Un contrat à exécution successive est un contrat conclu entre deux parties au moins et dont les prestations ainsi que les obligations issues du contrat peuvent être exécutées en plusieurs prestations échelonnées dans le temps. Ainsi, on peut affirmer que le contrat à exécution successive consiste en l’établissement d’une relation contractuelle entre des contractants qui décident d’exécuter leurs obligations contractuelles sur une période donnée plus ou moins longue.
Il ressort de cette définition que c’est l’échelonnement des obligations contractuelles sur une période temporelle qui constitue la caractéristique principale d’un contrat à exécution successive. Toutefois, il faut savoir qu’il existe d’autres conditions qui permettent d’identifier les contrats que l’on dit à exécution successive et qui permettent de les distinguer des autres conventions admises en droit civil ; plus précisément en droit des contrats. Ces conditions, nous les évoquerons dans la suite de notre article.
Une précision s’impose d’ores et déjà ici sur la terminologie juridique qui est propre au contrat à exécution successive. Alors que l’on parle de résolution de contrat pour la plupart des conventions (lorsqu’elle intervient par le moyen d’une action en justice, on parlera de résolution judiciaire), lorsque nous nous situons dans un contrat à exécution successive, la terminologie juridique appropriée est celle de la résiliation du contrat.
Dans cet article, nous délivrerons un cours de droit sur la notion de contrat à exécution successive telle qu’elle est consacrée par le droit positif français et nous détaillerons nos propos sous tous les aspects. Ainsi, nous allons procéder à une analyse en deux volets. Tout d’abord dans une première partie, nous mettrons en lumière ce que recouvre la présentation du contrat à exécution successive. Ensuite, dans une seconde partie, il sera question pour nous de faire état de ce que prévoit la loi en cas d’inexécution du contrat à exécution successive.
Présentation générale du contrat à exécution successive
Dans cette section, nous donnerons une définition du contrat à exécution successive, puis nous délivrerons sa classification avant de le comparer aux autres types de conventions qui existent en droit des obligations.
Aperçu général du contrat à exécution successive
Pour mieux comprendre la notion de contrat à exécution successive, il faut se pencher sur l’article 111 alinéas 1 du Code civil.
Pour le législateur français, le contrat à exécution successive peut s’entendre de la convention dans laquelle un contractant prend l’engagement auprès de son cocontractant d’exécuter à l’égard de celui-ci plusieurs prestations échelonnées dans le temps.
Autrement dit, dans ce type particulier de contrat, les parties ont décidé d’engager leur liberté contractuelle sur une période plus ou moins longue au cours de laquelle chacun assure à l’autre d’exécuter son obligation (ou ses obligations) jusqu’à ce que survienne la fin de contrat que l’on nomme aussi le terme (qui en règle normale doit être décidée d’un commun accord).
Classification du contrat à exécution successive
Opposition préalable au contrat à exécution instantanée
Avant de catégoriser et de comparer le contrat à exécution successive, il est important de l’opposer et de le distinguer d’un autre type de convention : celle à exécution instantanée. Le schéma ci-dessous fait sortir les points de divergence entre contrat à exécution successive et contrat à exécution instantanée.
La durée dans le temps
C’est le premier élément fondamental de la distinction des deux types de contrats (contrat à exécution successive et contrat à exécution instantanée). En effet, selon le cours de droit des obligations, il faut retenir que le contrat à exécution instantanée est le contrat qui est exécuté en une seule prestation. Or dans le cas du contrat à exécution successive, les obligations contractuelles s’exécutent à chaque période donnée et peuvent durer dans le temps.
De façon imagée, prenons le cas d’un contrat de vente d’un bien mobilier tel qu’un vélo. Il s’agit dans ce cas précis d’un contrat à exécution instantanée dès lors que les pourparlers sont conclus, que le débiteur a remis les sommes qui sont dues et qu’il a pris possession du vélo.
