Lésion en droit des obligations : l’article 1168 du Code civil dispose que « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement ». Dans ce cas, la lésion ne fait pas partie d’une cause de nullité.
Selon l’ancien article 1118 du Code civil, la lésion ne vicie pas les conventions sauf à l’égard de certaines personnes ou dans le cadre de quelques contrats. D’ailleurs, tout contrat suppose un équilibre entre les parties notamment en ce qui concerne les prestations.
Pour entrer plus en détail sur cette notion de lésion, nous allons voir dans une première partie sa définition juridique. D’autres parties vont également être analysées pour éclaircir certains points comme la nature de la lésion et le principe d’indifférence. Enfin, nous verrons l’explication des sanctions ainsi que les différentes exceptions. Vous êtes prêt ? 🙂
Quelle est la définition juridique de la lésion en droit des obligations ?
Dans cette première partie, nous allons tout d’abord donner la définition juridique de la lésion pour ensuite étudier son champ d’application.
Comment définir la lésion en droit des obligations ?
La lésion désigne tout d’abord un préjudice subi par l’une des parties au moment du contrat. Elle peut être à l’origine d’un déséquilibre quant aux prestations. Dans la pratique, cela s’explique par le fait que l’une des parties contractantes reçoit plus que ce qu’elle ne donne.
Pour bien comprendre, prenons un exemple plutôt concret. Ainsi, vous vendez une tablette neuve de la marque Apple à l’un de vos amis pour une somme de 200 €. Alors que ce gadget est encore en parfait état, son prix devrait être au moins deux fois supérieur. Dans ce cas, on peut dire qu’il y a une lésion. En effet, l’objet en question a été vendu pour une valeur qui ne lui correspondait pas.
À la différence de la notion d’imprévision, la lésion ou le déséquilibre contractuel se présente au moment de la formation d’un contrat. Quant à l’imprévision, celle-ci a lieu au cours de l’exécution même du contrat.
En outre, la lésion se distingue par deux caractéristiques majeures qui lui sont propres. Premièrement, elle est un vice originel, c’est-à-dire qu’elle doit exister lors de la formation d’un contrat. Secondement, elle se voit objectivement comme un vice. Elle peut être caractérisée en l’absence d’un vice de consentement tout en procédant d’un déséquilibre exclusivement économique.
Lisez aussi : L’obligation in solidum, c’est quoi ? Nous vous livrons en détail les points les plus importants à savoir sur cette notion créée par la Cour de cassation. Suivez le lien pour consulter le cours complet !
Notion de lésion en droit des obligations : quid de son champ d’application ?
En ce qui concerne son champ d’application, la lésion a lieu dans les contrats synallagmatiques. Suivant l’article 1106 du Code civil, ces derniers se définissent comme un contrat qui tend à créer des obligations égales et réciproques entre les parties. Ce type de contrat se différencie également du contrat unilatéral qui ne crée des obligations qu’à l’égard de l’une des parties.
Dans cette perspective, une question peut se poser : pourquoi la lésion ne régit que les contrats synallagmatiques ? La réponse est simple ! Un contrat ne présente un déséquilibre que dans le cas où il crée des obligations réciproques à la charge des deux parties.
Par ailleurs, la lésion ne peut s’appliquer en matière de contrat aléatoire. Par définition et suivant l’article 1108 du Code civil, un contrat est aléatoire quand les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat par un évènement incertain. Cela comprend à la fois les avantages et les pertes qui peuvent survenir d’un évènement incertain. L’existence d’un aléa constitue un obstacle à la lésion.
Pour poursuivre notre étude sur la lésion, nous allons voir dans cette deuxième partie la nature de la lésion.
** Afin d’approfondir et d’élargir un peu plus le cours, pensez aussi à lire notre article concernant le pacte de préférence. Une autre forme de contrat (ou plutôt d’avant-contrat) par lequel l’un des contractants s’engage à procurer prioritairement à son bénéficiaire de traité un nouvel accord avec l’autre contractant. **
Comment déterminer la nature de la lésion en droit des obligations ?
Pour déterminer la nature de la lésion, deux conceptions méritent d’être explicitées. D’une part, la conception subjective prévoit que la lésion s’apparente à un vice de consentement. La présence d’un déséquilibre au moment de la conclusion d’un acte suppose qu’il y avait une altération du consentement de l’une des parties. Dans le cas où le consentement de la victime est éclairé durant la formation du contrat, l’intéressée ne se trouvera pas dans une situation défavorable.
D’un autre côté, pour ce qui est de la conception objective, la lésion ne consiste pas en un vice de consentement, mais plutôt en un déséquilibre contractuel. Ainsi, cette notion ne prend en compte que le défaut d’équivalence des prestations. Elle ne s’appuie pas sur les circonstances qui étaient à l’origine du désagrément.
