Qu’est-ce que l’effet relatif des contrats ?

Effet relatif des contrats

Quand on évoque la notion d’effet relatif des contrats, on fait recours à un principe qui sous-entend que seule la personne qui s’engage dans un lien contractuel est tenue par celui-ci. Les personnes extérieures qui n’ont pas contracté ne doivent pas répondre ni subir les effets du contrat.

En réalité, un autre principe sacro-saint en droit des contrats est que chaque personne a le choix d’opter pour un lien contractuel c’est-à-dire de contracter ou de ne pas le faire. C’est ce qui est désigné sous le terme : Liberté contractuelle. Or, dès que les personnes s’entendent et rentrent dans une relation contractuelle, il devient impératif pour elles de respecter chaque obligation qui résulte d’un contrat.

En droit des obligations, on parle alors d’effet absolu de la relation contractuelle pour ceux qui l’ont formé. Une question peut se poser par rapport aux effets du contrat envers des personnes étrangères qui ne sont ni parties ni représentants dans la relation.

En cette matière, le Code civil a prévu, en son nouvel article 1199, plusieurs variantes par rapport à un tiers au contrat. Mais, quels que soient les cas, le législateur a choisi l’effet relatif des contrats à l’égard des tierces personnes.

Notre rôle à travers ce développement consiste à présenter l’effet relatif des contrats en droit français. Pour ce faire, nous allons procéder par une approche en deux parties. Dans un premier temps, nous allons effectuer une présentation générale du principe de l’effet relatif des contrats. Dans une seconde partie, notre tâche consistera à exposer l’application du principe de l’effet relatif des contrats en contrastant le principe à ses exceptions.

Présentation générale du principe de l’effet relatif des contrats

Explication du principe de l’effet relatif des contrats

Par l’effet relatif des contrats, il faut comprendre que c’est seulement ceux qui sont liés par les liens contractuels qui bénéficient des avantages et subissent les contraintes du contrat. Les tierces personnes qui y sont extérieures ne doivent pas être engagées dans le contrat ni dans ses conséquences.

Cette notion concerne essentiellement le droit privé. En effet, en droit administratif par exemple, il est possible qu’un contrat ait des répercussions sur des tiers.

Pour mieux comprendre le principe de l’effet relatif des contrats, il est important de donner l’explication à certains termes et notions propres au Droit des contrats et qui seront utilisés tout le long de ce développement.

Clarification terminologique

Qu’est-ce qu’un tiers au contrat ?

Il s’agit d’une personne qui n’a aucun intérêt dans un contrat conclu entre d’autres personnes. De façon plus claire, il n’est ni un débiteur dans le contrat ni un créancier : il est totalement étranger au contrat conclu par ces derniers. Toutefois, il est important de mentionner qu’en tant que tel, il peut être bénéficiaire des retombées du contrat. Dans ce cas, on lui donne le nom de tiers bénéficiaire.

Qui sont les parties au contrat ?

Contrairement aux tiers, il s’agit ici des personnes qui ont conclu un contrat. Autrement dit, c’est soit le débiteur ou soit le créancier dans le contrat. Ils ont tous des obligations contractuelles et sont tenus de l’exécution du contrat telle que chacun d’eux l’avait voulu. Si l’un d’eux faillit à faire ce qu’il devait, sa responsabilité contractuelle peut être impliquée par son cocontractant. Rappelons que le fondement de la responsabilité contractuelle est clairement mentionné dans l’ancien article 1134 du Code civil.

Quand dit-on que les contrats sont opposables aux tiers ?

Parler d’opposabilité du contrat, c’est parler de la valeur d’un contrat envers les tiers. Même si les tiers ne sont pas parties au contrat, ils doivent reconnaître que celui-ci est valide entre les parties et valable à leur égard. Ils peuvent se prévaloir d’ailleurs du contrat vis-à-vis des contractants.