Dans cette situation le contrat est réputé conclu. Il n’existe plus de lien contractuel entre le créancier et le débiteur, autrement dit, le créancier ne réclamera pas d’autres sommes au débiteur et celui-ci ne lui demandera pas un autre vélo, à moins qu’ils ne décident de contracter à nouveau pour l’achat d’un nouveau bien.
Les seuls contentieux qui pourraient frapper ce contrat seront liés soit à l’existence de certains vices sur le vélo, soit à l’existence d’un déséquilibre significatif entre la valeur vénale du vélo et les sommes reçues, soit à d’autres circonstances impliquant la responsabilité civile des deux contractants.
A contrario, prenons l’exemple d’un contrat de travail pour exposer le contrat à exécution successive. Si un salarié a conclu un contrat à durée déterminée (un CDD) avec un employeur par exemple, l’exécution du contrat ne s’arrête pas après le premier mois.
En réalité, le travailleur ayant exécuté ses prestations contractuelles tout le long du mois recevra son salaire en fin de période. Toutefois il poursuivra l’exécution de son obligation chaque mois qui suivra jusqu’à l’aboutissement du terme retenu. De la même manière, l’employeur devra lui remettre son salaire à chaque fin de période jusqu’à l’aboutissement de l’échéance retenue.
Même dans le cadre d’une sanction, il n’est pas possible en principe, pour l’un comme pour l’autre, de rompre la relation contractuelle de façon unilatérale et immédiate au risque de s’exposer au paiement de dommages et intérêts ou de perte de salaire dans le cas du salarié.
Toutefois, pour l’un comme pour l’autre il existe certaines situations particulières et précises qui peuvent entraîner la rupture immédiate du contrat de travail comme la faute lourde du salarié.
Lire aussi : Qu’est-ce qu’une condition potestative ? Découvrez sur cet article, la notion juridique et le régime juridique de la condition potestative. Droit des contrats et des obligations.
Les implications d’une annulation de la convention
Ce ne sont pas les mêmes règles qui s’appliquent au moment de l’anéantissement d’une convention selon qu’il s’agisse d’un contrat à exécution successive ou qu’il s’agisse d’une convention à exécution instantanée.
En effet, dans le cas du contrat à exécution instantanée, on parle d’un anéantissement rétroactif compte tenu du fait que dès lors que le juge en prononce la nullité, les parties se retrouvent dans leur situation de départ. C’est tout comme si elles n’avaient jamais contracté et qu’aucune obligation contractuelle ne demeurait à la charge des parties.
Ainsi, si au moment d’exécuter ses obligations, l’un des contractants avait remis un bien ou une somme d’argent, l’autre en doit la restitution. À titre illustratif, reprenons notre exemple sur la vente du vélo. Dans le cas où le juge annulerait le contrat parce qu’il allait à l’encontre de l’ordre public (supposons que le vélo appartenait à autrui), le créancier devrait alors retourner les sommes reçues au débiteur et celui-ci devrait lui retourner le vélo au véritable propriétaire.
Or dans un contrat à exécution successive, l’anéantissement du contrat ne peut avoir un effet rétroactif compte tenu du fait que l’obligation contractuelle de chaque partie était répétitivement fournie au fil du temps. Pour une meilleure compréhension, prenons le cas d’un contrat de bail entre deux parties.
Si au bout de trois mois, il s’avère que le juge annule le contrat, le locataire ne peut demander au bailleur de lui retourner les sommes perçues au cours des trois mois précédents. Ceci s’explique par le fait que durant ces trois mois, le locataire a utilisé et usé les locaux, ce qui était la contrepartie juste du loyer qu’il payait. Au total, l’anéantissement d’un contrat à exécution successive ne jouera que pour l’avenir.
La question du renouvellement de la convention
Il s’agit d’un autre critère qui permet d’établir une distinction entre le contrat à exécution successive et celui à exécution instantanée.
La conclusion du contrat à exécution instantanée implique que les parties sont d’accord pour exécuter leurs obligations une seule fois. S’il faut reconduire les liens contractuels, il est indispensable que les contractants affirment encore leurs volontés et définissent les modalités de cette nouvelle convention.
