Lorsque l’on évoque le fait du prince, on pense à un acte arbitraire émanant de l’administration et auquel les particuliers doivent se soumettre.
Dans le droit des contrats publics, c’est-à-dire lorsqu’un contrat est conclu entre l’administration et un particulier, la théorie du fait du prince consiste en des mesures prises par l’administration et qui ont pour effet d’augmenter les obligations contractuelles de l’autre partie contractante.
Ces mesures vont donc rendre plus difficile et plus onéreuse l’exécution des obligations par le cocontractant.
Dans ce cas-ci, l’aléa administratif va donc limiter la force obligatoire du contrat.
Il faut savoir que même si l’administration bénéficie de certaines prérogatives, l’autre partie au contrat jouit aussi d’un droit à l’équilibre financier du contrat tel que le droit au paiement du prix pour les prestations rendues.
Il faut savoir que le fait du prince n’existe pas qu’en droit administratif, on peut aussi le retrouver en droit privé.
Si en droit administratif, le fait du prince n’est applicable que dans des conditions assez restrictives, en droit privé en revanche, ce n’est pas forcément le cas.
Pour la Cour de cassation, le fait du prince est « libératoire lorsqu’il constitue un obstacle insurmontable à l’exécution de l’obligation d’une obligation », à titre de cause étrangère, et lorsqu’aucune faute du débiteur n’est intervenue dans la genèse de circonstance qui a réalisé cet obstacle.
Afin de mieux comprendre le fait du prince, nous allons d’abord voir de quoi il s’agit en droit administratif, puis dans une seconde partie, son application en droit privé.
Le fait du prince : Définition SIMPLE en droit administratif
Nous allons voir dans quelles conditions la théorie du fait du prince est applicable et quelles sont les conséquences de cette théorie.
Quelles sont les conditions d’application de la théorie du fait du prince ?
Les conditions d’application de la théorie du fait de prince sont assez strictes. Tout d’abord, il y a l’exigence d’un préjudice, puis les conditions relatives à l’administration ainsi qu’à l’origine des mesures et enfin les mesures constitutives du fait du prince.
L’existence d’un préjudice
Pour pouvoir bénéficier de l’application de la théorie du fait du prince, il faut tout d’abord un préjudice. En d’autres termes, il faut que les mesures prises par l’administration rendent plus difficile ou onéreuse l’exécution du contrat.
Deuxièmement, il faut que les préjudices aient été imprévisibles au moment où le contrat a été conclu.
La qualité de l’auteur des mesures constituant le fait du prince
À l’origine, la jurisprudence a admis que toutes les interventions de la puissance publique sont constitutives de la théorie du fait du prince. Ainsi, même si l’administration était étrangère au contrat, on admettait qu’il y a fait du prince si l’intervention de l’administration pouvait avoir des effets dans les relations contractuelles.
D’ailleurs, le Conseil d’État avait fait l’objet de nombreuses demandes d’indemnisation en provenance de personnes publiques extérieures au contrat. Cette conception semble être trop extensive de la notion du fait du prince aujourd’hui.
En effet, la jurisprudence a évolué de nos jours et il a été retenu que l’on peut reconnaître le fait du prince que lorsque les mesures ont été édictées par l’administration cocontractante. Ainsi, une mesure prise par une administration ne faisant pas partie du contrat n’est pas constitutive du fait du prince.
Mais là encore, il convient de faire une distinction entre l’administration qui a agi en exerçant les pouvoirs qui lui ont été conférés (le pouvoir de direction et de contrôle de son cocontractant, de modification unilatérale du contrat, le pouvoir de sanction et de résiliation unilatérale) par la théorie des contrats administratifs ; De celle qui a agi en dehors du cadre des pouvoirs précités, en utilisant des pouvoirs extracontractuels, mais qui ont des impacts sur le contrat.
En effet, c’est dans ce deuxième cas, c’est-à-dire lorsque l’autorité publique contractante a agi avec un autre titre que celui de partie contractante que l’on peut parler de fait du prince.
Exemple : Dans un arrêt du Conseil d’État du 28 avril 1939, il a été décidé qu’un prélèvement de 10 % sur toutes les dépenses publiques instituées par un texte à valeur législative et appliqué à un concessionnaire d’un service public constitue un fait du prince.
En d’autres termes, si l’administration use de ses pouvoirs de contrôle, de modification, de résiliation unilatérale d’un contrat, il ne peut y avoir de fait du prince puisque cela relève d’une prérogative normale de l’administration (CE 20 octobre 1971 Compagnie du chemin de fer de Bayonne à Biarritz).
