C’est quoi un fait juridique ?

Fait juridique

Le fait juridique, défini dans son acceptation large, représente tout évènement pour lequel la loi attache des effets juridiques. En droit civil comme en droit international, lorsqu’on se décide à identifier les sources des obligations, on en arrive à deux principales. Il s’agit d’une part de l’acte juridique et d’autre part du fait juridique.

L’acte juridique se réalise très souvent par un contrat conclu entre les parties : il s’agit donc d’un acte de volonté. Le fait juridique peut, lui, se réaliser sous différentes formes : un délit, un quasi-délit ou un quasi-contrat.

On distingue le fait juridique qui est volontairement commis (prononcer des propos diffamatoires contre une personne, falsifier un acte administratif, etc.), et celui qui l’est involontairement (tremblements de terre, inondations, etc.).

Il s’agit pour nous dans ce développement d’expliquer en quoi consiste le fait juridique. Pour ce faire, nous présenterons dans une première partie un aperçu général de la notion du fait juridique.

Dans une seconde partie, nous allons opposer fait juridique et acte juridique en faisant ressortir les similitudes et les dissemblances. Enfin dans une troisième partie, nous parlerons des modes de preuve du fait juridique.

Aperçu général du fait juridique

Définition du fait juridique

C’est dans le nouvel article 1100 alinéas 2 du Code civil qu’il faut se questionner pour avoir la définition du fait juridique. Il y est dit que le fait juridique est une action entreprise par un individu ou encore une circonstance que la loi trouve importants du point de vue de la règle de droit. Pour ce faire, elle y rattache des effets juridiques. Il est important d’expliciter cette notion abordée par le Code civil.

Fait juridique : Exemples pratiques

Lorsqu’une personne naît, la loi reconnait la naissance comme un fait juridique. En droit français, la naissance produit automatiquement certains effets juridiques non seulement à l’égard du nouveau-né, mais aussi à l’égard de ses parents. C’est la loi qui l’a établi ainsi et dès qu’il y a naissance, le droit s’en saisit. Certains droits subjectifs sont accordés à l’enfant : soins, entretien, personnalité juridique acquise, etc.

Notons que le droit subjectif est un droit reconnu aux individus, leur permettant ainsi de jouir de certains avantages. Le droit subjectif est possible par le biais de l’existence du droit objectif.

Par ailleurs, lorsque par le fait d’autrui, un dommage survient pour le compte d’une autre personne, cette situation juridique est assimilable à un fait juridique. En effet, elle produit des effets juridiques non seulement pour la victime, mais aussi pour l’auteur du dommage qui devient débiteur d’une dette, qu’elle soit pécuniaire ou non.

En effet, celui qui a occasionné le dommage a l’obligation de réparer le tort commis envers la victime. Pour plus de précision, même si l’auteur du dommage nourrissait l’intention de l’occasionner, il n’avait pas le désir de le réparer, ce à quoi la loi l’oblige.

Comparaison du fait juridique avec l’acte juridique

Similitude entre fait juridique et acte juridique

Tout comme l’acte juridique qui peut provenir d’un acte juridique unilatéral ou des volontés des parties, le fait juridique peut résulter d’un agissement unilatéral, comme c’est souvent le cas. Mais il peut résulter aussi d’un évènement impliquant plusieurs personnes, à la seule nuance qu’elles n’ont pas posé un accord de volonté.

Voir le cours complet sur la différence entre un acte juridique et un fait juridique. Suivez tout simplement le lien pour accéder à la page !

Différences entre fait juridique et acte juridique

Tout d’abord, le fait juridique s’oppose traditionnellement à l’acte juridique. Alors que l’acte juridique se fonde essentiellement sur la manifestation de volonté des personnes dans le but de créer des liens reconnus par la loi c’est-à-dire des conséquences juridiques voulues, le fait juridique n’a pas pour but premier la production d’effets de droit.

Autrement dit, celui qui fait des actes juridiques s’accorde aussi des effets juridiques qui en découlent. À contrario, celui qui est impliqué dans des faits juridiques ne voulait pas forcément produire des effets juridiques.

Prenons l’exemple d’un contrat de vente conclu entre deux contractants. La conclusion du contrat par chaque contractant est faite en toute connaissance de cause (respect des règles du droit commercial notamment) et leur intention de procéder à l’échange.

L’un d’eux a décidé de contracter en vue de remettre une chose donnée à son cocontractant moyennant un montant sur lequel ils se sont entendus. Ce dernier est conscient de son obligation contractuelle qui est de remettre le prix convenu et de récupérer la chose achetée.

Intérêt de la distinction

En considération de votre cours à l’introduction au droit, il existe deux niveaux dans la distinction du fait juridique et de l’acte juridique.

Tout d’abord selon que nous sommes dans une situation de fait juridique ou d’acte juridique, l’étendue des effets juridiques diffère, car dans le fait juridique les effets sont encadrés dans le champ prévu par la loi. Or il est à noter une étendue des effets de l’acte juridique, la seule contrainte qui demeure c’est le respect de l’ordre public.

