Tout en étant un droit absolu, exclusif et perpétuel, le droit de propriété dont la jouissance doit être exempte de tout abus, comporte des limites quant à ses caractères et ses composantes. Les limites du droit de propriété sont liées aux textes légaux, règlementaires et contractuels ainsi qu’à l’utilité publique auxquels le droit de propriété est soumis.
Nul n’est sans savoir que la propriété est un droit sacré. Aux termes de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la propriété est catégorisée dans la catégorie des « droits naturels et imprescriptibles ».
Néanmoins, le Code civil lui concède une certaine limite. En effet, l’article 544 du Code civil détaille les composantes de la propriété ainsi que son caractère absolu, mais annonce également les limites du droit de propriété. Ces composantes sont les droits de jouir et disposer du bien qui sont encadrés par les lois ; ainsi que par les règlements et les limites du droit de propriété sur les biens. Le présent article abordera ces points de manière successive.
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Quelles sont les limites du droit de propriété avec ses composantes ?
Les limites aux composantes de la propriété font partie intégrante des limites du droit de propriété.
Ces composantes sont les suivantes :
- L’usus ou le droit d’user de la chose, de l’utiliser et de s’en servir
- Le fructus ou droit de jouir de la chose
- L’abusus ou droit de disposer de la chose
Les limites du droit de propriété se rapportent alors à des restrictions concernant les droits d’user de la chose, le droit de jouir de la chose et le droit de disposer de la chose.
Les limites du droit de propriété liées à l’usus et au fructus
Le droit d’user et le droit de jouir du bien sont restreints dans le cas du démembrement du droit de propriété. Il s’agit alors de la situation où le droit de propriété est démembré. Ainsi, deux types de personnes partagent distinctement les trois (03) attributs du droit de propriété. Ce sont l’usufruitier et le nu-propriétaire.
Le premier (l’usufrutier), comme son nom l’indique, dispose de l’usus et du fructus. Il s’agit par exemple, d’une personne, sans posséder l’abusus sur une maison, mais qui l’habite et l’exploite, sans avoir pour autant le pouvoir de l’aliéner.
Le second (le nu-propriétaire), sans être titulaire de l’usus, ni du fructus, a juste l’abusus (le droit de disposer de la chose). Ainsi, sans y habiter, sans avoir le droit de l’exploiter, ni d’y faire quoi que ce soit, le nu-propriétaire dispose tout de même du droit de vendre la maison.
S’y ajoutant, la jurisprudence admet l’exploitation de l’image d’un bien d’un propriétaire par une tierce personne si cela ne lui occasionne aucun trouble anormal. (Assemblée plénière de la Cour de Cassation, 7 mai 2004, n° 02-10.450).
Les limites du droit de propriété avec le droit de disposer du bien ou l’abusus
Les limites du droit de propriété que nous allons voir se rapportent au droit de céder le bien et au droit de conserver le bien.
Limites du droit de céder la chose
La clause d’inaliénabilité et les limites du droit de propriété
Le droit de disposer de la chose peut être restreint par un contrat ou une convention (découvrez aussi ce qu’est un contrat consensuel juste ici). En effet, à travers l’introduction de la clause d’inaliénabilité dans une convention entre deux parties, on peut apporter des limitations au droit de propriété sur une chose. Par l’intermédiaire de cette clause, toute cession d’une chose sera prohibée. Une telle clause n’a pas vocation à durée d’une manière indéterminée.
Après l’insertion de cette clause d’inaliénabilité, le maître du bien, devenu un simple usufruitier, ne disposera que de l’usus (le droit d’usage de la chose) et du fructus (le droit de jouissance de la chose). Il lui sera ainsi interdit de la vendre. C’est le cas notamment d’une chose à laquelle est grevé un droit d’usufruit.
Tel est également le cas d’un héritier auquel on a imposé la clause d’inaliénabilité par voie testamentaire. Il en est de même pour le bénéficiaire d’un don si le donateur a inclus celle-ci dans la convention de donation. En plus de ces actes, il est également possible d’insérer la clause d’inaliénabilité dans les actes onéreux. (1ère Chambre Civile de la Cour des Cassations, 31 octobre 2007, n° 05-14.238)
Les conditions de validité de la clause d’inaliénabilité et les limites du droit de propriété
L’article 900-1 du Code civil impose deux conditions relatives à cette clause à savoir :
- Le caractère temporaire et,
- L’intérêt sérieux et légitime
En effet, l’article 900-1 du Code civil dispose que « les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué » ne sont valables que lorsqu’elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux ainsi que légitime. Même dans ce cas bien précis, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien dans la mesure où l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou alors s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige.
