La cession de contrat consiste en la possibilité offerte à une tierce personne (que l’on appelle le cessionnaire) de devenir partie à un contrat en cours d’exécution entre un contractant (que l’on nomme le cédant) et son cocontractant (qui est aussi appelé le cédé).
Alors que le législateur était intervenu pour préciser le fonctionnement de certains contrats de droit commun tels que le contrat de bail ou le contrat de location, il n’en était pas ainsi de la cession de contrat qui avant la réforme de 2016 était assimilable à d’autres types de contrats.
Ainsi, en dépit du fait que la cession de contrat avait déjà été prise en considération par la jurisprudence, il fallait attendre la réforme du droit des contrats pour que ce mécanisme juridique soit explicitement mentionné dans le Code civil. C’est à partir de l’article 1216 et suivant que le Code civil est venu apporter des précisions indispensables au bon fonctionnement de la cession de contrat.
Afin de bien comprendre ce qu’est la cession de contrat ainsi que son régime juridique, nous allons consacrer la première partie de cet article à la définition de la cession de contrat comme prévu par le Code civil (Partie 1). Puis dans une seconde partie, nous présenterons son régime juridique de manière détaillée (Partie 2).
« Cession de contrat : Définition du Code civil »
Présentation de la cession de contrat
Définition
La cession de contrat est une opération juridique qui implique trois parties. Il s’agit d’abord du contractant (le cédant) qui est la personne qui va céder sa qualité de partie. Ensuite il y a le cocontractant (le cédé) qui est l’autre contractant. Enfin, on a aussi le tiers (le cessionnaire) qui devient la nouvelle partie au contrat.
Le schéma ci-dessous permet de résumer la relation entre les parties :
Exemple pratique : Madame Jeanne a conclu un contrat de bail avec Monsieur Pierre. Monsieur Pierre qui est le bailleur décide de céder la chose objet de bail à Monsieur Jacques. Le nouvel acquéreur, Monsieur Jacques n’a pas le droit d’expulser Madame Jeanne à cause de la cession de bail. En effet, celle-ci dispose d’un droit au bail dont la date est certaine.
Il existe traditionnellement trois sources pouvant conduire à la cession de contrat. Soit, elle peut procéder de la volonté des parties qui décident de rédiger une convention de cession. Soit, elle peut-être l’œuvre de la loi (on parle dans ce cas de cession légale). Enfin, elle peut être initiée par le juge, dans ce cas on parle d’une cession judiciaire.
Par rapport au champ d’application, la cession de contrat s’effectue dans un contrat à titre onéreux ou à titre gratuit. Mais il est préférable que ce soit un contrat à exécution successive.
Une fois la définition de la cession de contrat présentée, nous allons la différencier des autres contrats similaires, ainsi que d’autres types de cession.
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Distinction de la cession de contrat avec les contrats voisins
La cession de contrat n’est pas un sous-contrat
Quand on parle de sous-contrat, on fait nécessairement référence à une situation de superposition des rapports contractuels où un second contrat accessoire vient se greffer à un principal.
Dans ce cas, l’une des parties sort du contrat initial et confie ses droits et obligations à une nouvelle partie qui y entre. La cession de contrat diffère de ce mode de cession de droits : elle est tripartite dès le départ et aucune des parties n’en sort pour être substituée par une autre.
La cession de contrat n’est pas un contrat de novation ou une resolution du contrat
Pour que la novation soit valide, il est impérieux pour les parties de manifester l’intention de nover dans le but de mettre fin au contrat. En revanche, dans la cession de contrat, le but recherché n’est pas l’extinction, mais plutôt l’exécution du contrat par les parties.
Dans le cas de la résolution du contrat, on cherche à annuler les effets obligatoires des engagements pris par les parties à un contrat, car l’une d’elles n’a pas exécuté l’une ou plusieurs des obligations essentielles du contrat qui a été signé.
La cession de contrat n’est ni une stipulation pour autrui, in un contrat de délégation
Malgré le fait que la cession de contrat tend à se rapprocher de ces mécanismes et qu’elle a été par le passé identifiée à eux, il faut reconnaitre qu’elle opère une véritable distinction par rapport au contrat de délégation ou par rapport à la stipulation pour autrui.
En effet, dans un contrat les droits patrimoniaux peuvent être cédés : il s’agit des créances et les dettes. Ce qui suppose un actif et un passif. Pour y arriver, en transférant l’actif, on a recours à une cession de créances et en transférant le passif on a recours à une délégation ou à la stipulation pour autrui.
Ainsi, de nombreux théoriciens du droit basent leur raisonnement sur le fait que l’exigence de l’accord du cédé est requis dans la cession de contrat autant que dans la délégation ou la stipulation pour autrui.
Cependant, depuis la réforme du droit des obligations de 2016, la cession de contrat dispose d’un mode unique de fonctionnement qui est différent du simple transfert des droits patrimoniaux.