Ensuite, en matière de fait juridique, la loi a prévu une liberté de la preuve. Quant aux actes juridiques, ils doivent être prouvés par une preuve écrite. Peu importe qu’il s’agisse d’écrit sous seing privé, d’un commencement de preuve par écrit ou d’un acte notarié.

Catégorisation des faits juridiques

En droit civil, le fait juridique peut naître de deux sources différentes : elle peut émaner d’un agissement humain comme elle peut provenir d’un évènement naturel.

Le fait juridique provenant d’un évènement naturel

Tel que prévu par le législateur, cette catégorie de fait juridique ne dépend pas d’aucun sujet de droit ni de la volonté humaine. Le fait est intrinsèquement lié à un évènement extérieur à la volonté humaine. Les trois grandes catégories qui se dégagent sont résumées dans le schéma ci-dessous :

Le fait juridique relatif à la vie de l’homme

Ce type de fait juridique touche essentiellement à des questions portant sur l’état civil des sujets de droit. Lorsqu’un homme nait ou encore décède, il s’agit d’un fait juridique régi par la loi. Ici, c’est surtout les personnes physiques qui sont concernées.

Par le biais de la naissance, l’individu acquiert la personnalité juridique. Lorsqu’une personne décède, par analogie, le droit finit de lui reconnaitre la personnalité juridique. Mais en droit privé, le décès d’une personne ouvre la voie de la succession. Ce qui permet de transmettre ses biens patrimoniaux à ses héritiers.

Le fait juridique non dépendant de l’homme

Ce type de fait se base sur des évènements de la nature qui lorsque survenus peuvent produire des effets juridiques.

Dans cette catégorie, nous pouvons citer les tempêtes, les cyclones, les séismes, etc. La caractéristique principale de ces évènements est qu’on ne peut les prévoir ni résister contre eux. Le droit commun les assimile à des cas de force majeure.

La responsabilité du fait de l’un de ces évènements dédouane le responsable du dommage qui est exonéré de l’obligation de réparation. C’est justement cette exonération de responsabilité qui fait de ces évènements des faits juridiques. Ils créent un effet de droit que nul n’avait prévu.

Le fait juridique dû à l’écoulement du temps

La dernière situation de fait juridique non lié à l’homme admis en droit des obligations est l’écoulement d’une période de temps. La notion juridique qui l’explique le mieux est la prescription juridique. Il existe, en droit public comme en droit privé, deux types de prescription. Il y a la prescription acquisitive et la prescription extinctive.

La notion de prescription acquisitive

Lorsqu’un délai est passé, la prescription acquisitive (usucapion) joue en faveur d’une personne et lui accorde la possibilité d’acquérir certains droits. L’exemple le plus parlant est celui du droit de propriété. Par le jeu d’une possession sur une période donnée, il est possible de devenir propriétaire d’un bien après que la prescription acquisitive soit confirmée.

C’est dans ce sens que le législateur a prévu dans l’article 2272 du Code civil que celui qui a occupé continuellement un immeuble pendant un temps donné devient le propriétaire légal dudit immeuble. Il s’agit d’un délai décennal ou trentenaire et l’immeuble peut être une maison ou un appartement.

La notion de prescription extinctive

Il s’agit de l’autre versant de la prescription acquisitive. À ce niveau la distinction juridique porte sur l’extinction du droit d’une personne suite à l’écoulement du même délai. Prenons le cas où il existe une créance due entre un créancier et son débiteur.

Lorsque le créancier laisse courir un certain délai, son droit lui permettant de réclamer la créance disparait. Selon la codification retenue en matière civile, il s’agit d’un délai quinquennal au bout duquel le créancier ne peut plus se prévaloir de son droit à la créance (Article 2224 du Code civil : Voir la notion de la prescription d’une action en nullité relative). Tout litige qui naitra en réclamation de ladite dette sera frappé de nullité.

Le fait juridique provenant d’un agissement humain

Un fait volontaire de l’homme peut être à la base d’un fait juridique. L’individu peut ne pas désirer ou vouloir que le fait génère certaines répercussions juridiques, mais le fait dépend de son agissement. Le schéma ci-dessous résume les trois catégories de faits juridiques résultant de l’action de l’homme.

Fait juridique résultant des délits et des quasi-délits

La distinction entre le délit et le quasi-délit tient à l’intention dans l’acte. En effet dans un délit, l’auteur commet un acte illicite en toute conscience. Or dans un quasi-délit, l’auteur n’avait pas l’intention de commettre un acte qui n’était pas licite.

Il ressort donc que l’intention de nuire fonde la responsabilité délictuelle, ce qui n’est pas le cas pour la responsabilité quasi délictuelle. Ces deux cas se retrouvent dans le régime de la responsabilité civile (voir le cours complet sur : le régime de la responsabilité civile délictuelle). Il est important de préciser que, quelle que soit la responsabilité mise en jeu, et qu’il s’agisse d’effets voulus ou non, l’auteur est obligé de la réparer (ancien article 1382).