Limites du droit de conserver un bien
Ces limites du droit de conserver une chose prennent plusieurs formes d’obligation comme l’obligation de détruire ou de céder le bien.
Tel est également le cas pour les expropriations pour cause d’utilité publique, les réquisitions faites par une autorité administrative ou militaire, de la cession d’un bien suite à la confiscation et la nationalisation, etc. Ce sont des limites du droit de propriété, quant à sa conservation.
Certes rare, mais pas impossible, il existe des cas où la loi impose au propriétaire la destruction de son bien. Ainsi, la loi du 21 juin 1898 oblige la démolition des bâtiments menaçant ruine. Il s’agit ainsi de la destruction forcée du bien.
Voir aussi : Quelles sont les causes de l’extinction de l’usufruit ? Nous vous expliquons sur ce cours les règles de droit stipulé par l’article 544 du Code civil.
Quelles sont les limites du droit de propriété liées aux caractères de la propriété ?
Les attributs de la propriété sont les suivants :
- le caractère absolu de la propriété qui consiste en la possibilité pour son titulaire d’entreprendre toutes les opérations réalisables sur le bien
- le caractère exclusif de la propriété qui signifie que tous les droits sur la chose appartiennent à son propriétaire ; et
- le caractère perpétuel de la propriété qui situe le droit dans une infinité temporelle
- Les limites se rapportant à ces caractères de la propriété font partie intégrante des limites du droit de propriété.
Il s’agit alors des limites relatives à des restrictions au caractère absolu de la propriété, au caractère exclusif de la propriété ainsi qu’au caractère perpétuel de la propriété.
Les limites au caractère absolu de la propriété
L’intérêt de la collectivité et même l’intérêt général sont les principales limites au caractère absolu de la propriété, une des limites du droit de propriété. Cela renvoie à une hiérarchisation des intérêts privés et de l’intérêt général, rendant ainsi les premiers assez relatifs (et non plus absolus) face à l’intérêt général. Certains auteurs viennent même à conclure à une certaine forme de socialisation du droit de propriété.
Ces limitations au droit de propriété des particuliers sont :
- l’utilité publique
- les lois et règlements qui organisent la vie collective
Dans cette perspective, il est permis à l’État d’obliger un particulier à lui céder sa propriété immobilière par la voie de l’expropriation pour cause d’utilité publique, et ce, en contrepartie d’une indemnisation qui couvre l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par cette opération.
En effet, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 inclus dans la Constitution française, aux termes de son article premier XVII que : « la propriété étant un droit inviolable et sacré »., En effet, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. La même chose est possible dans le cadre de la nationalisation.
En ce qui concerne les lois et règlements limitant le droit de propriété, à titre illustratif, le caractère obligatoire de la demande d’un permis de construire avant de construire sur son terrain limite le droit de jouir du bien (le fructus). En revanche, cela est nécessaire afin de respecter les règles de l’urbanisme.
Les limites du droit de propriété en lien avec le caractère exclusif de la propriété
Les régimes de la propriété collective sont les limites au caractère exclusif de la propriété, à savoir : l’indivision, la copropriété, la servitude, démembrement de la propriété et la mitoyenneté. Dans le cadre de ces régimes juridiques de propriété, un bien peut avoir plusieurs propriétaires. En effet, le temps où un bien à un seul maître est bel et bien révolu.
Pour le cas du régime d’indivision, plusieurs personnes sont titulaires du droit de propriété dans son ensemble (usus, fructus et abusus) sur un bien, mais à la hauteur de quotes-parts différentes selon l’apport de chaque personne. Selon l’organisation juridictionnelle française, il s’agit d’une situation juridique dans laquelle plusieurs personnes appelées indivisaires ou co-indivisaires exercent un droit de propriété sur un même bien meuble ou immeuble. À cet effet, ils jouissent ensemble des mêmes droits et endossent les mêmes responsabilités.
