C’est quoi un arrêt de cassation ?

Arrêt de cassation

Un arrêt de cassation désigne un arrêt rendu par la Cour de cassation à travers lequel celle-ci indique qu’elle donne raison au requérant qui a formé le pourvoi en cassation. Par cet arrêt, la Cour de cassation vient casser et annuler la décision précédente qui a été rendue par la Cour d’appel. De la même manière, le Conseil d’État qui est la plus haute juridiction de l’ordre administratif en France peut aussi rendre des arrêts de cassation.

Notons également que ces deux juridictions suprêmes de l’ordre administratif et judiciaire français peuvent prononcer d’autres types d’arrêts comme par exemple un arrêt de rejet.

Ce qu’il faut savoir, c’est que d’un point de vue hiérarchique d’après l’organisation juridictionnelle française, l’arrêt de cassation est la décision qui est rendue après que le requérant, appelé aussi le demandeur au pouvoir, ait pris la décision de contester le verdict rendu par la cour d’appel lors d’un procès.

Du point de vue organisationnel, l’arrêt de cassation désigne une décision rendue par un juge de la forme qui censure la position des juges du fond. Vus sous cet angle, les arrêts de cassation ont un sens péjoratif, car ils pourraient être interprétés comme une sanction à l’encontre des juges du fond qui n’auraient pas fait une bonne application de la règle de droit adéquate par rapport au litige en cours.

Pour autant, cette interprétation est erronée, car l’objectif de ces différents degrés de juridiction consiste à garantir la sécurité juridique des justiciables (leurs litiges seront tranchés devant les juges de manière juste et impartiale).

Sur le plan procédural, un arrêt de cassation peut être total et sans renvoi (ce qui implique la fin de la procédure civile ou de la procédure pénale selon le cas) ou un arrêt de cassation peut être partiel avec renvoi (dans ce cas, la procédure continue jusqu’à ce qu’aucune autre voie de recours ne puisse subsister).

Dans le présent article, nous allons nous intéresser de près à l’arrêt de cassation et en faire une étude détaillée. Tout d’abord dans une première partie, nous allons présenter la procédure conduisant à un arrêt de cassation. Ensuite, nous allons procéder à une étude comparative entre l’arrêt de cassation et l’arrêt de rejet. Enfin dans la dernière partie, nous allons présenter un arrêt de cassation qui a un intérêt très particulier pour le droit français.

Arrêt de cassation : Procédure

Pour mieux comprendre ce que c’est qu’un arrêt de cassation et à quel niveau de la procédure intervient un arrêt de cassation, il est important d’expliquer tout le déroulement procédural devant les juridictions civiles de l’ordre judiciaire.

La procédure menant à un arrêt de cassation

Étape 1 :

La procédure démarre lorsque les parties portent le litige devant les magistrats du tribunal judiciaire. Il s’agit là du tout premier palier de juridiction encore désigné par le premier degré de juridiction. Anciennement, il s’agissait d’un tribunal de première instance ou d’un tribunal de grande instance.

Étape 2 :

Une fois que l’affaire est jugée par le tribunal judiciaire, la partie insatisfaite peut la porter devant la cour d’appel pour y être jugée à nouveau. Dans ce cas, elle interjette appel et le contentieux est réexaminé sous tous les aspects par les juges d’appel (on rejuge l’affaire par rapport aux faits et l’application des différentes règles de droit). En appel, les parties se retrouvent alors au second palier de juridiction encore désigné par le second degré de juridiction.

Étape 3 :

Une fois rendue, la décision de la cour d’appel peut être attaquée par la partie non satisfaite. Ceci est possible par le pourvoi en cassation que forme la partie qui s’estime être lésée contre l’arrêt de la cour d’appel.

La Cour de cassation réexamine la décision attaquée, mais cette fois-ci, la haute juridiction ne s’attarde que sur les questions de droit. Elle ne reviendra plus sur les faits qui avaient été analysés préalablement par les autres juridictions inférieures.

Devant la Cour de cassation, deux issues sont possibles pour l’affaire ayant fait objet du pourvoi. Soit le juge de cassation rejette le pourvoi en donnant raison à la cour d’appel et en validant son arrêt rendu (arrêt de rejet), soit la Cour de cassation censure l’arrêt rendu par la cour d’appel en donnant cette fois-ci raison au demandeur (arrêt de cassation).

La procédure après un arrêt de cassation

Étape 4 _ Hypothèse 1 :

Cette étape n’est pas obligatoire et dépend du rebondissement que connaissent certains litiges en droit français. Lorsque la décision de justice provenant de la Cour de cassation est un arrêt de rejet, la procédure prend fin et chaque partie est supposée appliquer cette décision.

Les autres voies de recours n’existent plus, à moins qu’en matière pénale, l’une des parties décide après quelques années de lancer une révision conformément aux règles de procédure pénale en vigueur au sein de la République française.