À noter : selon le Conseil d’État, les modifications règlementaires prises par l’État dans des conditions de passation des marchés des travaux d’économies d’énergies et dans un contexte de modalités de prêts ; tous les avantages fiscaux ainsi que les avantages financiers consentis aux particuliers ne constituent pas un fait du prince.
Les mesures qui constituent la théorie du fait du prince
Nous avons vu précédemment que c’est seulement dans les cas où l’administration agit à titre contractuel, que le fait du prince est reconnu. Mais qu’en est-il de la nature des mesures prises ? (Les mesures en question peuvent être un décret, un règlement ou une loi).
La jurisprudence se base sur les éléments suivants pour apprécier l’application de la théorie du fait du prince :
- Dans le cas où une mesure porte atteinte directement aux dispositions contractuelles et donc à l’exécution du contrat. Il s’agit ici d’un acte particulier.
- Il pourrait aussi s’agir d’une mesure générale qui porte atteinte indirectement au contrat.
Ici, on parle d’une atteinte substantielle dont il appartient toujours au juge d’apprécier, au vu des éléments, s’il y avait lieu à une indemnisation totale. Dans le cas contraire, le juge applique éventuellement la théorie de l’imprévision.
En résumé, les conditions d’application de la théorie du fait du prince sont :
- Il faut que les mesures proviennent de l’administration contractante
- Il faut en second lieu que les préjudices qui sont engendrés soient imprévisibles au moment de la conclusion du contrat (CE, 19 novembre 1909).
- Il faut que les mesures en question affectent les dispositions du contrat dans l’une de ses composantes essentielles.
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Quelles sont les conséquences de la théorie du fait du prince ?
Si les conditions relatives aux préjudices, à l’auteur et des mesures prises par l’administration qui constituent un empêchement sont remplies, la théorie du fait du prince est constituée.
En conséquence, la partie contractante, c’est-à-dire l’administration, a l’obligation d’indemniser intégralement l’autre partie afin de restaurer l’équilibre financier. Le cocontractant va donc être dédommagé pour les dépenses engagées ainsi que pour les dépenses provoquées par le fait du prince (arrêt du 25 janvier 1963, Société des Alcools du Vexin).
Concernant l’évaluation de l’indemnité, pour le cas des impôts spéciaux établis en cours d’exécution du contrat par exemple, l’indemnisation constitue un remboursement des droits perçus.
C’est ce qui la différencie de l’imprévision où l’autre partie n’a droit qu’à une indemnisation partielle. La théorie de l’imprévision est conditionnée par deux éléments : évènement imprévisible et étranger à la volonté des parties.
Cette indemnisation intégrale ne se justifie pas la commission d’une faute à réparer, mais par le fait qu’il soit devenu plus difficile, voire beaucoup plus onéreux, pour le cocontractant d’exécuter le contrat à cause des mesures prises par l’administration.
C’est pourquoi le cocontractant est en droit de percevoir une indemnisation intégrale pour les charges supplémentaires.
Le fait du prince en droit privé
En droit privé, le fait du prince consiste en un évènement causé par une décision prise par l’autorité publique et qui a un caractère de force majeure. Le fait du prince présente donc les trois caractéristiques de la force majeure à savoir : l’extériorité, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité.
La théorie du fait du prince a donc comme conséquence, dans le cas où le débiteur ne pourrait pas exécuter son obligation, de ne pas engager la responsabilité de ce dernier.
Empêchement définitif : La dissolution du contrat
Le fait du prince entraine la dissolution du contrat lorsqu’il constitue un obstacle définitif à l’exécution du contrat. Dans ce cas-là, une décision du juge n’est pas nécessaire, la dissolution est de plein droit.
Ici, la dissolution du contrat n’a pas d’effet rétroactif. Mais, il peut tout de même y avoir une restitution en cas d’exécution partielle.
Néanmoins, si elle n’affecte le contrat que sur une portion des obligations de l’une des parties, l’autre partie peut demander le maintien du contrat en adaptant celui-ci ou demander la dissolution.
Il faut savoir que la dissolution n’est pas d’ordre public. Cela signifie que les parties peuvent convenir d’une clause pour aménager les effets de l’empêchement.
Empêchement temporaire : Une suspension du contrat
Lorsque le fait du prince cause un empêchement temporaire, cela provoque une suspension du contrat.
Dans le cadre d’un contrat de travail par exemple, une décision de l’autorité publique provoque une impossibilité pour l’employeur de poursuivre l’exécution du contrat, tout du moins l’exécution normale des contrats de travail avec ses salariés.
Dans l’attente de la fin de l’empêchement qui constitue le fait du prince, il peut procéder à un lock-out, c’est-à-dire à la fermeture temporaire de l’entreprise.
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