Quel est le régime juridique de la location-gérance ?

régime juridique de la location-gérance

Selon l’article L144-1 du Code de commerce, la location-gérance, appelé aussi « gérance libre » est un contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce ou d’un établissement artisanal confie totalement ou partiellement à une autre personne l’exploitation de son fonds de commerce.

Définition de la location-gérance : C’est quoi concrètement ?

Dans la location-gérance, le locataire-gérant exploite le fonds de commerce à ses risques et périls. En contrepartie, il doit verser un loyer ou une redevance au propriétaire. Ce qu’il faut savoir, c’est que dans une location-gérance, le propriétaire a la qualité de bailleur et l’exploitant, celui de locataire-gérant.

Si on résume, la location-gérance, celle-ci permet pour le propriétaire de conserver la propriété d’un fonds de commerce ainsi que de s’assurer un revenu, et ce ; notamment grâce à la perception d’une redevance, mais sans pour autant exploiter personnellement son fonds de commerce.

Ainsi, ce mode de cession d’un fonds de commerce qu’est la location-gérance est à privilégier dans le cadre d’un réseau de distribution tel qu’une chaîne de restauration rapide. Ici, le promoteur du réseau de distribution reste titulaire des droits de bail qui lui permet de garder le contrôle sur la désignation des emplacements des commerces par exemple.

En même temps, la location-gérance est un moyen d’augmenter le patrimoine du réseau grâce au prix d’acquisition et d’équipement supporté par les fonds licenciés ou franchisés. Dès lors, pour le locataire-gérant, elle permet d’exploiter un fonds de commerce sans passer par l’acquisition de certains éléments d’un fonds qui peuvent dans certains cas être assez onéreux : licence, droit de bail, brevet, etc.

Toutefois, la location-gérance est à distinguer de la sous-location. En effet, le sous-locataire n’a droit qu’à la jouissance du local commercial tandis que pour le locataire-gérant, il exploite le fonds de commerce de même que la jouissance du local qui n’est qu’un élément parmi tant d’autres composant le fonds de commerce.

À titre de rappel, un fonds de commerce est un ensemble d’éléments mobiliers corporels (matériel, outillage, marchandise servant à l’exploitation du fonds) et incorporels (droit de bail, nom, enseigne, clientèle et achalandage, brevet, licences, marques, etc.) qui constitue une entité juridique distincte des éléments qui le composent.

Afin de mieux cerner la location-gérance, nous allons voir successivement dans les prochaines parties de cet article, les conditions de validité de la location-gérance, ses avantages et ses inconvénients, le contenu du contrat, la fin de la location-gérance ainsi que son régime fiscal. Enfin, nous verrons les effets de la location-gérance.

Les conditions de validité de la location-gérance

Pour commencer, la location-gérance doit porter sur un fonds de commerce ou un fonds artisanal. Ensuite, concernant le locataire-gérant, il doit avoir la capacité pour exercer une activité commerciale.

La deuxième condition de la location-gérance tient à la durée de l’exploitation du fonds de commerce par le propriétaire. En effet, il doit avoir exploité personnellement le fonds pendant une durée d’au moins 2 ans (ancien article L144-3 du Code de commerce).

Cette disposition comporte tout de même quelques exceptions prévues par l’article L144-5 du Code de commerce, notamment par la dispense judiciaire. En effet, le tribunal peut se passer de cette disposition s’il y a une nécessité dans l’organisation ou l’activité de l’entreprise ou encore dans le cas d’un propriétaire qui a hérité du fonds.

Par souci de simplification, cette disposition a été supprimée depuis juillet 2019. Le propriétaire peut désormais mettre en location-gérance son fonds de commerce, peu importe la durée durant laquelle il a été exploité par ce dernier. Pour dire les choses autrement, un fonds de commerce peut être mis en location-gérance sans exploitation préalable.

La troisième condition de la location-gérance a été tirée de sa définition, laquelle qui dispose que le locataire-gérant doit exploiter le fonds de commerce à ses risques et périls, c’est-à-dire que ce dernier supporte les dettes relatives à l’exploitation du fonds de commerce.

À noter : le loueur du fonds de commerce est solidairement responsable avec le locataire durant les 6 premiers mois.

La redevance dans la location-gérance

Ensuite, il y a le versement d’une redevance qui est la contrepartie de l’exploitation du fonds de commerce. Concernant le montant de cette redevance, il est librement défini par les parties. Il peut être fixe, mais il se peut aussi que le contrat soit assorti d’une clause de révision, l’évaluation dépendent alors du chiffre d’affaires perçu.

D’une manière générale, le montant de la redevance correspond au prix de la location du fonds auquel on ajoute le loyer du local ainsi que les assurances. Les parties peuvent se concerter pour un versement mensuel ou trimestriel. La redevance est soumise à la TVA. Dans le cas où le bail a été assorti d’une clause d’exploitation personnelle, l’obtention de l’accord du propriétaire des locaux est nécessaire.

