sur les administrés. Dans un langage juridique, la responsabilité administrative consiste pour l’administration publique ou l’un de ses agents à réparer tout préjudice qui aurait été causé au cours de l’exercice de ses activités. Puisque l’administration ou l’État sont tenus de réparer les préjudices qui sont nés de leurs actions : on dit que leur responsabilité est engagée.

S’il n’est plus un mythe en droit de demander aux personnes de droit privé de réparer le tort qu’elles portent aux autres (article 1382 code civil), il est normal de concevoir qu’une personne de droit public puisse elle aussi supporter les dommages que produirait son activité sur les tiers. Il n’en était pas ainsi dans le passé : l’Administration, en raison de sa mission de service public, était déclarée intouchable et ses actions inattaquables. Aujourd’hui, elle est tenue de faire face aux conséquences dommageables de son activité.

Cependant, il existe certaines questions essentielles autour de ce thème. Par exemple : Quels sont les moyens dont disposent les administrés pour faire réparer les préjudices naissant de l’activité de l’administration ? Quel est le contenu juridique de la responsabilité administrative ? Et que dire de la procédure, du juge compétent, des questions de délai, etc. ?

Ainsi, dans le présent article, nous allons présenter la responsabilité administrative de manière détaillée. Nous partirons d’abord du régime juridique de la responsabilité administrative (partie 1) pour aboutir au règlement de l’action en responsabilité administrative (partie 2).

Le régime juridique de la responsabilité administrative

Le fondement de la responsabilité administrative

Définition et Origine

Définition

Encore appelée responsabilité des personnes publiques, la responsabilité administrative a trait à l’obligation qui pèse sur l’administration d’assumer les dommages occasionnés par son activité, son omission ou un quelconque manquement de sa part. Autrement dit, lorsque l’activité administrative engendre quelque dommage que ce soit ou que son inaction produit des préjudices, on la tiendra quand même responsable et on l’obligera à réparer le tort qu’elle a commis envers les tiers.

Précisons ici qu’en parlant de fait dommageable de la part de l’administration, on entend aussi bien la personne publique (anonyme et collective) que l’autorité administrative individualisée et bien connue. Ainsi, le régime de la responsabilité administrative s’appliquera aussi aux personnes privées, qui participent à une mission de service public ou qui utilisent, au cours de leur activité, une prérogative de puissance publique.

Au total, le champ d’application des différents régimes de responsabilité administrative peut se résumer sur ce schéma :

Origine de la responsabilité administrative

Au départ, le principe qui était de mise était celui de l’irresponsabilité de la personne publique. En effet, au cours du XIXe siècle, l’administration était superpuissante et jouissait d’un pouvoir discrétionnaire dans l’exercice de ses activités ainsi que dans la prise de ses décisions. On ne reconnaissait pas sa responsabilité générale, elle ne pouvait pas causer des torts à autrui et aucun texte particulier ne permettait d’ailleurs de demander une réparation des dommages occasionnés par l’activité administrative.

Il faudra attendre le 1er février 1873, à travers un arrêt marquant, l’arrêt Blanco, pour voir les choses changer. Le Tribunal des conflits a consacré le principe d’un régime de responsabilité particulier, différent de celui de droit commun, applicable à l’administration, mettant en place la possibilité de questionner les conséquences de l’activité administrative devant une juridiction administrative. C’est à partir de ce moment-là que tout citoyen a pu mettre en jeu la responsabilité de l’administration lorsque cette dernière causait des dommages par son activité.

Par ailleurs, le Tribunal des conflits a fait mieux, en instituant un ordre juridictionnel propre à l’administration qui a la compétence pour connaitre les litiges qui opposeraient l’administration aux justiciables. En effet, le Tribunal des Conflits devient dès lors un organe de répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif.

Enfin, le législateur s’est joint au Tribunal des conflits pour fixer certains régimes spéciaux de responsabilité de l’administration en créant un droit de regard du juge judiciaire pour les questions qui relèvent de la protection d’une liberté fondamentale ou d’un droit de propriété.

Pour mieux comprendre la responsabilité administrative, il est intéressant de la distinguer des autres responsabilités.

Distinction de la responsabilité administrative avec les autres responsabilités

Le tableau ci-dessous permet de faire une distinction entre la responsabilité administrative et la responsabilité civile, la responsabilité pénale ou la responsabilité disciplinaire.

Après avoir présenté cette distinction de taille entre les différentes responsabilités existantes, abordons à présent le contenu même de la responsabilité administrative.

Les différents types de responsabilités administratives

Il existe deux grands types de responsabilités administratives : celle dans lequel existe un contrat et celle sans existence de tout lien contractuel.

La responsabilité contractuelle de l’administration

Lorsque pour son activité, l’administration noue des relations contractuelles, il existe une responsabilité entre les parties. D’abord, chacune d’elles est tenue d’exécuter les obligations à sa charge et mentionnées dans le contrat.