Or, les choses ne se passent pas ainsi pour le contrat à exécution successive, qui sous-entend déjà pour les parties la possibilité d’un renouvellement. En règle générale, lorsque les parties ne disent rien ou n’expriment pas une volonté contraire, le droit des contrats admet que leurs engagements sont renouvelés automatiquement.
Ainsi, lorsqu’à la fin d’un bail, aucune des deux parties n’exprime son souhait de résiliation, le bail continue de plein droit pour chacune d’elles. Dans ce cas, soit le locataire ou le bailleur peuvent unilatéralement décider, plus tard après la reconduction, de mettre fin à la convention. Ceci s’explique par le fait qu’à partir du renouvellement tacite, la convention devient à durée indéterminée.
La question des fluctuations monétaires
Un point important à noter par rapport au contrat à exécution successive est qu’il peut être impacté par le changement de la valeur monétaire. Étant donné que le contrat à exécution successive est échelonné sur une période de temps, et compte tenu du fait que la valeur de certaines monnaies n’est pas stable au fil du temps, il peut se poser un problème sérieux pour les parties.
En effet, la dépréciation du cours monétaire peut conduire une partie à l’exécution imparfaite de sa prestation. À titre d’exemple, prenons le cas d’un contrat de bail international conclu entre un bailleur français et un locataire américain. Les parties se sont engagées pour que le paiement du loyer soit fait en dollar. Au moment de la formation du contrat, il était retenu que le locataire paie un loyer de 500.000 dollars par an, soit 41.666 dollars par mois.
Or pendant ce temps, 1 euro faisait 1,10 dollar. Six mois plus tard, la valeur du dollar monte à 1,30 par euro. Ce changement affectera le créancier qui recevra toujours 41.666 dollars le sixième mois, mais avec un équivalent en euros beaucoup moins significatif.
Le schéma ci-dessous permet de faire le contraste de la dépréciation monétaire sur le contrat à exécution successive.
Les autres catégorisations du contrat à exécution successive
Pour procéder à cette catégorisation, nous allons nous poser certaines questions de droit sur le contrat à exécution successive par rapport aux autres types de convention qui existent en droit des obligations.
Le contrat à exécution successive est-il une convention synallagmatique ?
Il faut répondre par l’affirmative à cette interrogation parce que tout contrat à exécution successive implique que chacun des contractants exécute une prestation donnée. Même dans le cas où une partie soulève une exception d’inexécution parce que son cocontractant n’a pas rempli son obligation, il n’en demeure pas moins vrai que tous les deux disposent d’une obligation mutuelle l’un envers l’autre. On en déduit que le contrat à exécution successive doit être un contrat synallagmatique (ou une convention synallagmatique qui veut dire la même chose).
Le contrat à exécution successive est-il une convention gratuite ou onéreuse ?
En règle générale, il doit s’agir d’une convention à titre onéreux parce que chaque contractant doit avoir la charge d’exécuter une obligation pour le compte de l’autre et peut contraindre celle-ci à s’exécuter aussi en retour. Ainsi, en cas d’inexécution du contrat à exécution successive, le bénéficiaire de la prestation peut requérir que le juge oblige la partie défaillante à fournir la prestation réciproque qu’il devait.
Or dans un contrat à titre gratuit, il n’est pas possible de contraindre le créancier à une exécution forcée de la prestation. En effet, il s’agit d’un engagement unilatéral que celui-ci prend et le débiteur ne saurait se prévaloir de cet engagement pour requérir une exécution forcée. Par exemple, dans un contrat de donation, le bénéficiaire ne peut attraire le donateur devant la justice en arguant le motif que ce dernier tarde à honorer la promesse qu’il lui a faite.
Ainsi, on en déduit que le contrat à exécution successive est habituellement à titre onéreux.
