Article 9 du Code civil : Qu’est-ce que le droit au respect de la vie privée ?

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Le droit au respect de la vie privée selon la règle de droit ou la règle juridique est un concept relativement flou qui peut s’analyser comme l’ensemble des éléments qui concernent l’intimité d’une personne. A ce titre, l’article 9 du Code civil, alinéa 1er, entend protéger cette vie privée et consacre expressément le droit au respect de la vie privée, en énonçant, notamment, que « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».

Article 9 du Code civil : Le concept du droit au respect de la vie privée

L’article 9 du Code civil relève donc du domaine du « secret », de ce que la personne préfère ne pas exposer (comme elle peut le faire dans la sphère publique, par exemple).

Face aux atteintes qui pouvaient être portées à la vie privée des individus, le « droit français » a, ainsi, pris conscience de la nécessité de protéger la vie privée et de créer un mécanisme de protection autonome.

Aussi, et avant même que le législateur français ne le garantisse pleinement, le droit au respect de la vie privée de l’article 9 du Code civil a d’abord été consacré par le droit international et européen : au sein de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, par exemple, en son article 8 (cet article proclame le droit de toute personne au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance »), mais, également, au sein de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (article 12), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 17) et de la Charte des droits fondamentaux (article 7).

C’est la jurisprudence, ensuite, qui a entendu protéger ce droit si particulier, en réaction, notamment, au régime trop « strict » de la responsabilité civile, qui impose la démonstration d’un préjudice subi par la victime. Depuis lors, la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre, alors, droit à réparation (la jurisprudence, en ce sens, a, dès lors, consacré l’autonomie de la protection de ce droit).

Cette prise de position par les juges a, finalement, amené le législateur français à prendre ses responsabilités, avec la loi du 17 juillet 1970. Par cette loi, le législateur a, ainsi, légalisé la jurisprudence existante et introduit, au sein du code civil, ce fameux article 9 du Code civil qui permet au juge civil (outre la possibilité pour la victime d’agir sur le terrain de la responsabilité civile et d’obtenir des dommages et intérêts) de « prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé ».

Notons, enfin, que le droit au respect de la vie privée a également été consacré sur le plan constitutionnel et, qu’à ce titre, le fondement de la valeur constitutionnelle de ce droit a quelque peu évolué. En effet, la consécration de ce droit, par les juges constitutionnels, n’a été admise, au départ, qu’à travers le principe de la liberté individuelle, garantie par l’article 66 de la Constitution (par exemple : Décis. Cons. Cons. N° 94-352 DC, 18/01/1995).

Puis, le Conseil a admis, dans une décision en date du 23 juillet 1999 (Décis. Cons. Cons. N°99-416 DC, 23/07/1999), que ce droit devait être rattaché à l’article 2 des sources du droit de la DDHC de 1789, qui prévoit que « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression », et notamment au droit fondamental qu’est la liberté.

Le droit au respect de la vie privée de l’article 9 du Code civil est donc un droit fondamental, garanti à tous les niveaux. Mais, finalement, qu’est-ce que le droit au respect de la vie privée ? Quelles sont les limites de ce droit ? Quelles sont les atteintes pouvant être portées à ce droit et comment les prouver ?

Qu’est-ce que le droit au respect de la vie privée ? | Article 9 du Code civil

Le droit au respect de la vie privée de l’article 9 du Code civil n’a aucune définition légale. S’il renvoie au domaine de l’intimité, pour autant son contenu reste relativement vague.

Certains auteurs se sont, toutefois, essayés à donner une définition de la notion de « vie privée ». Ainsi, Badinter a tenté de définir cette notion de manière négative, en l’opposant à la vie publique qui constitue « la part de notre vie qui se déroule en présence du public », tandis que le doyen Carbonnier a vu cette notion comme « la sphère secrète de la vie où l’individu aura le pouvoir d’écarter les tiers ».

Les juges ont, également, essayé de définir la vie privée. Il s’agirait, alors pour les juges français du « droit pour une personne d’être libre de mener sa propre existence comme elle l’entend avec le minimum d’ingérences extérieures » (Paris, 15/05/1970). Quant aux juges européens, ceux-ci ont retenu une conception de la vie privée la plus large qui soit, notamment en rattachant à cette notion les convictions personnelles, la santé, la vie familiale, le sexe…

Mais finalement, quel est le domaine de la vie privée et qui peut être protégé à ce titre ?

Article 9 du Code civil : Quel est le domaine du droit au respect de la vie privée ?

