L’article 1109 alinéa 1 du Code civil défini un contrat consensuel comme un contrat qui est formé entre les parties par le « seul échange des consentements, quel qu’en soit le mode d’expression ». De cette définition, il faut retenir qu’en droit français, il est nécessaire d’avoir une rencontre des consentements pour qu’un contrat puisse être valablement formé. Ainsi, le consentement des parties engagera celles-ci, peu importe la forme avec laquelle ces consentements ont été échangés.
Pour autant, cela n’a pas toujours été ainsi. En droit romain, une majorité des contrats étaient formalistes, puis au fil du temps quelques contrats devinrent consensuels. Ces contrats étaient le contrat consensuel de vente, le contrat de louage, le contrat de société et le contrat de mandat.
À l’époque de l’ancien droit et avec l’influence du droit canonique, le consensualisme va s’imposer, tant et si bien qu’au XVIe Loysel (1536-1617) affirmait « on lie les bœufs par les cornes et les hommes par la parole ». À l’avènement de notre Code civil en 1804, la forme du contrat consensuel n’est pas évoquée au titre des conditions nécessaires à la validité d’une convention.
Depuis la réforme du droit des contrats issue de l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1172 du Code civil prévoit expressément que « les contrats sont par principe consensuels ».
Nous savons donc que par principe le contrat est consensuel. Il sera donc par exception solennel, étudions le principe avant d’étudier l’exception. Prêt ? Feu ! 🙂
C’est quoi un contrat consensuel ?
Le principe du contrat consensuel est le consensualisme. L’article 1109 du Code civil dispose à son alinéa 1 par ailleurs que « Le contrat est consensuel lorsqu’il se forme par le seul échange des consentements, quel qu’en soit le mode d’expression ». De par cet article, on comprend que le seul échange des consentements procède à la formation du contrat consensuel. Aucun autre formalisme n’est exigé.
Ce principe présente plusieurs avantages, il permet tout d’abord d’éviter qu’une personne se désengage du contrat en prétextant que celui-ci n’a pas été conclu dans les formes requises. De plus, le consensualisme permet que le contrat consensuel soit conclu très rapidement, pas besoin de signer l’acte, ce qui est très avantageux dans un monde ou de plus en plus de contrats sont conclus avec un besoin de rapidité toujours plus important.
Exemple de contrat consensuel : Dans le cadre d’une vente de chaussures en occasion lorsque le cédant et l’acquéreur se mettent d’accord sur la chose et sur le prix le contrat sera valablement formé. Les cocontractants n’auront besoin d’aucune formalité supplémentaire.
Néanmoins, les contrats consensuels présentent quelques inconvénients, par exemple le consentement étant le principe les parties peuvent s’engager sans réfléchir suffisamment à la portée de leur engagement, ensuite l’absence de forme rendra inévitablement la preuve de l’existence du contrat consensuel et de son contenu plus difficile en cas de litige, dans la même lignée l’absence de publicité rendra le contrat difficilement opposable aux tiers.
Le consensualisme a donc été érigé en principe grâce à ces nombreux avantages, mais comme tout principe celui-ci présente des exceptions ayant pour but de pallier les inconvénients du consensualisme. L’existence de contrats particulièrement graves a imposé que l’on mette en place un formalisme destiné à faire réfléchir plus profondément les parties sur leur futur engagement. Afin aussi de pouvoir rendre les contrats plus facilement opposables aux tiers, certains tempéraments ont été apportés au principe du contrat consensuel.
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L’exception au consensualisme : Le formalisme d’un contrat consensuel
Le contrat consensuel : il existe 2 types d’exceptions au consensualisme, d’une part les contrats solennels, de l’autre les contrats réels.
C’est quoi un contrat solennel ?
L’article 1173 al. 3 du Code civil énonce que les contrats solennels sont des contrats pour lesquels, la « validité » du contrat « est subordonnée à l’observation des formes déterminées par la loi à défaut de laquelle le contrat est nul (Voir : Nullité relative d’un contrat), sauf possible régularisation ». En d’autres termes, contrairement au contrat consensuel, le contrat solennel est celui qui doit être conclu par un écrit signé entre les parties au contrat.
Le Code civil donne une définition de l’écrit à son article 1365 qui dispose que l’écrit est « une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quel que soit leur support ». La signature est définie par l’article 1367 al. 1 du même code qui l’a défini comme étant « nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte ».
De par l’avènement du numérique dans notre société il est bon de préciser que le droit c’est lui aussi adapté à cette évolution de la société. De fait d’une loi du 21 juin 2004 il est désormais possible de contracter par voie électronique des contrats solennels, la question étant dominée par un principe d’équivalence entre l’acte matériel et l’acte électronique en effet l’article 1174 du Code civil dispose que « Lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique… ».
L’adaptation ne s’arrête pas là puisque l’alinéa 2 du même article dispose quant à lui que « Lorsqu’est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s’oblige, ce dernier peut l’apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu’elle ne peut être effectuée que par lui-même », la signature électronique est donc aussi valable sous certaines conditions.
