Une clause d’agrément consiste en une disposition que les actionnaires ou les associés d’une société incluent dans les textes de la société en vue de passer au peigne fin l’entrée d’un nouvel associé dans la société ou le partage des titres dans cette société. Décidée à la majorité simple ou à l’unanimité des actionnaires, la clause d’agrément constitue pour eux un moyen de protection vis-à-vis des nouveaux associés.
Sa rédaction peut avoir lieu dès la création de la société. À ce moment, la clause d’agrément est insérée dans les textes de base de la société, notamment ses statuts. En outre, elle peut aussi être insérée dans un pacte des actionnaires de la société.
L’article de base qui sert de fondement pour la cession des titres est l’article L228-23 du code de commerce. Certains spécialistes le considèrent d’ailleurs comme fondant le droit commun des clauses d’agrément.
Nous aurons pour tâche dans notre développement d’expliquer ce que recouvre la notion de la clause d’agrément. Le travail sera divisé en deux parties. Dans une première partie, nous allons présenter la clause d’agrément. Ensuite dans une seconde partie, nous exposerons son mode de fonctionnement.
Présentation de la clause d’agrément
Généralités sur la clause d’agrément
Définition de la clause d’agrément
On entend par clause d’agrément l’obligation qui est faite à un associé et dans une société, de ne pas céder ses droits sociaux à une tierce personne sans en aviser préalablement les autres associés. En d’autres termes, il s’agit de contrôler la cession des parts sociales d’un actionnaire en le soumettant à un agrément préalable de la part des autres actionnaires.
Exemple pratique : Messieurs Jean, Pierre et Jacques sont tous trois associés dans une grande entreprise. Monsieur Pierre manifeste le désir de faire une cession d’actions à Madame Anne qui n’est pas associée dans la société. Or au moment de la constitution de la société, les associés avaient inséré et fait signer entre eux des clauses d’agrément. À cause de ce mécanisme, Monsieur Pierre est obligé de rechercher l’agrément des associés Jean et Jacques avant de céder ses actions à Madame Anne.
Utilité de la clause d’agrément
Le but principal de la clause d’agrément consiste à contrôler l’entrée de nouveaux associés dans la société en posant un filtre de jugement par les actionnaires. Ainsi, l’actionnariat de la société sera stabilisé et de nouvelles intrusions ne feront pas pencher la direction ou le commandement de la société.
La clause d’agrément ne constitue pas un blocage pour le retrait d’un associé, mais plutôt un filtre pour l’intégration d’un nouvel associé au capital social de la société. Les actionnaires ne voudront pas, par exemple, que des concurrents fassent leur entrée dans la société. Ou encore que de nouvelles personnes sur qui ils n’auront pas d’influence prennent le contrôle de la société.
La clause d’agrément permet aussi de réguler le partage ou la répartition des titres entre les anciens associés.
Champ d’application de la clause d’agrément
En vue de déterminer le champ d’application, il faut se concentrer sur le caractère obligatoire ou non de la clause d’agrément.
Le caractère obligatoire de la clause d’agrément
En droit des sociétés, la clause d’agrément est obligatoire pour certaines formes sociales et on ne peut y déroger. C’est le cas par exemple des sociétés de personnes. En effet, dans une SNC, il est impérativement requis d’insérer dans les textes statutaires une clause d’agrément. La règle est la même pour la société civile et les sociétés de capitaux.
Notons par ailleurs que lors de la mise en place d’une clause d’agrément, les actionnaires doivent vérifier si ces deux conditions cumulatives sont réunies :
- Les titres sociaux ne peuvent faire objet de cession sur un marché financier ;
- Ils doivent nommément désigner leur propriétaire.
Le caractère facultatif de la clause d’agrément
Il concerne surtout la société par actions où aucune exigence légale n’est requise pour ce qui est de la clause d’agrément. Mais les statuts d’une SAS prévoyant une clause d’agrément ne seront qualifiés ni d’illégaux ni d’illicites. La loi permet en effet, sous certaines conditions, que les clauses d’agrément soient incorporées dans les statuts d’une SAS. Essentiellement, il est exigé que la SAS ne soit pas cotée en bourse, avant que ne soit insérée dans ses statuts une clause d’agrément.
Selon le code de commerce en son article, L228-23 prévoit la sanction retenue en cas de violation de cette règle. En la matière, la clause d’agrément sera frappée de nullité et considérée comme n’ayant jamais existé.
Pour les questions procédurales, tout part de la notification de l’associé qui souhaite effectuer la cession de titres et qu’il envoie aux autres associés. Ceux-ci l’examinent et lui donnent une réponse dans l’intervalle de trois mois. Leur silence après ce délai rend les cessions de titres valides.
Spécificité du champ d’application de la clause d’agrément
Il faut noter qu’aujourd’hui le champ s’est beaucoup élargi pour les SAS. Deux textes permettent de faire le constat :
- L’ordonnance du 24 juin 2004 modifiant le régime juridique des valeurs mobilières.