Application du principe de l’effet relatif des contrats

Le principe de l’effet relatif des contrats

Énoncé de l’article 1199

En posant le principe de l’effet relatif des contrats, l’article 1199 met l’accent sur la force obligatoire du contrat pour ceux qui l’ont formé. C’est seulement pour eux que le contrat va générer des contraintes. Pour les personnes extérieures, le contrat aura une relativité reconnue par le Code civil.

Cette relativité implique qu’à l’égard des tiers, qui n’ont jamais donné leur accord pour la conclusion du contrat, c’est comme si celui-ci n’a jamais existé. On ne peut leur appliquer aucune de ses clauses et on ne peut faire jouer contre eux les droits et obligations inhérents audit contrat.

Ce principe induit certaines implications qui peuvent être nuancées.

Les implications du principe de l’effet relatif des contrats

Tout d’abord, aucune des parties contractantes ne peut se retourner contre un tiers en exigeant de ce dernier d’exécuter une obligation du contrat. Dans le même sens, on ne peut soumettre une personne étrangère à l’exécution forcée d’un contrat qui ne la concerne pas.

En effet, seules les parties peuvent s’attaquer entre elles s’il est constaté l’inexécution d’une obligation contractuelle. S’en prendre à un tiers constitue une violation de ses droits et celui-ci pourrait s’en plaindre, avec droit, auprès de n’importe quelle juridiction compétente.

Ensuite, de façon proportionnelle, une personne étrangère ne peut requérir d’une partie du contrat d’exécuter les obligations qui lui reviennent. L’exécution de l’obligation ne peut être exigée que par un contractant, et non par autrui.

Cependant, il n’est pas rare de voir quelques nuances à ce qui est dit précédemment.

Les nuances aux implications du principe de l’effet relatif des contrats

Il existe en réalité certaines circonstances où les tiers peuvent se comporter comme des parties dans une relation contractuelle. On pourra faire cas de :

Le cas des ayants-cause universels

Ce sont les héritiers qui ont le droit de recevoir une portion du patrimoine du défunt. Si le défunt n’a pas d’héritiers, mais qu’il existe des légataires, ceux-ci prendront la place des héritiers. En effet, ces personnes sont considérées comme des ayants-cause à titre universel.

À moins que le contrat ne soit réputé intuitu personae, les ayants-cause peuvent, après la disparition du défunt, devenir parties au contrat. À ce titre, ils sont tenus de la même obligation contractuelle que le défunt et peuvent même se prévaloir des mêmes droits et actions que le défunt. Toutefois, il leur est loisible de refuser la succession du défunt.

Le cas des autres ayants cause

Il s’agit ici des tiers qui ont reçu des droits de la part d’autres personnes. Lorsqu’ils sont à titre particulier, ils ont la possibilité aussi d’être parties au contrat en remplacement de celui qui leur a conféré le droit. Dans cette perspective, ils se retrouvent dans la même situation juridique que celui qui a conclu le contrat au départ.

Ainsi, le contrat a une force obligatoire à leur égard. Par ailleurs, ils seront tenus à l’exécution des obligations qui y découlent. Aussi, ils peuvent même se voir condamnés à l’exécution forcée du contrat en cas de tout manquement à une obligation essentielle préalablement retenue.

Exemple pratique : prenons le cas d’un contrat de vente d’une société conclu entre le propriétaire d’une entreprise et un nouvel acquéreur. Dans ce cas, ce dernier demeure lié aux salariés de l’entreprise. Il ne peut se séparer d’eux puisqu’ils disposent d’un contrat de travail les liants au précédent employeur.

En effet, le nouvel employeur ne peut invoquer le fait qu’il n’avait pas été partie au moment de la formation du contrat initial avec les salariés et s’il commet un manquement contractuel comme par exemple le refus de paiement des salaires, il sera condamné par les juridictions.

