En matière prud’homale, l’employeur a une obligation de sécurité de résultat. En effet, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour prévenir les dangers du travail tels que les accidents et maladies professionnelles. En cas de non respect de cette obligation de résultat, on peut dire que l’employeur a commis une faute spéciale appelée « faute inexcusable » laquelle bénéficie d’un régime particulier.
La définition de la faute inexcusable
La faute inexcusable est le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat. Selon l’article L 452-1 du Code de la sécurité sociale, la faute inexcusable est celle commise lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris des mesures nécessaires pour le protéger. En effet, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat basée en vertu du contrat de travail. La faute inexcusable est ainsi une faute contractuelle rattachée au contrat du travail selon la Cour de cassation.
Par exemple, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger les employées des maladies professionnelles contractées au travail, ou des accidents de travail.
L’employeur a l’obligation d’avoir conscience du danger et de prendre les mesures nécessaires. La faute peut s’agir d’inaction, d’imprudence ou de négligence de la part de l’employeur. Le juge peut même considérer comme faute inexcusable la tolérance de certaines pratiques jugées dangereuses. Pour reconnaître la faute inexcusable, la victime et son employeur peuvent conclure un accord amiable ou aller devant la juridiction de Sécurité sociale.
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Les critères de la faute inexcusable
Toute faute n’est pas une faute inexcusable. Il y a des critères pour qualifier un comportement de faute inexcusable. Ces critères doivent être prouvés par le salarié, victime.
La conscience du danger et l’absence de mesure pour préserver les salariés
En principe, d’un côté, l’employeur doit avoir conscience des dangers auxquels les salariés peuvent être exposés. On peut citer comme exemple, la violation des règles de sécurité, prévues par le Code du travail tel que l’omission de l’employeur d’inscrire le salarié sur le document unique d’évaluation des risques professionnels. D’autre part, l’employeur aurait dû prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des salariés. Il aurait pu par exemple, dispenser des formations et des matériels indispensables.
L’exception : la présomption de la faute inexcusable
Malgré l’existence des critères faisant office de principe, il est possible de présumer la faute inexcusable. En effet, la faute est présumée inexcusable lorsque l’intérim et le CDD ont subi des accidents de travail alors qu’ils n’ont pas reçu de formation.
La faute est également présumée en présence de signalements de danger faits par le salarié lui-même ou par un comité d’hygiène et de sécurité et conditions de travail, avant la survenance de l’accident et auxquels il n’a pas pris en compte (art. L. 4131-4 du Code du travail).
L’action en reconnaissance d’une faute inexcusable
L’action en reconnaissance d’une faute inexcusable est intentée devant les juridictions civiles. Cette action pour faire reconnaître la faute est nécessaire à la victime pour obtenir une majoration de sa rente et l’indemnisation de ses préjudices.
Le délai de prescription de l’action
Il faut noter que comme toute action en justice, l’action en reconnaissance de faute inexcusable est soumise à un délai de prescription de deux ans. Le point de départ de cette prescription dépend de la nature des préjudices. S’il s’agit d’un accident de travail, le délai court à partir du jour de l’accident ou de la cessation de paiement de l’indemnité journalière.
S’il s’agit d’une maladie professionnelle, la prescription court à partir de la première constatation de la maladie par le médecin traitant. Ce délai est susceptible d’être interrompu par l’action pénale, par l’action en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ou de l’accident ou par la saisine de la caisse de sécurité sociale dont dépend la victime.
La procédure de reconnaissance devant le tribunal
L’étape de la saisine de la sécurité sociale par lettre recommandée est une étape nécessaire. C’est également le cas de la conciliation. Si la tentative est infructueuse, la victime est invitée à saisir le pôle social du Tribunal judiciaire (ancien tribunal de première instance). Le tribunal vérifie le caractère inexcusable de la faute. Ensuite, il ordonne une expertise médicale par un jugement avant dire droit. Enfin, il condamnera l’employeur à des dommages et intérêts.
Il faut remarquer qu’en cas de licenciement en raison d’une inaptitude causée par une maladie professionnelle suite à une faute inexcusable, c’est la juridiction prud’homale qui est compétente. En effet, les juridictions prud’homales sont les seules compétentes pour la réparation des préjudices suite à un licenciement.
Les préjudices causés par la faute inexcusable
Pour qu’il y ait cas de faute inexcusable et que la demande d’indemnisation aboutisse, des préjudices doivent être constatés et vérifiés. L’article 452-3 du Code de la Sécurité Sociale prévoit l’indemnisation des souffrances physiques et morales, des préjudices d’agrément, la perte de chance de promotion professionnelle, le préjudice esthétique.
Toutefois, certains préjudices ne peuvent être indemnisés devant la juridiction de sécurité sociale comme en matière d’accident de droit commun. À titre d’illustration, on peut citer, la perte de revenu après la consolidation, le déficit fonctionnel permanent, le besoin d’une assistance d’une tierce personne durant la maladie, l’incidence professionnelle (retard de carrière), l’arrêt de travail. Selon le Conseil Constitutionnel, ce sont les juridictions de sécurité sociale qui vérifient au cas par cas les préjudices.
La faute de l’employeur, nécessaire pour engager sa responsabilité
Selon l’Assemblée plénière de la Cour de cassation (24 juin 2005), la faute de l’employeur n’a pas à être la cause prépondérante du préjudice. En présence de concours de fautes, il suffit que la faute ait contribué à la réalisation du risque sans être sa cause prépondérante.
En outre, peu importe les fautes de la victime ou d’un tiers, la faute de l’employeur ne peut être exonérée dès lors que cette faute a été une cause « nécessaire » de l’accident ou de la maladie.
L’indemnisation de la victime
L’indemnisation de la victime consiste en une indemnisation complémentaire. Cette dernière est composée de la majoration de rente ou de capital et de dommages et intérêts. En fait, l’article 452-2 du Code de la Sécurité Sociale prévoit la majoration de la rente ou du capital versé à la victime. Plus le taux d’incapacité fixé par la caisse de sécurité sociale est élevé, plus, la rente ou le capital est majoré.
Les dommages et intérêts sont sous la forme de rente ou de capital. Si le taux d’incapacité est supérieur à 10 % alors, ils sont obligatoirement sous forme de rente. Elle est en principe, versée à la victime. Toutefois, dans le cas où la victime décèderait, elle est perçue par les ayants droit.
La qualification de faute inexcusable, écartée
La qualification de faute inexcusable est écartée si l’employeur peut démontrer qu’il n’y a pas eu d’accident ni de maladie (présence de témoins). Il peut également démontrer les mesures nécessaires qu’il a déjà prises.