Le dol peut se définir comme l’ensemble des actes frauduleux : tromperies, mensonges, malhonnêteté dont peut faire preuve un contractant dans le but de pousser l’autre partie à conclure en lui faisant miroiter une fausse réalité.
En effet, en droit commun, parmi les conditions de validité du contrat figure le consentement des parties. Cependant, il arrive parfois que malgré que les parties jouissent de la capacité de contracter, que l’objet d’un contrat existe et que sa cause soit licite, le problème du consentement empêche le contrat d’être valide. L’un des vices qui touchent fréquemment le consentement est le dol.
Dans cet article, il s’agira pour nous de donner la définition du dol et d’expliquer cette notion juridique. Pour ce faire, nous allons structurer notre propos en deux parties. La première partie consistera à faire la présentation de la notion du dol. Quant à la seconde partie, elle nous permettra de définir la mise en jeu de la faute dolosive.
Présentation du dol
Dol : Définition
La notion juridique de dol consiste en tout acte de l’une des parties au contrat caractérisé par des manœuvres frauduleuses et des propos mensongers. La résultante immédiate du dol c’est que ces comportements ont conduit à induire la victime dans une erreur déterminante au moment de son choix.
Autrement dit, le dol vise pour le contractant à faire usage de tromperie en vue d’induire le cocontractant dans une erreur manifeste au moment de son consentement. Puisque le consentement de la victime a été vicié et qu’il a conduit à un préjudice, alors, la victime du dol peut demander l’annulation du contrat sur le fondement d’un vice du consentement.
Exemple pratique : Un commerçant dans le souci de céder son fonds de commerce, manipule les chiffres de la comptabilité et faire croire dans les factures qu’il a fait des profits considérables. Le but visé est de vendre le fonds de commerce à un prix qui dépasse de loin sa valeur réelle. Ce commerçant a eu recours à l’usage d’une manœuvre dolosive.
Il ressort de la définition ci-dessus que le dol conduit au consentement vicié du cocontractant au moment de conclure un contrat ou en cours d’exécution. Le dol est compté au nombre des vices du consentement. Il apparait aussi important de le distinguer des autres vices du consentement en droit des contrats.
Ce qu’il faut savoir en outre, c’est que le dol peut se produire à deux moments dans l’évolution du contrat : soit au début, soit au cours de son exécution. Au moment de la formation du contrat, le dol se produit quand le trompeur met en place des manœuvres en vue de donner une fausse conviction à l’autre partie pour le pousser à contracter.
Lorsqu’il se produit au cours de l’exécution du contrat, le dol est assimilé à un manquement volontaire de la part du trompeur quant à ses obligations contractuelles.
Distinction entre le dol et les autres vices du consentement
Différence entre le dol et l’erreur
La première différence se situe entre le temps de réaction dans la production de chacun de ces vices du consentement. En effet, l’erreur se fait spontanément, alors que le dol se produit suite à une préparation et une mise en place de faits matériels par l’un des contractants.
Aussi, lorsque l’erreur se produit, cela signifie qu’une partie au contrat s’est trompée au moment de la conclusion du contrat ou de son exécution. Or quand le dol se produit, cela signifie qu’un des contractants a décidé de tromper son cocontractant.
Le dol opposé à la violence
Le dol nait lorsque l’une des parties trompe l’autre, il n’est point besoin de l’intervention d’autrui. Or la violence induit l’acte d’une tierce personne en vue de pousser un des contractants à conclure.
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Les éléments constitutifs du dol
L’élément matériel du dol
Sous l’élément matériel, on peut regrouper les pratiques frauduleuses qui ont éconduit la victime dans sa prise de décision. Le schéma ci-dessous permet de mettre en lumière les composantes de l’élément matériel.
Les manœuvres sont relatives aux actes mêmes que pose l’auteur du dol en vue de déformer la réalité et de l’amener à contracter.
Exemple pratique : Un vendeur de véhicules qui camoufle le compteur en faisant passer le véhicule pour moins vieux dans le but d’avoir le consentement de l’acheteur et de lui vendre ledit véhicule. Ce vendeur a usé de manœuvres dolosives.
Quant aux mensonges, il s’agit de fausses déclarations que fait l’auteur sur une des qualités essentielles du contrat dans le but de pousser la victime à contracter.
Exemple pratique : Un vendeur d’ordinateurs ment sur la capacité du disque dur d’un MacBook et le vend à un acheteur qui recherchait un appareil d’une grande capacité. Le vendeur a commis un dol en faisant de fausses allégations sur une des qualités substantielles de l’ordinateur.
Pour ce qui concerne le silence, il est qualifié de réticence dolosive et se traduit par le fait que l’auteur essaie de dissimuler certaines informations à la victime en sachant que la victime ne contracterait pas si elle était en possession de l’information.