En la matière, la jurisprudence (nationale et européenne) est très riche. Ainsi, les juges français ont pu faire rentrer dans la sphère de protection du droit au respect de la vie privée (article 9 du Code civil) :

  • le droit au respect du domicile : à ce titre, il est reconnu que « la publication dans la presse de la photographie de la résidence d’une personne, accompagnée du nom du propriétaire et de la localisation précise, constitue une atteinte au respect de la vie privée» ( 2è, 05/06/ 2003,  n° 02-12.853) ; de même, « Constitue une atteinte à la vie privée, ouvrant droit à réparation, le fait pour un bailleur de faire visiter les locaux loués sans avertir le locataire » (Civ. 3è, 25/02/2004,  n° 02-18.081) ; 
  • le droit à l’image (qui fait l’objet d’un régime spécifique, bien que l’atteinte portée à ce droit soit aussi sanctionnée sur le fondement de l’article 9 du Code civil; Civ. 1ère, 10/05/2005,  n° 02-14.730) ;
  • le droit aux opinions religieuses et philosophiques : ainsi, « la révélation publique de la pratique religieuse d’une personne, en vue de la déconsidérer et de susciter des attitudes discriminatoires, constitue une atteinte au respect dû à sa vie privée » ( 1ère, 06/03/2001, no 99-10.928) ;
  • le droit à la vie sentimentale : par exemple, «la divulgation des relations entretenues par une jeune femme avec un sportif célèbre constitue une violation du droit au respect de la vie privée » ( 2è, 24/04/2003, n°01-01.186) ; 
  • le droit à la santé : les informations relatives à la santé sont également protégées. Ainsi, « une personne peut s’opposer à ce que son état de santé soit commenté dans un article qui serait destiné à susciter la curiosité du public et à exploiter à des fins commerciales sa vie privée» (Paris, 09/07/1980) ;

Quant aux juges européens, ceux-ci ont largement contribué à enrichir le domaine de la protection de la vie privée. A titre d’exemple, la CEDH a pu faire rentrer dans le domaine du droit au respect de la vie privée la vie sexuelle d’une personne (ainsi, « le refus de retranscrire un changement de sexe à l’état civil est une violation du droit au respect de la vie privée » : CEDH, 25/03/1992, Botella c/ France).

Notons, enfin, que le droit au respect à la vie privée de l’article 9 du Code civil permet, également, de protéger les données personnelles électroniques d’une personne (ainsi, le Règlement général de protection des données permet une protection des données personnelles et permet aux individus d’avoir une meilleure maîtrise de leurs données personnelles ; elles disposent, dès lors, d’un droit à l’oubli, d’un droit à l’effacement de leurs données, d’un droit de rectification, etc.) et permet de protéger la vie privée du salarié sur son lieu de travail (ainsi, le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée).

Quelles sont les personnes concernées par le droit au respect de la vie privée ?

Le droit positif est sans équivoque en la matière : « toute personne, quel que soit son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée » (Civ. 1ère, 23/10/1990, n°89-13.163 ; Civ. 1ère, 27/02/2007, n°06-10.393).

Cela concerne donc, bien évidemment, les mineurs (Civ. 1ère, 18/05/1972, n°70-13.377 ; CEDH, sect. 1, 15/01/2009, R. et D. c/ Grèce), ainsi que les majeurs protégés (Civ. 1ère, 24/02/1993, n°91-13.587 ; Civ. 1ère, 13/12/2017, n°17-18.437 ; CEDH, sect. 2, 14/05/2002, Zehnalova et Zehnal c/ Rép. tchèque, no 38621/97).

Par ailleurs, notons que « le droit d’agir pour le respect de la vie privée de l’article 9 du Code civil s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit » (Civ. 1ère, 14/12/1999, n°97-15.756 ; Civ. 2è, 08/07/2004, n°03-13.260). Ainsi, les héritiers ne bénéficient pas du droit d’agir au nom de la personne décédée (Paris, 28/04/2003 ; CEDH, sect. 5, 19/07/2012, Koch c/ Allemagne, n°497/09). Il s’agit donc  d’un droit strictement personnel et propre à la personne concernée (notons, toutefois, que les ayants cause peuvent agir sur le fondement de l’article 9 du Code civil, dès lors que le tiers a porté atteinte à la mémoire du défunt ; Civ. 1ère, 01/07/2010).

Enfin, notons que la jurisprudence se refuse à reconnaître un droit au respect de la vie privée de l’article 9 du Code civil pour les personnes morales (tel qu’il est visé par l’article 9 du Code civil, pour les personnes physiques). En effet, bien qu’elles aient droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances ou de leur réputation, les personnes morales n’ont pas qualité pour invoquer une atteinte au droit à la vie privée, telle qu’elle est garantie pour les personnes physiques (Civ. 1ère, 17/03/2016, n°15-14.072 ; Crim. 16/01/2019, n°1783.006).