La loi vient préciser ces conditions : l’exigence d’un « formulaire détachable » est satisfaite « par un procédé électronique qui permet d’accéder au formulaire et de le renvoyer par la même voie » (art 1176 al.2), l’exigence d’une « pluralité d’originaux » posée pour les contrats synallagmatiques est réputée satisfaite lorsque « le procédé permet à chaque partie de disposer d’un exemplaire sur support durable ou d’y avoir accès » (art. 1175 al. 4), et l’exigence d’un « envoi en plusieurs exemplaires » est réputée satisfaite par voie électronique « si l’écrit peut être imprimé par le destinataire » (art. 1177).
Néanmoins, ce principe d’équivalence des conditions connait quelques exceptions, premièrement l’écrit électronique n’est possible que pour certains types d’actes, ceux « sous signature privée relatif au droit de la famille et des successions » et les « actes sous signature privée relatifs à des suretés personnelles ou réelles de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession». Mais pour les actes authentiques (notariés par exemple), l’écrit électronique est toujours autorisé.
Tout l’intérêt d’un contrat solennel est l’écrit, car l’écrit permet de faire prendre aux parties conscience de leur engagement. Cela permet de déduire que le contrat solennel sera toujours utilisé dans certains actes plus ou moins importants, l’écrit permettra aussi de prouver plus facilement l’existence d’un acte.
D’autres garanties peuvent ressortir lorsque le contrat doit être signé par les parties et par un tiers, par exemple la date de la conclusion du contrat. Ces garanties interviendront dans le cadre d’actes authentiques et contresignés par avocat.
Quels sont les contrats pour lesquels un acte authentique ou d’avocat est exigé ?
L’acte authentique est un type d’acte qui est signé obligatoirement par un officier public, par exemple un notaire. Il se différencie des actes sous seing privé ou seules les parties signent l’acte. Si l’acte n’est pas authentique ou d’avocat pour défaut de forme il sera considéré néanmoins comme un acte sous seing privé (Civ. 1ère, 28 septembre 2011). On peut se poser une question : l’intervention d’un avocat ou d’un officier public pour la conclusion d’un acte authentique est-elle essentielle sous peine de nullité ? La réponse à cette question se trouve ci-dessous.
- Les règles légales
Quatre types de contrats sont concernés et réglementés par le Code civil : la donation art. 931 du Code civil, le contrat de mariage art. 1594 du Code civil, la constitution d’hypothèque art. 2127 du Code civil et la subrogation conventionnelle par volonté du débiteur art 1346-2 du Code civil. Néanmoins, il en existe d’autres qui ne sont pas réglementés par le Code civil.
Tous ces contrats ont donc besoin d’être contresignés et sont des actes considérés comme authentiques. Ce contreseing s’explique notamment du fait de l’exigence de leur authenticité et de la gravité de l’acte. Sur ce type de contrat, le devoir de conseil et les garanties de sécurité offertes par l’officier public voire l’avocat permettront d’éclairer les parties, et de réfléchir plus profondément à leur consentement.
- Les assouplissements jurisprudentiels
La jurisprudence a assoupli ces exigences sur deux points en particulier.
Premièrement, dans un arrêt de la Cour de cassation chambre Civile. 3e, 7 avril 1993, la Cour admet la validité de certaines promesses non authentiques de contrats solennels, quand bien même l’efficacité en serait limitée. Une promesse non authentique d’hypothèque, valable, pourra être sanctionnée par des dommages et intérêts si elle n’est pas respectée.
Deuxièmement, la Cour de cassation admet la validité de donation conclue dans une autre forme qu’en acte authentique, pour des considérations essentiellement pratiques. Précisons cependant que toutes les formes ne sont pas permises. Ainsi sont admis les dons manuels, les donations indirectes et les donations déguisées.
Les contrats pour lesquels un acte sous-seing privé suffit
Encore une fois il y a des règles légales et des assouplissements jurisprudentiels.
- Les règles légales
Ces contrats sont des contrats pour lesquels seule la signature des parties suffira même s’il elles ne sont pas à l’origine du contrat consensuel. L’article 1316-4 du Code civil dispose que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte ».
Parfois la loi exige que les parties elles-mêmes écrivent tout ou partie du contenu de l’acte ce sont ce qu’on appelle « les mentions manuscrites ».
Par exemple en matière de cautionnement l’article L341-3 du Code de la consommation dispose que « Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : “En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du Code civil et en m’obligeant solidairement avec X…, je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X…” ».
On peut préciser que l’acte authentique ou contresigné par avocat est toujours dispensé de reproduire les mentions manuscrites exigées par la loi article 1369 al. 3 et 1374 al. 3 du Code civil.