Distinction de la cession de contrat avec les autres types de cession
En droit de propriété, il existe différents types de cessions de droits et d’obligations. Ainsi, on peut distinguer la cession de créance, la cession de dette ou encore la cession de contrat. Cependant, ces terminologies juridiques diffèrent les uns des autres.
La différence fondamentale entre la cession de contrat et les autres types de cession tient au contenu de l’ensemble des droits et/ou des obligations cédés.
En effet, dans la cession de créances, c’est uniquement les créances qui sont cédées. De même dans une cession de dettes, seules les dettes sont cédées aux autres parties.
Or dans la cession de contrat, c’est l’ensemble du contrat qui est cédé, y compris les autres sûretés et garanties qui y sont liées. Il s’agit non seulement de tous les droits potestatifs, mais aussi des créances et enfin des dettes qui sont greffées au contrat.
Par ailleurs, il n’est pas nécessaire d’obtenir l’acceptation du débiteur cédé avant que la cession de créance ne soit valide. C’est l’inverse qui se produit en cas de cession de contrat où cet accord est une condition de validité du contrat et de la cession.
La figure ci-dessous permet de faire ressortir la différence entre ces trois cessions :
Présenté comme tel, nous pouvons nous poser la question de savoir, quelles sont les conditions de cession du contrat et quelles sont les règles à appliquer ?
Ces règles sont-elles identiques à celles appliquées en cas des cessions de créance ou de dettes par exemple ?
Une fois encore, l’ordonne du 10 février 2016 ayant modifié le droit français des contrats intervient pour appuyer l’originalité de la cession de contrat. Autrement dit, elle implique des règles propres et des principes particuliers.
Les conditions de la cession de contrat
Tout comme les autres types de cession, certaines conditions de fond et de forme caractérisent toute opération liée à une cession des contrats entre les parties.
Les conditions de fonds de la cession de contrat
À côté des conditions traditionnelles de fond pour tous les contrats, il existe d’autres conditions de fond spécifique à la cession de contrat.
Tout d’abord, il faut rappeler que pour qu’elle soit valide, la cession de contrat doit être établie entre un cédant et un cessionnaire qui doivent jouir tous les deux de leur capacité juridique contractuelle.
Par ailleurs, chacun d’eux doit avoir donné son consentement sans y être forcé ni trompé. Enfin, l’objet et la cause de la cession doivent être conformes à la loi ainsi qu’aux normes juridiques de la société. Tous ces critères sont présentés par l’article 1128 du Code civil.
Par rapport aux conditions de fond spécifiques à la validité de la cession du contrat lui-même, il est impérieux de rechercher la volonté du cocontractant cédé. Autrement dit, si le cocontractant cédé n’a pas donné son accord pour l’opération de cession de contrat, celle-ci encourt la nullité, même si les autres conditions étaient respectées.
L’intérêt se trouve dans le fait que dans un contrat de cession, la qualité du créancier n’est pas préjudiciable pour l’exécution des termes du contrat par le débiteur, or le débiteur revêt une importance capitale pour le cédé : il doit savoir à qui s’en tenir pour l’exécution du contrat.
Aussi, le cédant et le cédé peuvent s’entendre pour mentionner dans le contrat, à travers une clause d’accord anticipé, que le cocontractant cédé puisse apporter son acceptation bien avant l’exécution du contrat.
Pour dire les choses simplement, son accord peut être recueilli par avance sur l’exécution du contrat. Si cette hypothèse est retenue, elle ne commence à jouer contre le cédé qu’à partir du moment où la conclusion du contrat entre le cédant et le cessionnaire est notifiée, dans les conditions prévues au cédé. Par ailleurs, ce dernier doit le reconnaître en prenant acte. La notification peut se faire par une lettre recommandée avec accusé de réception.
Enfin, la dernière condition est que le contrat ne pas contenir de clauses susceptibles d’empêcher la substitution entre les parties.
Les conditions de forme de la cession du contrat
Étant donné qu’il s’agit d’un contrat solennel et donc pas d’un simple contrat consensuel, la formalité essentielle exigée avant la validité de la cession de créance est qu’elle soit constatée par un écrit. Il peut s’agir d’un acte authentique rédigé devant le notaire ou d’un acte sous seing privé rédigé par les parties. Il ressort également de cette condition que la cession tacite d’un contrat n’est pas admise en droit français.
Par ailleurs, notons une souplesse par rapport aux formalités exigées pour les autres contrats solennels telles que : le respect de certaines mentions obligatoires, la publication du contrat pendant un délai donné, etc.
Le régime juridique de la cession de contrat
Les effets de la cession du contrat
Les effets entre les parties
La cession de contrat opère un transfert de propriété du contrat qui cesse d’impliquer le cédant et le cédé, mais met en jeu à présent le cédé et le cessionnaire. Il s’agit de l’effet translatif de la cession pour les parties.