- Le code de commerce, précisément en son article L228-23.
La lecture croisée de ces textes permet de conclure que les associés ont dorénavant la possibilité de faire la cession de toute sorte d’actions de même que de toutes sortes de valeurs mobilières. On y inclut les valeurs mobilières qui permettent d’avoir accès au capital social de la société.
En d’autres termes, la clause d’agrément pourra concerner les types de cessions ci-après :
Enfin, il n’est pas rare de voir la clause d’agrément étendue à des opérations comme une fusion ou une scission. On en veut pour preuve l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 15 mai 2007.
A voir aussi :
C’est quoi une clause résolutoire ? Définition | Régime juridique | Rédaction
C’est quoi une clause compromissoire ? Définition | Régime juridique | Rédaction
Le mode de fonctionnement de la clause d’agrément
Régime procédural encadrant la clause d’agrément
Procédure générale conduisant à la clause d’agrément
De prime abord, l’associé qui désire céder ses titres soumet une requête à l’ensemble des autres actionnaires. Cette requête est formulée à travers une demande d’agrément qui leur est adressée.
Ensuite, l’assemblée des associés de la société, se réunit, puis étudie la demande et dans une période de trois mois fait part au cédant de leur position. La décision est prise à la majorité des actionnaires, toutefois cette majorité est définie par les clauses statutaires de la société.
La réponse de l’assemblée peut être soit une acceptation de la cession ou un refus d’agrément pour la cession. Quel que soit le cas, le cédant doit recevoir notification de la position de l’assemblée. Celle-ci est envoyée par un écrit, généralement une lettre recommandée.
Dans le cas d’un refus par l’assemblée de la cession, ce sont les actionnaires eux-mêmes qui doivent procéder au rachat des parts ou actions. De façon exceptionnelle, un tiers agréé peut aussi racheter lesdites parts ou actions.
Enfin, en cas de silence de l’assemblée, on considère que celle-ci a approuvé la cession et le cessionnaire pourra acquérir les actions à juste titre.
Les mentions obligatoires sur la demande d’agrément
Pour être valable auprès des associés, la demande d’agrément doit comporter certaines mentions obligatoires. Le schéma ci-dessous présente les mentions fondamentales d’une demande d’agrément :
Les contraintes de la clause d’agrément
Sanctions en cas d’inobservance de la clause d’agrément
Généralement, le non-respect de la clause d’agrément appelle deux types de sanctions. Il faut se demander quel mécanisme prévoit la clause d’agrément.
Dans le cas où c’est au moment de la rédaction des statuts de la société que la clause d’agrément était instaurée, toute violation de cette dernière induit la nullité de la cession faite. Autrement dit, les actions ou parts cédées sans l’aval des autres associées sont nulles et de nul effet.
En revanche, si c’est par un pacte d’associés que la clause d’agrément est insérée, celui qui a fait la cession sera sommé de payer des dommages et intérêts à tous les autres associés. Mais à ce niveau, la cession n’est pas frappée de nullité.
La difficile association entre la clause d’agrément et d’autres clauses
Pour protéger un transfert hasardeux des droits sociaux et éviter que d’autres personnes ne leur arrachent la majorité des parts ou actions, les actionnaires peuvent, en plus de la clause d’agrément, prévoir une clause léonine, une clause de cession forcée voire une clause de préemption.
Il va sans dire que la clause d’agrément présentait déjà certaines contraintes ; avant d’y ajouter de nouvelles, il est impérieux que les associés ou actionnaires usent de tact et de vigilance, surtout au moment de la rédaction d’un pacte d’actionnaire. En réalité, les clauses risquent d’être incompatibles entre elles, ce qui peut nuire à la relation contractuelle ou à la société en général.
Un cas illustratif simple est celui de la clause d’agrément et de la clause de préemption. Les deux clauses, très souvent, ne peuvent être juxtaposées ensemble, ce qui oblige à choisir l’une au détriment de l’autre. Par clause de préemption, on entend la faveur qui est donnée à certains associés s’il devait y avoir une cession de titres. En effet, un droit d’achat leur est accordé en priorité dès lors qu’il existe un droit de préemption à leur endroit.
Un second exemple est celui de la clause d’inaliénabilité qui ne peut aussi se juxtaposer à la clause d’agrément. En effet, cette clause, en vue de préserver l’actionnariat de la société, ne permet pas que soient cédées certaines actions ou parts sociales.
C’est dans cette optique qu’il est nécessaire pour les associés de faire appel au concours des techniciens du droit des sociétés lors de la rédaction de leurs pactes d’actionnaires.
Exemples pratiques de clause d’agrément dans quelques types de société
Selon le type de société dans laquelle elle est inclut le poids de la clause d’agrément peut varier.