Lorsque l’une ou l’autre des parties est fautive en manquant à son devoir, le juge administratif peut être saisi afin de dédommager la partie victime des préjudices subis par l’inexécution des obligations du cocontractant. Ce régime de responsabilité est appelé la responsabilité contractuelle de l’administration.

À côté, il existe une responsabilité extracontractuelle qui mérite une attention particulière.

La responsabilité extracontractuelle

La responsabilité de l’administration à ce niveau ne trouve pas de fondement dans l’existence d’un contrat administratif. On en distingue deux sous-catégories : la responsabilité pour faute et la responsabilité Sans-Faute.

La responsabilité pour faute

Ici, il est primordial que la victime démontre l’existence d’une faute commise par l’administration. On distingue généralement deux types de fautes : la faute simple et la faute lourde. En règle normale, la faute simple est déjà suffisante pour entraîner la responsabilité administrative, cependant dans des cas particuliers, il est exigé une faute lourde de l’administration.

En vue de déterminer s’il y a bien une faute de la part de l’administration, il faut partir du principe dont elle est investie d’une mission de service public. Par conséquent, l’administration doit assurer à tous les citoyens l’égalité devant les charges publiques. Une rupture de cette égalité équivaut à une faute de la part de l’administration.

Par ailleurs, dans certains cas, le juge a créé à l’égard de l’administration une présomption de faute, partant du postulat que certaines activités incombaient de facto à l’administration (entretien normal des feux tricolores, maintenance d’un ouvrage public, etc.). Toutefois, cette présomption est simple, il suffit à l’administration d’en apporter la preuve contraire pour qu’elle tombe.

Donnons quelques exemples de cas de responsabilité administrative pour faute : défaillance des services de secours et de lutte contre l’incendie, l’action illicite des polices administratives, manquement des services hospitaliers, les fautes commises par des établissements publics, etc.

La responsabilité sans faute

Comme son nom l’indique ici, il n’existe pas de faute véritable commise par l’administration, il suffit à la victime de montrer que le dommage qu’elle a subi provient de l’activité de l’administration. À ce niveau, deux cas sont envisageables : la responsabilité pour risque et celle liée à une rupture d’égalité devant les charges publiques.

On parle de responsabilité pour risque lorsqu’on est en présence du dommage que peut générer une activité risquée que mène l’administration. C’est l’exemple des dommages causés par des travaux publics réalisés par l’administration, ou encore lors de la réalisation d’ouvrages publics. On peut aussi faire cas de l’utilisation par l’administration de certains matériels dangereux (artillerie, explosive et des poudres à canon…).

En revanche, la responsabilité administrative pour rupture d’égalité devant les charges publiques met en relation le préjudice à l’existence d’une loi ou d’une décision prise par l’administration qui porte grief au particulier. Il est question de la responsabilité du fait des lois qui ont été consacrées par l’Arrêt S.A. La Fleurette de 1938.

On peut prendre l’exemple du cas où une entreprise a fait faillite parce que l’administration a pris une décision interdisant la commercialisation d’un produit, qui avait fait la fortune de cette entreprise.

Donnons quelques autres cas de responsabilité administrative sans faute : le refus du concours de la force publique pour faire appliquer une décision de justice, la responsabilité du fait des actes administratifs légalement pris, etc.

Les conditions d’engagement de la responsabilité administrative

Que l’on soit en droit administratif ou en droit privé, ce sont les mêmes conditions qui sont requises pour engager la responsabilité. Il faut de prime abord un fait générateur, ensuite celui-ci doit produire un préjudice, mais enfin il faut établir un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice.

Le fait générateur

Il est question de l’origine du dommage. On cherche à savoir si le dommage est né suite à la faute personnelle d’un agent public ou s’il provient d’une faute de service de l’agent public. S’il a commis une faute personnelle, dès lors la victime engage la responsabilité de l’agent auprès des juridictions judiciaires. Par contre, lorsqu’il s’agit d’une faute de service, c’est devant le juge administratif que le litige sera porté.

Il n’est pas aisé de faire cette distinction entre la responsabilité personnelle de l’agent et sa responsabilité du service (ou par rapport au service). La solution préconisée par les magistrats est que les victimes ont intérêt à d’abord attaquer l’administration. Celle-ci pourra mener ensuite une action récursoire contre l’agent public dans le cas où sa faute personnelle peut être engagée. Par l’action récursoire, l’administration va se retourner contre cet agent en vue d’obtenir remboursement.

Le cas particulier du cumul de fautes et de responsabilités

Dans certains cas, il peut subsister un cumul de fautes et de responsabilités ayant entrainé le dommage. Deux arrêts de la jurisprudence administrative consacrent le cumul de fautes personnelles et faute administrative.