Les formalités d’immatriculation dans la location-gérance

Enfin, puisque le locataire-gérant doit avoir la qualité de commerçant pour exploiter le fonds de commerce, il doit être immatriculé au registre de commerce et de la société (RCS) au plus tard, 15 jours après le début de son activité commerciale. S’il s’agit d’un établissement artisanal, l’immatriculation se fait auprès du répertoire des métiers.

Dans le cas où le contrat est assorti d’une promesse unilatérale de vente, le propriétaire doit vendre au locataire-gérant son fonds de commerce. Il convient alors de dresser un autre acte (promesse unilatérale de vente) qui se distingue du contrat de location-gérance.

Si la promesse de vente n’a pas été conclue en même temps que celle de la location-gérance, voire quelque temps après, l’administration fiscale pourrait y voir une vente déguisée.

Les formalités de publicité de la location-gérance

Tout comme pour le nantissement du fonds de commerce, la location-gérance est aussi soumise à une formalité de publicité. Dans les 15 jours de la signature du contrat de sous-location, elle doit faire l’objet d’une publication dans un journal d’annonce légale.

Suite à cette publication, la copie du contrat de location-gérance ainsi que la copie d’attestation de parution de l’avis de prise en location sont transmises au Centre de Formalité des Entreprises.

Cette étape de publication est importante sur le plan de la responsabilité puisque selon l’article L144-7 du Code de commerce : jusqu’à la publication du contrat, le bailleur de fonds de commerce demeure solidairement responsable des dettes contractées par le locataire gérant pour l’exploitation du fonds.

La publication du contrat de sous-location n’exonère pas totalement la responsabilité du propriétaire puisque les créanciers peuvent engager la responsabilité de ce dernier sur la base du droit commun comme en matière de faute par exemple.

Avantages et inconvénients de la location-gérance

La location-gérance est bien souvent utilisée dans le cadre d’un rachat d’entreprise. Elle permet au locataire-gérant de tester la viabilité, de même que la rentabilité du fonds de commerce avant de se lancer dans l’acquisition et ainsi avoir les capitaux nécessaires pour l’achat. Dès lors, le locataire n’est pas obligé de faire un énorme prêt, voire quasiment pas dans certains cas, ce qui réduit le risque financier au démarrage.

En résumé :

Les avantages de la location-gérance pour le loueur sont :

Comme il a été dit ci-dessus, le propriétaire peut profiter de l’exploitation de fonds de commerce par une autre personne dans le cadre de la location-gérance, notamment par la perception d’une redevance sans pour autant perdre son droit de propriété.

Les inconvénients de la location-gérance pour le loueur sont :

Les conséquences d’une mauvaise gestion du fonds de commerce de la part du locataire se répercutent sur le propriétaire. Et pourtant, ce dernier n’a pas la faculté de s’immiscer dans la gestion du fonds de commerce. Il est donc nécessaire de prendre certaines précautions quant aux dispositions de la location-gérance.

Il faut dire que la location-gérance est aussi aux risques et périls du propriétaire, puisqu’en cas de mauvaise gestion du locataire-gérant, il n’a pas autorité pour s’immiscer dans la gestion.

Les avantages de la location-gérance pour le locataire sont :

La location-gérance permet au locataire de familiariser et de tester la viabilité de l’exploitation du fonds avant de procéder à l’acquisition.

Les inconvénients de la location-gérance pour le locataire sont :

Dans le cas d’une moins-value, les deux parties sont perdantes. Mais dans le cas contraire, c’est-à-dire dans la situation d’une croissance de l’entreprise, puisque le locataire n’est pas propriétaire du fonds, ce système juridique ne fait pas profiter à ce dernier de la plus-value acquis par l’exploitation. Ensuite, il y a le paiement d’une redevance au propriétaire du fonds. De surcroît, il ne bénéficie pas du droit au renouvellement automatique du contrat.

Le contenu du contrat de location-gérance

Le contrat de location-gérance doit être constaté par un écrit. Aussi, il doit contenir :

  • Les informations sur les parties au contrat
  • La durée de la location-gérance

Elle peut être à durée indéterminée, mais de manière courante, la location-gérance dure 1 an avec tacite reconduction. Cela permet ainsi au propriétaire de faire un point sur la rentabilité de la location-gérance chaque année. Si elle est à durée déterminée, le locataire ne bénéficie pas du droit au renouvellement du bail.

Ainsi, le bailleur à la fin de la durée du bail est en droit de reprendre le fonds sans être soumis au versement préalable d’une indemnité d’éviction. Dans ces cas, la durée du bail est adossée au contrat. Pour dire les choses autrement, il s’agit en fait d’une protection du propriétaire dans le cas où le locataire-gérant gère mal le fonds de commerce.

  • Le montant ainsi que la modalité du paiement de la redevance
  • Les obligations de chacune des parties

Notamment les conditions d’exploitation ou de jouissance du fonds. Afin d’éviter que le bailleur reprenne son fonds de commerce déprécié ou sans valeur à la suite d’une mauvaise gestion du locataire, il peut être inséré dans le contrat que ce dernier doit retrouver son commerce dans l’état où il se trouvait au moment de la signature de la location-gérance. Le contrat peut aussi prévoir les conditions d’équipement et d’investissement du fonds.