La clause d’agrément dans la Société à Responsabilité Limitée (SARL)
Obligation légale d’insertion de la clause d’agrément dans les statuts
L’insertion d’une clause d’agrément dans les statuts d’une SARL reste une obligation légale. Les actionnaires ne peuvent déroger à cette obligation en omettant de faire figurer parmi les clauses statutaires la clause d’agrément. Dans ce type de société, avant l’obtention de l’agrément par l’associé cédant, il faut qu’il obtienne la majorité des voix favorables auprès des autres associés.
La loi recommande que la majorité soit obtenue non seulement par rapport au nombre d’associés, mais également par rapport aux parts sociales disponibles dans la SARL. Par ailleurs, il est important que le total des actions ayant donné l’agrément corresponde au minimum à la moitié des parts sociales détenues dans la société.
Mentionnons toutefois qu’il est possible de prévoir au moment de la rédaction des statuts de la SARL une majorité beaucoup plus significative que la majorité simple.
Si la loi fait exigence que la clause d’agrément figure dans les statuts de la SARL, elle oblige également les associés à sa stricte application au moment de la cession des parts sociales par l’un d’eux.
Procédure de mise en œuvre de la clause d’agrément
Deux possibilités permettent de notifier à la tierce personne l’intention de la cession. Elle peut se faire soit par une lettre recommandée avec accusé de réception qui est adressée au tiers, ou elle peut se faire également par tout acte extra judiciaire.
Dans le cas où les associés n’ont pas validé la cession et ont refusé l’agrément au cédant, la loi permet quand même à ce dernier d’être protégé contre un abus de la part de ses coassociés. En effet, une particularité existe par rapport à l’associé qui dispose de ses parts sociales depuis plus de deux années.
Dans ce cas, la loi fait obligation aux responsables de la SARL de fixer un prix pour les parts sociales et procéder à leur acquisition. Pour ce faire, ils disposent d’un délai de trois mois qui commence à courir à partir du jour où ils ont reçu la notification du projet de cession de l’associé. À l’expiration du délai, s’ils n’y arrivent pas, la cession de parts prévue au départ par l’associé pourra se faire en toute légalité.
La loi va plus loin en écartant ce délai de deux années de détention de parts dans certains cas. Il en est ainsi lorsque l’associé cédant avait acquis les parts par voie successorale. C’est le même cas pour le cédant qui l’avait acquis suite à une liquidation de communauté de biens. Les parts sociales peuvent provenir des ascendants et descendants, ou d’une donation entre époux, etc.
Extension de la clause d’agrément
Les statuts de la SARL peuvent prévoir également d’élargir le champ d’application de la clause d’agrément afin de mieux encadrer toute transmission des parts sociales même à des personnes liées à un associé. Comme exemples de personnes touchées par une extension statutaire, on peut se référer au schéma ci-dessous :
Pour chacun de ces cas ci-dessus, les statuts prévoient eux-mêmes la majorité des associés requis avant que les transmissions ne soient possibles.
La clause d’agrément dans la Société anonyme et dans les SAS
Les règles sont comparables à celles évoquées ci-dessus pour ce qui concerne la Société anonyme et les Sociétés par actions. En effet, dans une société anonyme comme dans une SAS, tant que les statuts de la société n’ont pas fait de prévision particulière, les associés ne peuvent donner leur agrément sur une cession d’actions. Les associés peuvent céder les actions entre eux ou avec d’autres personnes étrangères à la société. Concernant la notification de la cession, elle est codifiée dans la clause statutaire.
Cependant, il est important de mentionner que l’agrément ne peut se faire dès lors que les actions peuvent se négocier sur un marché réglementé.
Dans le cas où les associés n’auront pas validé la cession d’actions, la même protection de l’associé cédant est admise pour la société anonyme.
Une précision importante à apporter pour la société anonyme est que la clause d’agrément doit désigner les organes susceptibles de donner l’agrément. Il peut s’agir soit du conseil d’administration ou tout simplement de l’assemblée générale des associés. Elle doit préciser aussi quels sont les critères de cession des droits admis. Autrement dit, est-il possible pour une personne externe d’acquérir des parts ? L’agrément est-il à la majorité simple ou à l’unanimité des actionnaires ? etc.
Le cas des autres types de sociétés
Pour ce qui concerne les sociétés en nom collectif, il est exigé le consentement absolu et unanime de tous les associés avant que l’agrément ne puisse être accordé à l’associé cédant.
Le Code civil prévoit les mêmes conditions d’acceptation de l’agrément pour la société civile. C’est l’article 1861 du Code civil qui le mentionne.
Précisons enfin que, pour tout type de société, lorsque les actionnaires ne s’entendent pas sur le prix que le cédant a proposé pour les titres, ceux-ci peuvent dépêcher un expert. L’expert se chargera de l’évaluation de la valeur du prix de cession des titres.