Article 9 du Code civil : Quelles sont les limites du droit à la vie privée ?

Il existe plusieurs limites à la protection de la vie privée.

Ainsi, nous l’avons vu, le salarié a droit au respect de sa vie privée sur son lieu de travail et durant son temps de travail (cf. supra). Mais ce droit n’est pas absolu. A titre d’exemple, notons que l’employeur peut s’immiscer dans la vie privée de son employé et qu’il peut, alors, consulter des fichiers de l’employé qui ne seraient pas identifiés comme étant « personnels » (Soc. 18/10/2006, n° 04-47.400 ; s’agissant du droit au secret des correspondances privées, voir l’arrêt Nikon du 2/10/2001).

De même, l’employeur est en droit d’imposer un code vestimentaire spécifique dès lors que cela est justifié par la nature des tâches à accomplir et proportionné au but recherché (cf. l’affaire du bermuda : Soc. 28/05/2003, n° 02-40.273 ou l’affaire Baby-loup : Soc. 19/03/2003).

Par ailleurs, notons que, article 9 du Code civil, le droit au respect de la vie privée des personnes publiques est limité. En effet, la jurisprudence a pu retenir que « Le fait d’exercer une fonction publique ou de prétendre à un rôle politique expose nécessairement à l’attention du public, y compris dans des domaines relevant de la vie privée, de sorte que certains actes privés de personnes publiques peuvent ne pas être considérées comme tels, en raison de l’impact qu’ils peuvent avoir, eu égard au rôle de ces personnes sur la scène politique ou sociale et de l’intérêt que le public peut avoir, en conséquence, à en prendre connaissance » (CEDH, 10/11/2015, n° 40454/07, Hachette Filipacchi Associés).

Enfin, notons que le droit au respect de la vie privée de l’article 9 du Code civil peut être mis en balance avec d’autres droits tels que la liberté d’expression (notamment le droit à l’information du public ; tout est une question de conciliation entre différentes intérêts légitimes…) et qu’en la matière, la divulgation d’informations relevant de la vie privée d’une personne peut être considérée comme étant justifiée si elle relève, notamment d’un débat d’intérêt général (exemple : Civ. 1ère, 11/07/2018, n° 17-22.381).

Qu’est-ce que l’atteinte à la vie privée ?

Le droit positif est constant en la matière et l’on retient habituellement que « Est illicite toute immixtion arbitraire dans la vie privée d’autrui » (Civ. 1ère, 06/03/1996 ; on peut, ici, penser à la géolocalisation, aux écoutes téléphoniques, etc.). Ainsi, les tiers sont tenus de respecter la vie privée d’autrui et d’un devoir de non-immixtion. Toutefois, il est des cas où les atteintes peuvent être justifiées, notamment lorsque la personne considérée a donné son consentement.

Il est à noter que lorsque l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée de l’individu est retenue, celui-ci dispose d’un arsenal complet ; plusieurs sanctions peuvent donc être envisagées lorsqu’il existe une atteinte à la vie privée.

Ainsi, nous l’avons vu, la personne lésée peut agir sur le terrain de la responsabilité civile, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil. Mais elle peut également demander au juge de prescrire les mesures visées par l’article 9 du Code civil (celles qui tendent à empêcher ou faire cesser l’atteinte à la vie privée) ; dans un tel cas, le juge peut alors suspendre la diffusion d’un livre, ordonner la publication d’un communiqué, etc. (le cas échéant, en référé).

En outre, notons que des sanctions pénales peuvent être prises, notamment sur le fondement des articles 226-1 et suivants du code pénal. Ainsi, l’auteur d’une atteinte à la vie privée peut encourir des peines d’amendes (allant jusqu’à 45 000 euros) et d’emprisonnement (allant jusqu’à 1 an d’emprisonnement).

Comment prouver une atteinte à la vie privée, article 9 du Code civil ?

Comme dans tous domaines, la personne se prévalant d’une atteinte à sa vie privée doit précisément prouver cette atteinte. En effet, l’apport de preuves est indispensable pour pouvoir porter plainte en matière d’atteinte à la vie privée.

A ce titre, notons que la personne lésée doit alors apporter des éléments de preuves matérielles (à titre d’exemple, la victime peut demander au juge d’ordonner une expertise) mais également des éléments de preuves morales (la victime doit démontrer l’intention coupable ou la violation de son accord, par exemple).

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