Le cas de la cession du contrat

En droit, il est possible de céder une convention au profit d’un tiers par le biais de mécanismes juridiques bien précis. Dans ce cas, le cédant sort du contrat et le cessionnaire y entre. Toutefois, le contrat cédé peut maintenir la nouvelle partie, de même que l’ancienne partie (le cessionnaire) jusqu’à ce que toutes les obligations soient remplies. En réalité, le cédé peut vouloir se prémunir de l’inexécution du contrat par le cessionnaire.

La question de l’opposabilité des contrats aux tiers

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les tiers ne peuvent être tenus de la mauvaise exécution du contrat ni de sa bonne exécution d’ailleurs. Cependant, il est important de souligner que tout contrat régulièrement conclu demeure opposable aux tiers.

En fait, il suffit que le contrat soit conclu en toute légalité selon les règles du droit commun pour qu’il soit opposable aux tiers. Ceci se justifie en ce que le contrat légalement conclu apporte une modification à l’ordre juridique et ne peut être réfuté par les tiers.

Les contrats sont opposables aux tiers

Chacun des contractants peut opposer la relation contractuelle à toute personne extérieure. Ceci voudra dire que le contrat devient pour le tiers un fait juridique qu’il est tenu de respecter. Le tiers doit être de bonne foi et s’il pose un acte ayant causé une exécution défectueuse d’une obligation d’une des parties au contrat, il s’expose à une action en responsabilité délictuelle.

Exemple pratique : Monsieur Jean achète une voiture chez Madame Anne. Or Madame Anne avait des créanciers qui voulaient saisir la voiture chez Monsieur Jean. Dans ce cas, les créanciers n’auront pas gain de cause parce que Monsieur Jean est déjà dans un lien contractuel avec Madame Anne vis-à-vis de la voiture. On en déduit que ce lien leur est opposable.

Mais si les deux s’étaient entendus, en contractant, dans le but que la voiture échappe à la saisie, les créanciers pourraient agir contre Madame Anne et Monsieur Pierre. En effet, la responsabilité délictuelle de l’une et de l’autre sera engagée et le contrat sera frappé de nullité.

L’opposabilité du contrat aux parties elles-mêmes

L’autre versant de l’opposabilité aux tiers est que ceux-ci peuvent aussi faire jouer le contrat contre ceux qui les ont formés. En d’autres termes, le tiers pourra se prévaloir du contrat dans certaines situations. Si par exemple, on lui demande d’apporter la preuve de certains faits juridiques ou de certaines circonstances, il lui est possible de faire recours au contrat.

De la même manière, si à cause des manquements ou de l’exécution défectueuse du contrat, le tiers subit un dommage, il a le droit d’intenter une action contre la responsabilité civile des contractants. C’est ce que confirme la jurisprudence de la Cour de cassation à travers un arrêt rendu en date du 6 octobre 2005.

Mentionnons par ailleurs les exceptions au principe d’opposabilité du contrat aux tierces personnes. Nous pouvons faire cas de l’action directe qu’une personne exerce pour sauvegarder ses droits. Nous pouvons aussi mentionner la contre-lettre qui est une action exercée en vue de déclarer une simulation.

Une fois le principe de l’effet relatif du contrat présenté, évoquons à présent les exceptions qu’il admet.

Les exceptions au principe de l’effet relatif des contrats

On peut dénombrer plusieurs exceptions au principe de l’effet relatif des contrats.

Le cas des actions contractuelles

Il s’agit principalement des actions directes qui permettent à des tiers d’actionner la personne qui doit quelque chose à leur débiteur. Rentrent également dans cette catégorie les actions en garantie des vices cachés.

Exemple pratique : Dans la réalisation d’un pont pour la commune, les travaux sont confiés à Monsieur Pierre et à son entreprise. Monsieur Pierre, qui est l’entrepreneur principal, conclut un contrat avec Monsieur Georges qui est son sous-traitant. N’étant pas payé à la fin des travaux par Monsieur Pierre, Monsieur Georges demande paiement directement à la commune. Cette dernière, en tant que maitre d’ouvrage va satisfaire Monsieur Georges en le payant.