- Assouplissements jurisprudentiels
Parfois la loi exige un écrit, sans préciser la sanction. La jurisprudence considère la plupart de temps que lorsqu’un n’écrit n’est pas exigé à peine de nullité, celui-ci est exigé qu’à titre de preuve, on en trouve un exemple dans le Code des assurances à son article L 112-3 qui dispose « le contrat d’assurance est rédigé par écrit en français en caractères apparents ».
Or, ainsi que l’a décidé la Cour de cassation, « si le contrat d’assurance doit, dans un but probatoire, être signé par les parties, il constitue un contrat consensuel qui est parfait dès la rencontre des volontés de l’assureur et de l’assuré » (Civ. 1ère, 4 juillet 1978).
Enfin, le droit a dû évoluer avec la société et l’apparition du numérique, depuis une loi du 21 juin 2004 il est possible de contracter par voie électronique des contrats solennels. L’article 1108-1 du Code civil sur le principe de la liberté contractuelle dispose : « lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367, et, lorsqu’un acte authentique est requis, au second alinéa de l’article 1369 ».
Qu’est-ce qu’un contrat réel ?
Du même point de vue que le contrat consensuel, le contrat réel est un contrat dont la validité repose sur la remise d’une chose. L’article 1172 al. 3 du Code civil dispose que dans un contrat réel, « la loi sorbonne la formation » du contrat « à la remise de la chose ».
Aujourd’hui les contrats réels existent de moins en moins et seuls les prêts, à l’exception des prêts de consommation consentis par un professionnel du crédit, le dépôt et le don manuel sont des contrats réels.
Dans ce type de contrat, c’est la remise de la chose par la personne qui s’en dessaisit qui permet de prendre conscience de la gravité de son acte, et c’est pour cela que le contrat n’est formé qu’à ce moment précis.
Un accord de volonté intervenant antérieurement à la remise de la chose sera considéré comme une promesse de contrat réel. Cette promesse est en principe valable, mais son inexécution ne donnera lieu qu’à une indemnisation Civ. 1ère, 20 juillet 1981 « un prêt de consommation, contrat réel, ne se réalise que par la remise de la chose prêtée à l’emprunteur lui-même. L’inexécution fautive d’une promesse de prêt ne peut donner lieu qu’à des dommages-intérêts ».
L’acte authentique est-il ou pas un contrat consensuel ?
Un acte authentique est un acte solennel par excellence. Il n’est donc pas consensuel du fait du formalisme (écrit) dont il découle. Le contrat consensuel, comme il a été expliqué supra est un contrat qui ne nécessite pas l’accomplissement de formalités quelconques comme l’écrit. L’échange de consentements est suffisant.
Ainsi, l’acte authentique et l’acte sous seing privé sont tous les deux les opposés du contrat consensuel puisque les parties matérialisent leurs consentements par un écrit qu’ils ont rédigés et signés.
L’acte sous-seing privé quant à lui est rédigé et signé uniquement par les parties au contrat à l’opposé de l’acte authentique. En effet, un acte est authentique seulement lorsqu’un officier public tel que le notaire signe aux côtés des parties et confère par cette signature l’authenticité de l’acte.
En effet, un acte authentique nécessite au moment de sa signature, la présence des parties, ainsi que celle de l’officier public. Ce dernier vérifie l’identité des parties et s’assure qu’elles connaissent la portée de leur engagement ainsi que des conséquences.
En de termes plus clairs, l’officier public s’assure que le contrat ne soit pas vicié par les erreurs, les violences ou par le dol. Outre les signatures des parties, l’officier public doit également signer l’écrit pour attester de la régularité de ce contrat. Le caractère authentique est ainsi un moyen de protection de la volonté.
Ce formalisme assure également aux parties l’exécution des obligations contenues dans le contrat. Un acte authentique se substitue à un jugement pour l’exécution d’une obligation pécuniaire. Comme une décision judiciaire, l’acte authentique est exécutoire de plein droit. Les créanciers se trouvent mieux protégés contre les débiteurs récalcitrants.
De plus, un acte authentique a toujours une force probante renforcée par rapport aux actes sous seing privé. On peut donc en déduire que les contrats consensuels sont plus dangereux pour les parties au contrat que les actes authentiques, du fait de l’absence de support écrit et l’absence de certification d’absence de vices.
En dehors des cas où la forme authentique est une condition de validité du contrat (supra), les parties peuvent à leur gré recourir aux services d’un officier public pour sécuriser leurs consentements.
Nonobstant de la quasi-infaillibilité de la forme authentique par rapport au consensualisme, l’acte authentique n’est pas inattaquable. La présence d’erreurs, d’omissions dans l’acte peut faire l’objet d’une rectification par l’officier public.
Si de telles erreurs ou omissions ont causé un préjudice, la victime peur introduire une action devant le juge pour engager la responsabilité de l’officier public et obtenir des dommages et intérêts. Enfin, une action plus grave : l’action en inscription de faux peut aussi être engagée contre l’officier public en cas de mauvaise foi de celui-ci.
NB : Venez découvrir notre dernier article sur le contrat de société en suivant ce lien.