Cependant, l’autre précision à apporter ici est la distinction nécessaire entre la responsabilité civile délictuelle et la responsabilité pénale. Quand bien même que les deux permettraient de mettre une personne face à sa faute en engageant sa responsabilité, la finalité recherchée est différente.

En effet, en droit pénal, lorsqu’une personne commet une infraction (Découvrez ici : les éléments constitutifs d’une infraction), il lui est appliqué une sanction suite à une procédure pénale enclenchée en vue de sauvegarder la cohésion sociale. Or, en droit civil, lorsqu’une personne occasionne un dommage à une autre, on lui demande de faire réparation du tort commis à l’autre par le jeu d’une procédure civile.

Par ailleurs, les sanctions civiles diffèrent des sanctions pénales. Alors que sur le plan civil, on peut exiger le paiement des dommages et intérêts, les sanctions pénales, elles, peuvent même aller jusqu’à une privation de liberté.

Fait juridique résultant des quasi-contrats

Les quasi-contrats sont des faits juridiques issus de la volonté de leur auteur. En effet, le fait juridique se conçoit ici dans la volonté d’une personne d’aider un bénéficiaire sans que celui-ci n’en exprime la demande. Or cette aide peut engager l’auteur, financièrement ou non, envers les tiers.

La caractéristique principale des quasi-contrats est la spontanéité volontaire dans le geste de l’auteur, dans le but d’accorder un profit ou un avantage à une autre personne, au risque de s’appauvrir elle-même.

Une fois le bénéfice accordé, le législateur fait obligation au bénéficiaire d’indemniser l’auteur des agissements unilatéraux qu’il a effectués en sa faveur. Le droit des contrats reconnait trois types de quasi-contrats.

La gestion d’affaires

Dans la gestion d’affaires, une première personne, dénommée gérant, prend l’engagement sans que l’autre, le maître d’affaires ne l’y oblige, de prendre des mesures utiles, comme le maître en a coutume de le faire, afin de sauvegarder ses intérêts.

Exemple pratique : prenons l’exemple d’une personne qui part en voyage laissant son immeuble sans soins pendant un temps donné. Si une autre personne décide d’entretenir l’immeuble pour le compte du propriétaire, celui-ci est compétent pour demander à ce dernier de lui rembourser les frais déboursés en vue de l’entretien de l’immeuble. Mais il faut d’abord que la preuve des faits allégués soit apportée par celui qui a entretenu l’immeuble. Cet exemple a été consacré par la jurisprudence en matière civile.

Le paiement de l’indu

Ici, deux personnes interviennent : le solvens et l’accipiens. Le solvens rembourse les frais à la charge de l’accipiens alors que ce dernier n’aurait pas dû en prendre possession. Dans ce contexte, le solvens a la possibilité de demander à l’accipiens de restituer les sommes qu’il a reçues.

Exemple pratique : suite à un sinistre qui lui a généré des dommages, un assuré reçoit une indemnité de la part de son assureur. Or il s’avère que le risque n’était pas pris en charge par le contrat d’assurance souscrit par l’assuré. Dans ce cas, il lui sera demandé de restituer les sommes qu’il n’était pas censé avoir.

L’enrichissement sans cause

À ce niveau, la loi prévoit que lorsqu’une personne a bénéficié d’une prestation sans qu’il n’existe de cause juridique réelle, la personne qui s’est appauvrie en rendant la prestation est en droit de demander au bénéficiaire une indemnité. Selon le code civil, cette indemnité doit équivaloir le plus petit des deux montants correspondant à l’appauvrissement ou à l’enrichissement sans cause. Il est utile de préciser que c’est via une action de « in rem verso » que l’auteur demande remboursement au bénéficiaire.

Exemple pratique : prenons le cas d’une personne qui a payé la dette d’autrui. Elle est en droit de réclamer le remboursement puisqu’il s’agit d’un enrichissement injustifié.

Il est important de ne pas faire une confusion entre le quasi-contrat et le contrat. Le contrat est un acte juridique qui peut même être matérialisé sous forme d’acte authentique ou d’un acte sous seing privé. Son inexécution appelle des sanctions pour les parties.

La preuve du fait juridique

Quels sont les moyens de preuve du fait juridique ?

La preuve d’un fait juridique est libre sans aucune exigence. Ainsi, tous les modes de preuve sont acceptés. Au titre des modes classiques de preuve, nous pouvons citer : l’écrit, l’aveu, la présomption, le serment décisoire. N’importe lequel de ces modes est acceptable pour le fait juridique. Aussi le requérant peut choisir de prêter serment.

Il n’en est pas ainsi pour l’acte juridique où chaque mode de preuve a une force probante plus élevée que l’autre. Ainsi en prenant même la preuve littérale toute seule, l’acte authentique a une force probante plus élevée que l’acte sous seing privé.

Qui a la charge de la preuve d’un fait juridique ?

En considération de l’article 1353 du Code civil à 1362, c’est le demandeur qui doit prouver le fait juridique. Il reviendra au défendeur d’apporter la preuve du contraire. Ici aussi, que ce soit par le jeu de présomptions, d’un aveu judiciaire ou encore par un serment…tout moyen de preuve est recevable devant les juridictions.

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