L’arrêt Anguet en 1911 établit le cumul de fautes et l’arrêt Époux Lemonier en 1918 a établi le cumul des responsabilités. Dans ces cas, on peut tomber sur deux différentes fautes, l’une engageant la responsabilité de l’administration et l’autre mettant en cause la responsabilité personnelle de l’agent public dans l’exercice de ses fonctions.

Dans ces arrêts, la faute ayant entrainé le cumul n’est pas dépourvue de lien avec le service en ce sens qu’elle a été occasionnée au cours du fonctionnement du service. Pour se faire indemniser, la victime a le choix entre l’administration et l’agent fautif. Le mieux serait, comme mentionné ci-dessus, d’attaquer l’administration, à charge pour cette dernière de se retourner contre son agent par la procédure de l’action récursoire.

Le préjudice subi

Le préjudice subi doit être réparé. Toutefois, certaines conditions cumulatives doivent être remplies avant que le préjudice ne soit retenu.

Tout d’abord, le préjudice doit être spécial. Ici, il faut chercher à savoir si la victime a directement subi le dommage.

Ensuite, le préjudice doit résulter d’un caractère anormal de l’activité de l’administration. En d’autres termes, il faut qu’il soit au-delà des inconvénients que peut produire la vie normale en société.

Enfin, le préjudice doit être certain. Même si l’on accepte le fait qu’il ne se soit pas encore produit (cas de préjudice futur), l’on ne saurait retenir un préjudice éventuel ou probable.

Le lien de causalité

Avant d’obtenir réparation, il est obligatoire pour la victime de démontrer que la faute commise est imputable directement à l’administration. C’est de là que nait le lien de causalité entre la faute et le préjudice. Ce lien doit être une relation directe. En d’autres termes, il ne doit pas subsister de doute que l’action dommageable est bien la cause du préjudice.

Règlement de la responsabilité de l’administration

Les cas d’exonération de la responsabilité de l’administration

Il existe certaines circonstances dans lesquelles nul ne saurait incriminer l’administration ou alors sa responsabilité ne serait que partielle. Il s’agit des cas exceptionnels d’exonération de la responsabilité administrative.

Exonération partielle

Dans le cas de l’exonération partielle de responsabilité, on suppose que l’administration n’est à l’origine du dommage que dans une moindre proportion. On en déduit qu’un élément extérieur ne dépendant pas de sa volonté a concouru au fait dommageable. Il existe deux cas d’exonération partielle de la responsabilité publique de l’administration : la faute d’un tiers et la faute de la victime.

On ne saurait retenir une faute de l’administration lorsque la victime elle-même, de par son imprudence, sa négligence, ou encore sa violation d’une obligation légale (ou réglementaire) se place dans une situation risquée qui aurait conduit à des dommages subis.

De la même manière, lorsque c’est une tierce personne qui a commis une faute ayant porté préjudice à la victime, il serait difficile que l’administration soit totalement tenue responsable : on pourrait donc l’exonérer partiellement. Mentionnons ici que la responsabilité du fait du tiers peut être partielle comme totale.

Exonération totale

Dans ce cas, par contre, l’administration est considérée comme totalement exempte de tout reproche dans la survenance du dommage. On suppose que les circonstances sont telles que l’on ne saurait mettre le tort sur l’administration. Deux cas sont à considérer aussi : la force majeure et le cas fortuit.

La force majeure fait appel soit à un évènement imprévisible auquel on ne pouvait pas s’y attendre, soit à un évènement irrésistible qu’on ne pouvait facilement éviter. Quel que soit le cas, il faut que l’évènement soit inévitable et insurmontable. Il s’agit de la seule circonstance qui suppose l’absence de faute de la part de l’administration.

Quant au « cas fortuit », sa distinction avec le cas de force majeure est essentiellement opérée en droit administratif, puisqu’en droit civil, les deux notions sont confondues. Il s’agit d’une situation où personne ne connait la cause du dommage (ce n’est que dans le régime de la responsabilité pour faute que le cas fortuit a son sens).

La Réparation des dommages causés par l’activité administrative

Ce sont les tribunaux administratifs qui connaissent des contentieux liés à l’activité de l’administration. Lorsqu’une action en responsabilité est introduite auprès de la juridiction administrative, elle détermine le montant des dommages et intérêts que devra payer l’administration.

Pour ce faire, le juge doit estimer, en amont, s’il est question d’un intérêt légitime avant que l’indemnisation ne s’opère. Autrement dit, le juge s’assure que le préjudice soit indemnisable avant de prononcer une condamnation contre l’administration.

Pour ce qui est de la réparation du préjudice lui-même, la réparation en nature n’est pas, dans la plupart des cas possibles, ce qui amène le tribunal administratif à choisir un montant retenu dans une fourchette après avoir évalué la valeur monétaire relative au préjudice subi par la victime.

Par ailleurs, l’administration est tenue de réparer intégralement le préjudice subi par la victime. Autrement dit, il s’agit de réparer le préjudice, mais de réparer tout le préjudice : matériel, moral, le pretium doloris, la perte de chance, etc.

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