Là encore, deux points divergents sont à analyser, à savoir la justice commutative et la justice distributive. La justice commutative mise sur le principe de l’égalité. Elle a pour maitre-mot « À chacun une part égale » et possède un caractère juridique et individualiste. Elle concerne à la fois les relations entre les personnes et les échanges.
Pour la justice distributive, elle repose sur l’égalité géométrique et non sur l’égalité arithmétique. Se basant sur une égalité des rapports, elle met en exergue la notion de proportionnalité. Suivant cette deuxième conception, chaque individu reçoit en fonction de ses mérites. La justice distributive se penche vers une vision politique, sociale et corrective.
Après avoir vu la nature de la lésion en droit des obligations, pour poursuivre, nous allons approfondir le principe de l’indifférence.
Le principe de l’indifférence en matière de lésion en droit des obligations
Comme mentionné plus haut, si lors de la formation d’un contrat, il y a un déséquilibre lésionnaire, cela n’aura pas d’effet sur la validité de l’acte. Il résulte que sauf autre disposition de la loi, le défaut d’équivalence des prestations ne constitue pas une cause de nullité du contrat dans les contrats synallagmatiques. D’ailleurs, la jurisprudence a régulièrement eu recours à ce principe.
Par exemple, la Cour de cassation dans un arrêt du 18 octobre 1194 refusait de faire droit, suite à la demande d’une épouse ayant engagé une action en rescision pour lésion d’une convention de divorce. Dans ce cas, la première chambre civile a soutenu la décision du fait des caractères indissociables du prononcé du divorce et de l’homologation de la convention. Que cela concerne ou non le partage de l’ensemble des biens des époux, il n’y aura pas de remise en cause hors des cas limitativement prévus par la loi.
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Reprenons. Dans le domaine du droit des sociétés, en janvier 1997, l’arrêt de la haute juridiction estimait encore que dans le cadre d’une opération de retrait de l’associé d’une société, aucune rescision pour lésion ne pouvait être invoquée.
En général, la lésion ne peut entraîner la nullité d’un contrat. Mais comme tout principe souffre d’exception, il se peut que quelques cas y dérogent. Cela part d’ailleurs de l’idéologie libérale en matière du droit des obligations.
Cette dernière mise surtout sur l’efficacité économique et non sur la protection du contractant. En outre, l’erreur sur la valeur réelle d’une prestation ne figure pas non plus dans les causes de nullité relative ou absolue du contrat. Cela s’explique par le fait que c’est au moment de la formation dudit contrat que survient le déséquilibre.
Enfin, on peut aussi constater que le principe d’indifférence de la lésion se rapproche de l’article 1137 du Code civil. Ce dernier précise que le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur d’une prestation ne constitue pas pour autant un dol. Il n’y a pas une obligation d’information pour le contractant qui bénéficie de la bonne affaire.
Après avoir vu cette notion concernant le principe d’indifférence, poursuivons sur les différentes exceptions liées à la lésion dans le droit des obligations.
Qu’en est-il des exceptions liées à la lésion en droit des obligations ?
Avant d’entrer en détail dans les exceptions, il est impératif de parler de la justification de l’absence de sanction de la lésion. En effet, ces deux notions sont interdépendantes.
Quid de la justification de l’absence de sanction de la lésion ?
En droit français, il existe deux raisons principales qui justifient l’absence de sanction de la lésion. La première consiste en la théorie de l’autonomie de la volonté. En droit commun, s’il y a bien consentement des parties et que celui-ci n’est pas vicié, alors que l’on constate un déséquilibre au moment de la formation du contrat, on sous-entend que cela a été voulu.
Les parties ont bien effectivement contracté en toute connaissance de cause et les prestations sont présumées irréfragablement équivalentes. Il est tout à fait logique que si les parties constataient un déséquilibre, elles n’aient pas procédé à la conclusion du contrat en question. En outre, la deuxième raison concerne l’impératif de sécurité juridique des relations.
Pour qu’il n’y ait pas de remise en cause à tout va des conventions par les parties, il s’avère important de lier ces dernières. Cela doit se faire sans la possibilité pour elle de s’y soustraire en invoquant un déséquilibre des prestations. Par conséquent, il vaut mieux ne pas sanctionner la lésion pour ne pas porter atteinte à la sécurité juridique.
Tout savoir sur les exceptions pour lésion en droit des obligations
On trouve deux principales exceptions liées au principe d’absence de sanction de la lésion. Premièrement, les exceptions explicites et ensuite, les exceptions implicites.
Les exceptions explicites
Même si l’article 1168 du Code civil mentionne un principe d’indifférence de la lésion, en droit français, il existe une limite par laquelle la loi en dispose autrement. En effet, plusieurs textes envisagent bien la lésion comme une des causes de la nullité d’un contrat.