Le schéma ci-dessous permet de mieux cerner la chose :

Toujours dans ce même sillage, s’il s’agissait d’un groupe de contrats, le même principe est d’application.

Le cas de la promesse de porte-fort

Explication de la promesse de porte-fort

Il s’agit d’un contrat qui met en relation trois personnes. La première personne est désignée comme le porte-fort et c’est lui qui prend l’initiative au nom de la deuxième personne. Ici, la deuxième personne est le bénéficiaire de la promesse. Enfin, la dernière personne est la tierce personne qui a obligation soit de procéder à la ratification ou soit de procéder à l’exécution de l’engagement que les deux autres avaient pris. Il ressort de cette définition qu’il existe deux typologies de promesses de porte-fort.

La promesse de porte-fort impliquant la ratification

Dans cette relation, le promettant choisis de contracter en engageant la responsabilité d’un tiers. Il fait alors la promesse à l’autre partie au contrat que la tierce personne procédera à la ratification du contrat. La nature contractuelle du tiers à ce niveau est particulière en ce sens qu’il a la liberté de réellement ratifier le contrat ou de ne pas le faire.

La promesse de porte-fort impliquant l’exécution

Ce cas est pareil au précédent à la seule différence qu’il est question de garantie que le promettant donne au bénéficiaire.

Quel que soit le cas, il pèse d’abord sur la tête du porte-fort une obligation de faire. Le porte-fort doit mettre en œuvre tous les moyens pour que le tiers procède à la ratification ou à l’exécution du contrat. En cas d’inexécution ou de mauvaise exécution par le tiers, c’est la responsabilité du porte-fort qui sera mise en jeu. Rappelons que l’inexécution peut être partiellement constatée. Il peut aussi s’agir d’une inexécution globale.

Par ailleurs, il pèse également sur sa tête une obligation de résultat. En effet, ce que l’on recherchera c’est si le tiers a ratifié ou exécuté le contrat. Dans le cas contraire, le porte-fort sera tenu responsable même s’il prouve avoir employé tous les moyens possibles.

Le cas de la stipulation pour autrui

Définition de la stipulation pour autrui

Il s’agit ici aussi d’une opération juridique mettant en relation trois personnes. La première personne dénommée le stipulant est celle qui forme le contrat avec la deuxième personne. Cette deuxième personne est appelée promettant. En réalité, c’est elle qui dans le contrat prend l’engagement d’exécuter une obligation vis-à-vis de la dernière personne. Celle-ci est désignée sous l’appellation de tiers bénéficiaire.

Fonctionnement de la stipulation pour autrui

Dans un contrat de stipulation pour autrui, la tierce personne qui n’a jamais conclu le contrat devient la partie créancière puisque c’est elle qui bénéficiera des avantages du contrat. Il s’agit réellement d’une exception au principe de l’effet relatif des contrats.

Exemple pratique : Monsieur Paul Dupont a souscrit à un contrat d’assurance vie auprès d’une des compagnies d’assurance française. Celle-ci engage sa responsabilité à faire un versement de 100.000 euros à Monsieur Pierre Dupont et Mademoiselle Estelle Dupont, dès lors que leur père ne serait plus en vie. Il s’agit d’un contrat de stipulation pour autrui.

Le cas de la simulation

Il s’agit d’un cas particulier où les contractants forment un contrat et décident de faire modifier les effets de celui-ci par le biais d’un autre contrat. Le second contrat qui inhibe les effets du premier est désigné sous le nom de contre lettre.

Il faut mentionner que la contre-lettre n’agit que pour les contractants, on ne saurait l’opposer aux tiers. De leur côté, les tiers ont le choix, dans leurs actions ou droits, d’invoquer l’un des deux contrats. Ce choix résultera d’une volonté unilatérale du tiers.

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