Exemple pratique : Un éleveur de moutons qui vend un mouton à un acheteur sans informer celui-ci que la bête souffrait d’un mal à l’œil. Il a caché une information, qui aurait fait changer d’avis l’acheteur. On conclurait que cet éleveur a fait preuve de réticence dolosive.
Une question se pose par rapport à la dissimulation de la valeur d’une chose qui a fait objet de vente. C’est la loi de ratification du 20 avril 2018 qui apporte la lumière sur ce débat doctrinal au sein des juristes. En effet, sous l’égide de cette loi, on ne peut qualifier de dolosive, la réticence d’une des parties à dévoiler à l’autre la valeur de la prestation obtenue ou fournie.
L’élément intentionnel du dol
Il est indispensable de déterminer la volonté intentionnelle de l’auteur du dol à nuire à la victime. C’est ce désir de tromper et de forcer le consentement de l’autre partie qui traduit l’élément intentionnel du dol. Il est punissable en ce sens qu’il s’agit d’un délit civil. Quelques arrêts de principe de la Cour de cassation mais aussi quelques arrêts d’espèce, mettent l’accent sur le caractère intentionnel que doit comporter l’acte dolosif.
Ainsi, par un arrêt rendu le 12 novembre 1987, la Cour de cassation s’est prononcée sur un contrat de vente qui avait été supposé objet de manœuvres dolosives par la Cour d’appel.
Dans cette affaire un vendeur d’un camion avait manqué de fournir certaines informations par rapport aux documents de la voiture à son acquéreur. La Cour de cassation a jugé qu’il ne s’agissait pas d’un dol parce que le vendeur n’avait pas manifesté l’intention de tromper l’acquéreur du camion en manquant de lui communiquer toutes les informations nécessaires.
On ajoute très souvent à cet élément intentionnel l’aspect psychologique du dol. Il suppose que l’ensemble des actes de l’auteur du dol, notamment ses mensonges, fraudes voire son silence doivent concourir directement à pousser la victime dans l’erreur, ce qui a l’a conduit à contracter.
La mise en jeu de la faute dolosive
Les autres conditions relatives au dol
Les conditions liées à l’auteur des manœuvres frauduleuses
La règle admise
En principe, la manœuvre dolosive doit provenir d’une des parties dans la relation contractuelle. C’est le nouvel article 1137 du Code civil qui apporte cette précision de taille. Il en ressort qu’une des parties au contrat ne peut invoquer le dol alors qu’il est l’œuvre d’une tierce personne et non de son contractant.
Ce principe a été rappelé par un arrêt de la Cour de cassation en date du 27 novembre 2001. En effet, la cour a insisté sur le fait que l’une des parties ne peut demander la nullité relative du contrat pour cause de dol, alors même que la tromperie a émané d’un tiers.
Apports jurisprudentiels
Plutôt que de retenir le dol, la jurisprudence a quand même admis que lorsqu’une partie s’est retrouvée dans l’erreur suite aux agissements dolosifs d’un tiers et que cette erreur porte sur la qualité substantielle ou la qualité essentielle du contrat, celui-ci pourra être annulé.
Cette précision vient d’un arrêt rendu par la chambre civile de la Cour de cassation le 3 juillet 1996. Lorsqu’un tiers commet un dol qui entraine l’erreur sur la substance du contrat, l’annulation du contrat sera prononcée.
Les exceptions au principe
L’article 1138 du Code civil fournit néanmoins la liste de certaines personnes, tiers au contrat, qui peuvent quand même être auteurs de dol dans un contrat auquel ils n’ont pas pris part. Cette exception a été confirmée par la réforme du droit des obligations intervenue par le biais de l’ordonnance du 10 février 2016.
Il s’agit d’abord des personnes ayant reçu autorisation pour agir en lieu et place d’un des contractants. On peut citer le représentant, le préposé, le gérant d’affaires, etc. Le cas jurisprudentiel se retrouve dans un arrêt de la Cour de cassation qui avait entériné la décision de la cour d’appel le 29 avril 1998. Dans cette affaire, une SCI avait été sanctionnée pour dol, alors même que les actes dolosifs ont été commis par son mandataire.
Par ailleurs, lorsqu’un des contractants s’entend avec le tiers pour porter grief à la victime par le jeu de manœuvres frauduleuses du tiers, la nullité du contrat peut être admise par le juge. Mais il appartient à la victime de prouver que son cocontractant était de connivence avec le tiers en vue de commettre la manœuvre dolosive. Une question qui se pose à ce niveau est celle-ci : quel est le degré retenu pour la connivence. Il appartient aux rôles du juge du fond de vérifier si l’intervention du tiers a eu lieu dans l’intention de tromper et d’induire la victime en erreur.
Les conditions liées à la victime du dol
Avant qu’on ne retienne le dol comme cause de nullité du contrat, il est nécessaire de faire certaines analyses par rapport à la victime elle-même. On se posera ces deux questions : est-ce que son consentement a été vicié ? Autrement dit, on cherchera à savoir si la victime a approuvé le fait de rentrer dans le lien contractuel alors qu’on l’avait entrainé dans l’erreur. La deuxième question est de savoir si l’erreur invoquée a un caractère déterminant pour le choix de la victime.