Il s’agit ici d’une voie de recours extraordinaire qui offre la possibilité de faire un réexamen d’une décision de justice qui pourtant est en principe définitive, et ce, du fait de nouveaux éléments apportés au dossier.

En revanche, si c’est un arrêt de cassation qui est rendu par la Cour de cassation, il faudra alors distinguer trois sous-hypothèses :

Étape 4 _ Hypothèse 2 :

La cour de cassation peut rendre un arrêt de cassation définitif sans donner de suite. Dans ce cas, le litige est également considéré comme résolu et cette décision de justice bénéficie de l’autorité de la chose jugée.

Étape 4 _ Hypothèse 3 :

La haute juridiction peut également rendre un arrêt de cassation partielle en mitigeant sa position vis-à-vis de la cour d’appel. C’est l’article 623 du code de procédure civile qui renseigne sur les modalités encadrant la cassation partielle en droit français.

Un arrêt de la Cour de cassation qui est un arrêt de cassation partielle ne vise pas l’ensemble des chefs d’accusation de la décision attaquée par la partie insatisfaite. Autrement dit, dans un arrêt de cassation partielle, ce n’est qu’une partie de la décision de la cour d’appel qui est cassée par le juge de cassation.

Étape 4 _ Hypothèse 4 :

Enfin, la Cour de cassation peut rendre un arrêt de cassation qu’elle fait accompagner d’un renvoi. Dans cette hypothèse, les juges de cassation annulent la décision de la cour d’appel et renvoient l’affaire devant une cour d’appel qui est différente.

Rappelons qu’après que la haute juridiction ait prononcé un arrêt de cassation avec renvoi, c’est une juridiction de renvoi de même nature que la précédente qui a compétence pour statuer sur le litige.

Ainsi si nous sommes en matière civile, ce sera une juridiction civile de renvoi qui va dès lors statuer. Si par contre l’affaire est de nature pénale, ce sera une chambre criminelle de la cour d’appel qui sera compétente pour la connaître.

Rappelons qu’un arrêt de cassation partielle de la cour peut également être accompagné d’un renvoi dans le cas où les juges l’estiment nécessaire.

Étape 5 :

La nouvelle juridiction en reconsidérant le contentieux peut statuer dans le sens de l’arrêt de cassation. Dans le cas où la cour de renvoi a rendu une décision conforme, la procédure s’arrête.

Dans le cas contraire, le demandeur au pourvoi peut requérir à nouveau la censure de la haute juridiction. À ce moment-là, l’affaire est confiée à l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.

Étape 6 :

Suite au second pourvoi formé, l’Assemblée plénière règle définitivement le litige ou le confie à une dernière juridiction de renvoi qui n’a d’autres possibilités que d’abonder dans le même sens que la haute juridiction.

Le schéma procédural menant à un arrêt de cassation peut se présenter de la façon suivante :

Procédure spéciale conduisant à un arrêt de cassation

Hormis cette procédure générale, on peut se retrouver face à un arrêt de cassation alors même que toutes les étapes susmentionnées ne sont pas franchies. C’est le cas notamment pour les jugements qui sont rendus en premier et dernier ressort.

Dire qu’un jugement est rendu en premier et dernier ressort, revient à signifier qu’après la décision en première instance, c’est directement la Cour de cassation qui règle toutes les contestations afférentes. Autrement dit, les cours d’appel n’auront pas à connaître ces litiges qui seront directement transmis à la haute juridiction.

Devant la juridiction de cassation, deux issues sont possibles : soit un arrêt de cassation est rendu ou soit c’est un arrêt de rejet qui est rendu par la Cour. Ici, le schéma procédural est bien plus simplifié.

Étude comparative entre un arrêt de rejet et un arrêt de cassation

Dans cette section nous allons faire une étude comparative en faisant ressortir les différences entre un arrêt de cassation et un arrêt de rejet.

Présentation de la structure de l’arrêt de rejet

Lorsque nous nous situons dans un arrêt de rejet, la haute juridiction (attention de ne pas la nommer la Cour suprême en droit français) procède d’abord à un rappel des faits d’espèces. Elle peut également opérer une reprise de la jurisprudence antérieure (procédure suivie + décisions).

Ensuite, la Cour de cassation se focalise sur les moyens du pourvoi qu’elle reprend. Autrement dit, la cour résume les arguments avancés par le demandeur au pouvoir.

Enfin, elle met en lumière les règles de droit utilisées à bon droit par la cour d’appel avant de rejeter le pourvoi. L’image ci-dessous permet de se représenter la structure de l’arrêt de rejet avec des notes explicatives.

Présentation de la structure d’un arrêt de rejet

Dans un arrêt de cassation, c’est par un visa que le juge de cassation démarre la décision. Le visa regroupe une indication des textes législatifs sur lesquels se sont basés les juges de cassation pour casser l’arrêt rendu par les juges d’appel.

Ensuite dans un arrêt de cassation, le juge détaille les arguments juridiques de la cour d’appel à travers différentes séries d’ « Attendus ».