À la différence de l’indivision où la quote-part est une fraction du bien qui n’est ni matériellement désignée ou identifiée, ni individualisée ; en ce qui concerne la copropriété, chaque propriétaire dispose d’un droit exclusif sur une partie distincte du bien. C’est l’exemple d’un immeuble où chaque copropriétaire possède distinctement un étage chacun.
Pour ce qui est de la mitoyenneté, il s’agit d’une forme de copropriété relative aux deux moitiés du sol et du mur. C’est une situation dans laquelle les deux voisins ont des droits égaux et réciproques sur ces derniers.
Le démembrement de la propriété expliqué supra est également une des limites du droit de propriété, quant à son caractère exclusif.
Enfin, les servitudes dites « servitudes foncières » sont des charges auxquelles est assujetti un immeuble appelé fonds servant pour le service d’un immeuble voisin appelé fonds dominant qui appartient à un autre propriétaire.
C’est le cas, par exemple, d’une servitude de passage où « le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante » soit pour une exploitation agricole, ou industrielle ou encore commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation des opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur tous les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge bien sûr d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. » (Article 682 du Code civil).
Les limites au caractère perpétuel de la propriété
Mises à part ces restrictions aux caractères absolu et exclusif du droit de propriété, il a également été constaté des limites du droit de propriété, quant à son caractère perpétuel.
En effet, la prescription acquisitive permet de mettre fin à la possession d’une chose par son propriétaire jugé défaillant quant à l’exercice de ses droits sur la chose. Dans ce cas de figure, une autre personne ayant exercé les privilèges du maître du bien à sa place deviendra le nouveau propriétaire.
De ce qui précède, force est de constater que le droit de propriété est devenu un droit relatif.
Les limites du droit de propriété : Quelles sont les restrictions générales au droit de propriété ?
Ces restrictions sont principalement l’abus de droit de propriété et les inconvénients anormaux de voisinage qui répondent à l’adage juridique : « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ». Mutatis mutandis, malgré le caractère sacré de principe du droit de propriété, celui-ci s’arrête quand ceux des autres commencent.
L’abus de droit
Il s’agit d’une création jurisprudentielle contribuant aux limites du droit de propriété. L’abus consiste à un usage du propriétaire de son droit de propriété afin de nuire à son voisin. C’est le cas du propriétaire qui, dans le but exclusif de cacher la lumière à son voisin, construit sur son toit une fausse cheminée.
Le critère d’identification d’une telle action est l’absence d’utilité de l’acte pour le propriétaire.
On différencie deux types d’abus du droit de propriété : l’abus de droit avec intention malveillante et l’abus de droit sans intention malveillante. Dans tous les cas, en présence d’une faute intentionnelle ou non, ces derniers sont assortis d’une sanction consistant à la réparation pécuniaire au bénéfice de la victime, mais également en un rétablissement des faits (démolition de la construction constituant l’abus) ou en la cessation de l’abus.
Les troubles anormaux de voisinage
Les troubles normaux du voisinage sont des inconvénients qui malheureusement font partie de la vie en société. Tout ce qui ressort de ces troubles anormaux sont assortis de dommages et intérêts aux victimes, et ce même en l’absence de faute. (3ème chambre civile de la Cour de Cassation, 4 février 1971).
Ainsi, sont considérés comme des troubles anormaux du voisinage, tous les troubles résultant d’une activité lucrative advenue ultérieurement à l’installation du voisin, ainsi que les activités causant des conséquences qui excèdent les inconvénients normaux.
Exemple de troubles anormaux du voisinage : les fumées d’usine, les odeurs malsaines d’une exploitation agricole, les poussières de chantiers, les bruits excessifs provenant d’un appartement, etc. Les limites du droit de propriété liées au trouble du voisinage concernent ici directement les comportements des propriétaires.
Les limites du droit de propriété légales et règlementaires
Le régime de la propriété est uniquement fixé par le législateur afin de garantir tous les droits de propriété en soi, ainsi que ceux de son titulaire. (Article 34 de la Constitution).
Les limites du droit de propriété ont été prévues par le législateur et l’exécutif dans les textes juridiques. L’article 544 du Code civil les autorise en énonçant que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage qui est prohibé par les lois ou par les règlements ».
Ainsi, plusieurs textes juridiques peuvent restreindre ce droit de propriété comme par exemple les normes sur l’urbanisme et la construction, l’environnement (ex : interdiction d’exploiter certaines cultures), le bail (dans le but de protéger les locataires), etc.
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