Une erreur doit nécessairement exister
Le dol n’est vice du consentement et n’entraine la nullité de la convention que lorsqu’on peut prouver qu’une erreur réelle a été commise envers la victime, l’entrainant à opérer un choix qu’il n’aurait pas fait. Ainsi, si le dol de la part d’une partie n’a entrainé aucune erreur sur la valeur du contrat, on ne peut pas dire que son consentement est vicié, et de facto, le juge ne saurait prononcer la nullité du contrat pour dol.
- Quel peut être l’objet de l’erreur pouvant conduire à des cas de nullité ?
Dès lors que l’erreur a été provoquée et qu’elle est de nature à influer sur le consentement des parties, la victime peut agir en nullité contre ce contrat. Il n’est pas obligatoire d’être en présence d’une erreur substantielle touchant à la chose objet du contrat. En conclusion, que l’erreur porte sur la valeur de la prestation que doit exécuter le contractant ou qu’elle porte sur les motifs du contrat, elle peut entrainer l’annulation du contrat.
- Quid du caractère excusable ou inexcusable de l’erreur en matière de dol ?
C’est l’article 1139 du Code civil qui répond à cette question. En effet, une erreur inexcusable à la base pourrait être excusable dès lors qu’elle est occasionnée par le dol. Dans ce contexte par exemple, l’erreur provoquée peut être considérée comme excusable à chaque fois qu’on peut démontrer qu’elle a été générée par une réticence dolosive.
L’erreur doit être déterminante du consentement de la victime
Avant qu’un contrat ne puisse être annulé pour dol, il est impérieux que l’erreur soit un fait déterminant dans le consentement qu’a manifesté la victime. Il existe deux cas de dol : le dol principal et le dol incident.
Le dol est principal lorsque la victime n’aurait pas contracté si l’erreur n’avait jamais existé. Il est incident lorsque sans l’erreur, la victime aurait contracté, mais à d’autres conditions substantielles. Toutefois, le législateur n’opère pas de distinction entre les types de dol : c’est la nullité pour dol qui est la sanction retenue (voir : la nullité retroactive pour dol). Cependant, il peut s’agir d’une nullité absolue ou d’une nullité relative.
Plusieurs arrêts permettent d’illustrer ce principe, mais il faudra se baser surtout sur les arrêts de la Cour de cassation du 2 mai 1984 et celui du 22 juin 2005. Dans ces deux arrêts, la Cour avait montré sa position par rapport à l’action en nullité qui pouvait être intentée sans faire de distinction entre le dol principal ou le dol incident.
Le règlement de la faute dolosive
La preuve du dol
Sur qui pèse la charge de la preuve ?
En matière de dol, celui qui a la responsabilité de prouver la manœuvre frauduleuse, c’est la victime. C’est à elle qu’il revient de montrer que celui avec qui elle a contracté a nourri l’intention de la tromper pour la pousser à conclure.
Comment prouver le dol ?
Deux cas doivent être examinés : celui du dol simple et celui de la réticence dolosive.
Lorsque nous sommes dans un cas de dol simple, la victime va dévoiler les manœuvres frauduleuses de la part de son contractant ou le mensonge que celui-ci a avancé pour l’induire en erreur. Il n’en est pas ainsi de la réticence dolosive où la preuve est plus difficile à apporter.
En effet, il s’agit surtout de la violation de l’obligation d’information dont peut faire preuve l’auteur du dol au cours d’une dissimulation d’informations à l’égard de la victime. Autrement dit, l’auteur du dol a en toute conscience manquée à son devoir d’information par rapport à un éclaircissement qu’il a dissimulé à la victime.
Dans le cas où la victime ne peut prouver cette dissimulation intentionnelle de la part de son cocontractant, le juge ne retiendra pas le dol et celui-ci ne pourra entrainer la nullité du contrat. Cependant, lorsque c’est un professionnel qui manque à ce devoir d’information, le juge va considérer qu’il a usé de mauvaise foi dans la formation du contrat.
La sanction du dol
En droit français, quand le dol est retenu dans un contrat à l’encontre d’une des parties, il existe deux types de sanctions que les juges peuvent prononcer : les différentes nullités (absolue ou relative) et le paiement des dommages et intérêts.
La nullité du contrat
Toute manœuvre dolosive peut être sanctionnée par la nullité du contrat : c’est ce que prévoit l’article 1131 du Code civil. Dans ce contexte, seule la victime peut invoquer la nullité du contrat, pas un tiers.
Le paiement de dommages et intérêts
L’usage de manœuvres dolosives peut entrainer la responsabilité délictuelle de son auteur. Lorsque cette responsabilité délictuelle est retenue, le paiement de dommages et intérêts à la victime est exigé de l’auteur du dol.