Mentionnons toutefois ici le cas où le cédant est solidaire de la dette avec le cessionnaire. On peut se demander si l’engagement du cessionnaire ne concerne que les obligations nées après la cession ou si elles ont trait même aux obligations nées avant la cession du contrat. À cette question la jurisprudence semble pencher pour la seconde option.
Les effets particuliers à l’égard du cédant
Dans ce cas, il faut analyser si le cédant est libéré par le cédé ou s’il ne l’est pas. Dans le cas où le cédé a pu consentir de façon expresse la cession de contrat, le cédant devient libéré pour le futur par rapport au contrat et à ses implications.
Dans le cas contraire où ni la volonté ni la prise d’acte du cédé ne sont consenties, le cédant demeure solidairement lié quant à l’exécution du contrat.
Autrement dit, le cédé dispose de la faculté de se retourner à la fois contre les deux débiteurs, c’est-à-dire le cessionnaire et le cédant.
La libération du cédant par le cédé
Le fait que le cédé reconnaisse ou accepte le cessionnaire ne signifie pas que le cédant est pour autant libéré, encore faut-il que le cédé le veuille et le mentionne clairement. Ainsi, le cédé peut en effet décider de ne pas libérer le cédant afin que celui-ci lui serve de garant voire de caution dans le but de rendre le cessionnaire solvable.
Dans le pire des cas, si aucun des deux n’est solvable, le cédé peut solliciter un huissier en vue de se faire rembourser la dette.
La question de l’opposabilité de la cession du contrat
L’opposabilité des exceptions dans la cession de créance
Une fois le contrat de cession établi, le cessionnaire est en mesure d’invoquer l’opposabilité des exceptions à l’égard du cédé et du cessionnaire. Par rapport au cédé, on doit faire la distinction entre les exceptions inhérentes à la dette, mais également les exceptions liées à la personne du cédant.
Au titre des exceptions inhérentes relatives à la dette, on peut faire cas de la nullité absolue de la dette, du fait qu’elle ait déjà été payée, etc. Mentionnons par ailleurs qu’en cas d’inexécution contractuelle par le cessionnaire, le cédé peut s’en prendre à lui en vue de demander réparation ou compensation.
Pour ce qui concerne les exceptions inhérentes à la personne du cédant, il n’a pas la possibilité de les opposer au cédé.
Ainsi, prenons l’exemple d’un cessionnaire qui a reçu la transmission de locaux loués par un cédant. Si dans le paiement des loyers relativement au contrat de cession, le cédant lui avait octroyé un terme, celui-ci n’est pas opposable au cédé.
La situation des sûretés dans le contrat de cession
Proportionnellement à l’analyse faite au niveau des effets du contrat de cession, une réflexion pareille se dégage concernant la finalité des sûretés consenties par le cédant ou par de tierces personnes au contrat. Il faut en effet examiner si le cédé a libéré le cédant ou s’il ne l’a pas fait.
Dans la situation où le cédé a libéré le cédant, toute sûreté consentie par ce dernier à une tierce personne n’a plus de raison d’être. Elle ne pourra donc pas être transférée au cessionnaire. Dans le cas inverse où le cédé n’a pas libéré le cédant, toute sûreté consentie demeure et pourra donc être transférée vers le cessionnaire.
La situation des potentiels codébiteurs solidaires du cédant
Il s’agit de la situation où le contrat est conclu avec plusieurs cocontractants (au minimum trois) et qu’il y en a parmi eux qui sont tenus solidairement. Supposons à présent qu’une des parties solidairement liées aux autres prend la décision de céder le contrat. Quelle sera la destinée des autres codébiteurs, eux aussi liés solidairement ? Une distinction s’impose aussi dans ce cas : le cédé a-t-il libéré le cédant ?
Si oui, tous les codébiteurs solidaires restent liés, déduction faite de la contrepartie qui revenait au cédant dans l’obligation contractuelle. Dans le cas contraire, tous les codébiteurs solidaires restent liés quant au paiement de la totalité du montant dû. Ainsi, il se pose la question de savoir si les codébiteurs méritent une remise partielle de la dette.
Cas particuliers de certaines cessions de contrat
La cession de contrats de travail
Il faut faire recours à l’article L1224-1 du Code du travail pour mieux comprendre ce type de cession de contrat. Ce qui ressort de cet article est que, à l’occasion d’une cession d’entreprise, une modification juridique de la situation de l’employeur peut survenir.
Il peut s’agir d’une autre entreprise qui devient son successeur, ou d’un contrat de vente établi pour transférer les droits de propriété à un autre employeur, etc. Dès lors, la loi prévoit que tous les contrats qui étaient valides avant que la vente ne se forme continuent d’exister entre le nouvel employeur et les salariés.
La cession de bail
Les baux constituent des cas de cession de contrats faits isolément. La règle en la matière est la liberté dans la cession du bail. La recommandation principale est que la cession ne doit pas être interdite au preneur.
Par ailleurs, de source jurisprudentielle, lorsqu’il y a cession du droit qui provient du contrat de bail, il y a également cession des obligations qui y sont liées.