  • Les conditions de résiliation du contrat de location-gérance

Il peut s’agir d’un commun accord s’il s’agit d’un contrat à durée déterminée ou de la volonté unilatérale d’une partie s’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée. Éventuellement, il peut s’agir d’une promesse unilatérale de vente que le locataire pourrait se prévaloir à la fin de la durée de la location.

La Fin de la location-gérance

La location-gérance prend fin lors de :

  • L’arrivée du terme : lorsqu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée.
  • La résiliation du contrat : quand l’une des parties veut mettre fin au contrat unilatéralement. Elle doit néanmoins respecter le délai de préavis de 3 mois.
  • Le non-respect des obligations contractuelles.
  • Le décès de l’une des parties.

À la fin dès la location-gérance, le propriétaire retrouve son fonds de commerce et tous les éléments qui le composent. En vertu du parallélisme des formes, la fin de la location-gérance doit aussi faire l’objet d’une publication, notamment par la publication dans un journal d’annonce légale.

La fin de la location-gérance entraîne l’exigibilité des dettes contractées par le locataire-gérant pour l’exploitation du fonds de commerce. Ainsi, les créanciers pourraient de suite demander le règlement de leurs créances afin d’éviter toute dissipation de la part du locataire-gérant.

La fin de la location-gérance a aussi pour effet la restitution du fonds de commerce au loueur. Le locataire ne profite pas du droit de renouvellement du contrat, il doit être à l’initiative du propriétaire.

Le régime fiscal de la location-gérance en France

Au vu du fait que les redevances constituent des bénéfices d’exploitation, elles sont ainsi soumises à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ainsi qu’au paiement d’une Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA).

Le propriétaire a donc intérêt à souscrire à des garanties financières contractuelles, notamment une caution bancaire qui servira de garantie pour le paiement de la redevance. Concernant le locataire, elles sont déduites de son bénéfice taxable.

Dans le cas où la location-gérance est suivie par un rachat du fonds de commerce, le locataire-gérant doit s’acquitter d’un droit de cession. Lorsque le prix de vente se situe entre 23 000 euros et 200 000 euros, il est de 3 %, au-delà, c’est 5 %.

Comme il a été dit précédemment, il incombe au propriétaire de payer les plus-values professionnelles. Mais dans certains cas, il peut cependant bénéficier d’une exonération :

  • Exonération totale : lorsque la valeur du fonds ne dépasse pas 300 000 euros.
  • Exonération partielle : lorsque sa valeur ne dépasse pas 550 000 euros.
  • Lorsqu’il a été mis en location-gérance alors que l’activité a été exercée depuis moins de 5 ans.
  • Lorsque la cession du fonds de commerce est consentie au locataire-gérant.
  • Enfin, lorsque la transmission est intervenue lors d’un départ à la retraite.

L’administration peut faire état d’une cession déguisée d’un fonds de commerce. Tel est le cas lorsque le contrat de location-gérance est assorti d’une promesse unilatérale de vente et que le montant de la redevance a été imputé sur le prix de vente. L’administration fiscale peut alors procéder à un redressement lié aux droits d’enregistrement.

Les effets de la location-gérance

Il convient de voir successivement les effets entre les parties et les créanciers.

Entre les parties :

En tant que bailleur, le propriétaire doit assurer la jouissance paisible du fonds de commerce, c’est-à-dire qu’il doit garantir la mise à disposition du fonds au locataire et qu’ensuite le propriétaire est aussi soumis à l’obligation de non-concurrence. En effet, il ne peut pas mettre en location-gérance son fonds de commerce et ouvrir juste à côté un commerce de même nature.

Même en cas de valorisation du fonds de commerce à la fin de la location-gérance, le locataire-gérant ne pourrait pas se prévaloir d’une indemnité.

À noter : Le propriétaire préserve le droit de céder ou d’affecter le fonds de commerce en nantissement. Pour le locataire-gérant par contre, il doit exploiter le fonds de commerce en respectant sa destination. Il doit aussi conserver le nom commercial, l’enseigne ainsi que le personnel. Dans le cas où ce dernier voudrait modifier ou ajouter une activité, l’autorisation du propriétaire est nécessaire.

Dans la même optique, le locataire-gérant ne pourrait vendre ni mettre en sous-location le fonds de commerce sauf bien sûr que le propriétaire y a consenti. Cela s’explique par le fait que le contrat de location-gérance est intuitu personae, c’est-à-dire en considération de la personne du locataire. Le locataire est ainsi soumis à l’obligation d’exploiter le fonds en bon père de famille.

Pour les créanciers :

Si les créanciers du loueur du fonds de commerce estiment que la location-gérance met en péril le recouvrement de leurs créances, peuvent être déclarées immédiatement exigibles par le tribunal de commerce les dettes issues de l’exploitation du fonds. Le tribunal va ainsi prononcer la déchéance des termes et les créanciers peuvent alors demander le recouvrement de leurs créances sans attendre la fin du terme prévu dans le contrat.

Pour ce faire, les créanciers doivent saisir le tribunal dans un délai de 3 mois à compter de la publication de la location-gérance dans le journal d’annonce légale. Passé ce délai, les créanciers sont forclos.

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