Enfin, avant la censure de la Cour de cassation, elle fournit les raisons principales pour lesquelles l’arrêt est cassé. L’image ci-dessous présente la carte de la structure d’un arrêt de cassation avec des notes explicatives.

Les contrôles de la Cour de cassation conduisant à l’arrêt de cassation

Avant de rendre un arrêt de cassation, la haute juridiction effectue trois types de contrôle. Rappelons que, quel que soit le type de contrôle effectué, dès qu’un arrêt de cassation est rendu, les parties se retrouvent dans leur position initiale. Autrement dit, la procédure recommence comme si aucune décision n’avait été rendue jusqu’alors.

Le contrôle lourd de la Cour de cassation

Lorsqu’un justiciable forme un pourvoi en cassation, la haute juridiction se charge d’abord de contrôler si une bonne interprétation de la règle de droit, de même qu’une bonne application a été faite par les juges d’appel. C’est ce qui est désigné par le contrôle lourd de la Cour de cassation.

Toutefois, rappelons que ce contrôle ne tient compte que du droit interne, puisque la Cour de cassation n’a pas compétence à effectuer un contrôle ni sur les lois étrangères ni sur les conventions/relations contractuelles.

Le contrôle restreint de la Cour de cassation

Avant de rendre un arrêt de cassation, la haute juridiction peut être également amenée à réaliser un contrôle restreint sur les arrêts rendus par le juge d’appel. À ce niveau, elle vérifie si les décisions rendues par la cour d’appel contiennent toutes une motivation juridique adéquate. À ce niveau, la cour ne procède à aucune requalification des faits.

Le contrôle de la Cour de cassation visant la qualification des faits

Il peut arriver que la Cour de cassation procède à une requalification des faits avant de rendre un arrêt de cassation. Ceci ne voudrait pas signifier que la Cour de cassation va réexaminer les faits en contrôlant leur matérialité, mais il s’agit pour elle de déterminer si les juges du fond ont attribué la qualification juridique adéquate aux faits.

Exemples :

1/ Prenons le cas où les parties ont conclu un contrat de vente d’une résidence pour un prix de 2 euros. La cour d’appel a qualifié cette opération comme étant un contrat de vente. Mais la Cour de cassation en réétudiant l’affaire estime que cette opération ne peut pas porter la qualification de contrat de vente au sens juridique du terme. Elle y voit plutôt une forme de donation déguisée. Par conséquent, la Cour de cassation est en droit de requalifier cette situation juridique en donation.

2/ Prenons encore le cas d’un joueur qui blesse son adversaire de l’autre équipe en le taclant au cours d’un match de football. Cette situation peut-elle être qualifiée de faute selon les termes de l’article 1382 du Code civil ? C’est à ces types de questions que se livre la Cour de cassation avant de rendre un arrêt de cassation.

Arrêt de cassation : Exemple

Dans cette section, nous allons, d’un point de vue pratique, présenter ce à quoi ressemble un arrêt de cassation avec les différentes parties qui le composent.

Nous avons choisi un arrêt de cassation rendue en matière pénale par la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 16 décembre 2020. Cet arrêt de cassation porte sur l’expertise médicale qui doit être réalisée pour toute personne dans le but de faire une évaluation de sa responsabilité pénale.

Brève explication de l’affaire

Dans cette affaire, une personne bénéficiant d’un régime de protection est poursuivie devant les tribunaux pour plusieurs chefs d’accusation. La règle en droit pénal est que cette personne doit passer par un examen médical confirmant si ou non celle-ci jouissait de toutes ses facultés mentales avant la commission des faits répréhensibles qui lui sont reprochés.

Or ce n’est pas le cas pour la personne poursuivie dans cette affaire. En effet, cette dernière a écopé d’une condamnation des juges du fond sans aucune expertise médicale nécessaire.

Dans cette affaire, la haute juridiction a reconnu que les juges du fond n’avaient pas évalué le degré de responsabilité pénale de la personne poursuivie avant de prononcer contre elle sa décision. C’est dans ce cadre que la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation et a renvoyé l’affaire devant d’autres juridictions pénales, notamment la cour d’appel de Grenoble pour un réexamen.

Analyse détaillée

Comme nous l’avons mentionné dans la section précédente, dans un arrêt de cassation la Cour de cassation démarre par le visa (autrement dit, ce que prévoit le législateur dans cette matière).

Dans cet arrêt de cassation, nous pouvons vérifier ici que la cour s’est basée sur l’article 706-115 du code de procédure pénale. Ensuite, elle fait ressortir différents attendus dans lesquels elle précise ce que prévoient les règles du visa.

Ensuite la Cour, dans son arrêt de cassation reprécise les raisons pour lesquelles elle casse et annule la décision rendue par les juges d’appel. Enfin elle prononce la décision de cassation. Remarquons dans notre cas que la Cour renvoie l’affaire devant la juridiction d’appel de Grenoble.

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