Les autres types de catégorisation
Il faut préciser que le contrat à exécution successive peut rentrer dans plusieurs autres catégories différentes : il peut être un contrat d’adhésion tout comme une convention de gré à gré, il peut s’étaler sur une période indéterminée comme il peut être conclu pour une durée fixe connue, etc.
- 6 mars 1876, Arrêt Canal de Craponne: La force obligatoire du contrat.
- 22 février 1978, Arrêt Poussin: L’incertitude au sujet de l’authenticité des œuvres.
- 24 mars 1987, arrêt Fragonard: La nullité d’un contrat pour une erreur sur la substance de la chose
- 22 octobre 1996, Arrêt Chronopost: Les clauses limitatives de responsabilité dans le contrat de transport.
- 03 mai 2000, Arrêt Baldus: La reconnaissance de la réticence dolosive et de l’obligation d’information.
Défaillance dans l’exécution des prestations dans le contrat à exécution successive
Lorsqu’une partie n’exécute pas son obligation dans un contrat à exécution successive, elle s’expose aux mêmes types de sanctions que celles qui prévalent en droit commun des contrats.
Les sanctions admises pour l’inexécution du contrat à exécution successive
Le cas de la bonne foi contractuelle dans le contrat à exécution successive
Tout d’abord, lorsque le cas d’inexécution a rapport à un manquement à l’obligation de bonne foi, le juge peut décider de rendre le contrat à exécution successive nul. Le juge peut prononcer aussi la nullité lorsqu’une clause abusive sera insérée dans le contrat à exécution successive par l’une des parties. L’explication se trouve dans le fait que l’insertion de clauses abusives fait ressortir la mauvaise foi de celui à qui ces clauses profitent dans la relation contractuelle.
Si la nullité est prononcée aux torts exclusifs de l’une des parties, ce sera elle qui subira les conséquences négatives de la résiliation judiciaire. Cependant, le manquement à l’obligation de bonne foi n’entraîne pas de facto une résiliation du contrat à exécution successive puisque le juge peut tout simplement prononcer le paiement de dommages et intérêts à l’encontre de la partie qui s’est montré de mauvaise foi.
Cependant, le contrat étant prévu d’exister pour l’avenir, les parties doivent s’entendre à nouveau pour que les obligations soient exécutées de bonne foi par chacune d’elle : les parties peuvent même recourir à la révision des termes et conditions de la convention.
Le cas de l’inexécution de la prestation par l’une des parties au contrat à exécution successive
Deux cas peuvent être distingués : Soit, il est question d’une exécution partielle ou d’une inexécution totale.
Dans le cas où seule une partie des obligations essentielles a été exécutée par le débiteur, le créancier peut l’obliger à fournir le restant de sa prestation auquel cas il s’abstiendra aussi de fournir la totalité de la prestation réciproque qui lui échoit.
Rappelons toutefois que le débiteur peut voir sa responsabilité libérée lorsqu’il arrive à prouver que les manquements aux clauses contractuelles ne dépendent pas de sa volonté, mais sont dus à une force majeure (tempête, risques naturels, etc.).
Extinction du contrat à exécution successive
Tout comme les autres conventions, le contrat à exécution successive peut être frappé par la caducité du contrat, ce qui pourrait entrainer la rupture du contrat pour les parties. Rappelons que c’est l’article 1186 introduit par le législateur après la réforme du droit des obligations qui explique le terme de la caducité des conventions en général.
Par ailleurs, en faisant la requalification juridique du contrat, les juges du fond peuvent l’éteindre et donner naissance à un nouveau contrat. Toutefois, la Cour de cassation dispose d’un droit de regard sur toute requalification du contrat (même le contrat à exécution successive) lorsque celle-ci est opérée par une juridiction du fond. C’est ce qui ressort à travers la jurisprudence rendue par la troisième chambre civile de la haute juridiction en date du 8 mai 1974.
Hormis les cas spécifiques susmentionnés, le contrat à exécution successive disparaît dans les mêmes conditions que les autres conventions.