- Cela touche tout d’abord, les actes accomplis par un mineur non émancipé :
Conformément à l’article 1149 du Code civil, les actes courants accomplis par le mineur deviennent nuls pour simple lésion. Cependant, la nullité ne sera pas prise en compte si la lésion concerne un évènement imprévisible.
- Ensuite, on trouve les actes accomplis par un majeur incapable :
Suivant l’article 435, dans son alinéa 2, les actes que la personne incapable a passés ainsi que les engagements qu’elle a contractés sont rescindés pour simple lésion ou réduits en cas d’excès. D’après l’article 414-1, ils pourraient être également annulés. En effet, la loi a pris soin de protéger l’individu incapable.
Ainsi, les tribunaux veillent à ce que l’opération soit utile ou non. Ils déterminent également la valeur du patrimoine du sujet incapable. Et enfin, ils vérifient également si la personne qui a contracté avec le majeur incapable est de bonne ou de mauvaise foi.
Quant au contrat fait par un individu qui fait l’objet d’un mandat de protection futur, il sera également susceptible d’être rescindé pour simple lésion ou même annulé suivant l’article 488.
- Concernant l’action en complément dans le domaine de la succession :
Elle est prévue à l’article 889. Si l’un des copartageants invoque une lésion de plus du quart, le complément de sa part d’héritage est fourni au choix du défendeur. Il peut s’agir d’un paiement en numéraire ou en nature. Afin de prouver qu’il y a bien eu un déséquilibre, on procède à l’estimation des objets à l’époque du partage. Ainsi, on déterminera la valeur de chaque bien.
- La cession des droits d’auteurs stipulés à l’article 135-1 du code la propriété intellectuelle fait également partie des exceptions explicites de la lésion.
- Dans le cadre d’une vente d’immeuble :
Si le vendeur constate qu’il a été lésé de plus de sept douzièmes par rapport au prix de l’immeuble, il peut demander en justice l’annulation de la vente. Cela est prévu à l’article 1674 qui stipule que « si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix de l’immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision, et qu’il aurait déclaré donner la plus-value ».
Pour mieux analyser cette situation, nous allons prendre un exemple. Supposons que la valeur réelle du bien à vendre est de 200 000 €.
Pour autant, dans le contrat de vente, le prix de vente mentionné est de 80.000 €. Dans ce cas, le vendeur doit et a le droit de demander la rescision de la vente. En effet, le montant à payer est inférieur aux sept douzièmes du prix qui est de 83.000 €.
Les exceptions implicites
En principe, la lésion n’est pas sanctionnée quand elle affecte un acte juridique. Toutefois, quelques exceptions peuvent contourner cette règle, à l’instar de certaines dispositions du droit commun des contrats.
- La prohibition des clauses léonines prévues par l’article 1844 du Code civil :
Les clauses principalement concernées sont en premier lieu, celles qui mettraient à la charge d’un associé la totalité des pertes. En second lieu, on trouve celles qui attribueraient à un seul associé la totalité des bénéfices de la société. Enfin, les clauses qui ont pour but d’exclure un associé du partage des bénéfices restent également prohibées. Dans tous les cas, la lésion constituera toujours une cause de nullité.
- L’exigence d’une contrepartie dérisoire ou non illusoire :
Cela concerne notamment les engagements pris par les parties. Ils sont tenus d’être assortis d’une contrepartie dérisoire ou non illusoire. En effet, il peut arriver que l’une des parties s’engage sans contrepartie à l’obligation souscrite et que cela entraine un déséquilibre.
- Les exceptions implicites prennent également en considération l’erreur sur la valeur provoquée par un dol.
Comme le prévoit l’article 1139 du Code civil, si l’erreur sur la valeur provoquée par un dol reste toujours indifférente, elle deviendra une cause de nullité.
Quelle est la sanction de la lésion dans le droit des obligations ?
Une fois que la lésion est admise, elle entraine deux types de sanctions que nous allons voir tour à tour dans cette dernière partie. Dans un premier temps, il convient d’étudier la rescision du contrat.
Par définition, la rescision se voit comme la résolution prononcée par un tribunal pour cause d’invalidité. Cela se fait lorsqu’au moment de son engagement, le signataire d’un contrat a été frappé d’incapacité.
En matière de lésion, la rescision a les mêmes effets que ceux de la nullité rétroactive. Ainsi, le contrat en question est anéanti rétroactivement. Par ailleurs, il est à préciser que l’action en rescision appartient seulement à la partie lésée. Elle ne remet pas en cause le droit de propriété de l’acquéreur par elle-même.
Pour ce qui est de la révision du contrat, il se peut dans certains cas que le juge maintienne le contrat. Ainsi, il a la possibilité de faire un rééquilibrage. Par exemple, dans le cadre d’une vente d’un immeuble, il procèdera à une réduction du prix.