Un « apport en nature » correspond à tous les apports des associés pour constituer une société qui ne sont pas des apports en numéraire c’est-à-dire sous forme d’argent ou en industrie. Ainsi, un apport en nature peut être une marque ou un ordinateur par exemple.
Ce qu’il faut savoir c’est que la constitution d’une société obéit à plusieurs règles dont l’apport du capital social par les différents associés. La constitution du capital social est donc une étape importante à franchir par les associés. Qu’il s’agisse de la constitution d’une SARL, d’une Sas ou de n’importe quel autre type de société, l’apport en nature est un élément important à prendre en compte en plus des autres types d’apports que sont l’apport en industrie et l’apport en numéraire.
L’apport en nature mérite une attention particulière, car, lors de la constitution d’une société, les apporteurs sont appelés à respecter des démarches précises selon la nature de l’apport.
À travers cet article, nous découvrirons les éléments essentiels de l’apport en nature ainsi que les règles qui gouvernent sa prise en considération lorsque les associés décident d’inclure ce type d’apport dans la catégorie des biens apportés.
Nous allons en premier lieu, aborder les généralités sur la constitution d’une société tout en mettant un accent particulier sur les différents types d’apports. En second lieu, nous allons détailler la notion de l’apport en nature en apportant toutes les précisions possibles.
La constitution d’une société
Une société peut se définir de manière très simple comme étant la volonté d’une ou plusieurs personnes d’affecter au moyen d’un contrat, des biens en vue de profiter des résultats qui résultent de l’activité de la société.
Pour qu’une société puisse valablement fonctionner, il est nécessaire qu’elle soit immatriculée au Registre de commerce et des sociétés. Pour qu’une telle démarche soit possible, il faut réunir certaines conditions qui régissent la constitution du contrat de société.
L’immatriculation au Registre de Commerce et des sociétés
L’immatriculation est une étape primordiale et indispensable précédant l’exploitation d’une société. Cette étape confère une existence juridique à la société que les associés ont décidé de mettre sur pied. Cette formalité confère à la société, le statut de personne morale. Pour garantir une jouissance paisible de l’entreprise commune, les associés se doivent donc de formaliser leur société en l’immatriculant.
Il s’agit de l’acte ou du formalisme juridique par lequel, la société nait et est autorisée à exercer ses activités. Aucune existence légale ne peut donc être prouvée lorsque l’on se trouve en présence d’une entreprise qui n’est pas immatriculée. L’immatriculation obéit à certaines conditions ou démarches qui méritent d’être clarifiées, puisqu’elles sont obligatoires pour la constitution du contrat de société.
Conditions du contrat de société
Pour qu’un contrat de société puisse être valide, il est nécessaire qu’il satisfasse aux conditions ci-après :
- Les 3 conditions de validité des contrats de l’article 1128 du Code civil (le consentement des parties, la capacité, un contenu licite et certain)
- Les différents apports
- La participation ou la contribution aux résultats (partage des bénéfices et des pertes)
- L’affectio societatis
Deux ou plusieurs associés :
Le Code civil en son article 1832 dispose que les associés sont des personnes qui sont liées entre elles par un contrat à une entreprise qu’ils ont en commun et dont l’objectif consiste à en partager les bénéfices. Ainsi, l’associé peut être défini comme toute personne faisant un apport de quelque nature que ce soit, dans la constitution d’une société, et en contrepartie, bénéficie de droits sociaux.
Selon les dispositions du Code civil, une société est constituée par au moins deux personnes. Cependant, le Code civil apporte une exception à ce principe, en disposant que dans certains cas qui sont prévus par la loi, une société peut être constituée par une seule personne physique qui en devient donc l’associé unique. Dans ce cas précis, la société est unipersonnelle. À titre d’exemples, nous pouvons citer la SASU ou même l’EURL.
Les différents apports :
Pour constituer la société, chaque associé à la possibilité de faire trois types d’apports, à savoir, l’apport en nature, l’apport en numéraire et l’apport en industrie.
L’apport en numéraire correspond à la somme d’argent que chaque associé se décide à mettre à disposition de la société.
Pour ce qui concerne l’apport en industrie, il est constitué de toute sorte de savoir intellectuel, de savoir-faire, d’activité ou de connaissances techniques que l’associé s’engage à mettre au service de la société. Ce type d’apport n’est pas comptabilisé en ce qui concerne la formation du capital social lors de la constitution d’une société. Il ne contribue donc pas à l’augmentation de capital social.
S’agissant de l’apport en nature qui fera l’objet d’un développement plus loin, il s’agit d’un bien meuble ou immeuble, corporel ou incorporel qui est mis à la disposition de l’entreprise. Plusieurs exemples peuvent être cités, comme le fonds de commerce, un engin, un local, un ordinateur, etc. Ce type d’apport participe à la constitution du capital social tout comme l’apport en numéraire.
Voici un schéma illustratif des types d’apports possibles lors de la création d’une société
L’objet social ou l’entreprise commune :
L’objet social ou l’entreprise commune peut se comprendre par l’activité que la société exerce. Cet objet social doit être défini dans les statuts de la société et doit être licite. Il est un élément très important dans la constitution de la société et permet de la qualifier (société commerciale ou civile selon le cas).
En principe, une société ne peut agir que dans la limite de son objet social, comme l’énonce le principe de la spécialité des personnes morales qui contrairement ou personnes physiques, sont limitées dans leurs actions. Toutefois, ce principe comporte quelques nuances apportées par la loi. La loi française précise que pour ce qui est d’une SARL et des sociétés par actions, la société est engagée vis-à-vis des tiers même au-delà des actes ne relevant pas de son objet social.
La participation ou la contribution aux résultats :
Lorsqu’une société est créée, c’est pour effectivement générer des résultats financiers positifs. Ces résultats, qui la plupart du temps sont des profits ou bénéfices, peuvent dans certains cas constituer des pertes. Les associés doivent donc être prêts à contribuer ou alors à participer à ces résultats, qu’ils s’agissent de profits ou de pertes.
En règle générale, la participation ou la contribution de chaque associé aux résultats issus de l’exploitation d’une société est proportionnelle au nombre de parts qu’il détient dans le capital social. Toutefois, la loi permet aux associés de déroger à ce principe en insérant dans les statuts de la société, une clause de répartition disproportionnée au regard des résultats, tout en évitant la clause léonine.
** En parlant de clause en droit des sociétés, découvrez aussi : Les effets d’une clause d’agrément. Une disposition importante sur l’admission d’un nouvel associé ou le partage des titres. **
L’affectio societatis :
À ces conditions citées supra, il faut rajouter une dernière condition qui est d’origine jurisprudentielle. Il s’agit de l’affectio societatis.
Définition simple : L’affectio societatis peut se comprendre simplement comme étant la volonté des parties à se mettre ensemble et à collaborer sur un projet commun en vue d’en tirer des résultats financiers positifs (des bénéfices). Cet élément intentionnel qui est indispensable à la validité du contrat de société a pour but de s’assurer que les différents associés ont vraiment voulu créer une société et que cette volonté est sans équivoque.
L’apport en nature
Définition
L’apport en nature peut être défini comme la mise à disposition d’une société, d’un bien meuble, immeuble, corporel ou incorporel par un associé lors de sa constitution.
Plus précisément, l’apport en nature est un type d’apport de biens que peut faire un associé et qui se distinguent de l’apport en numéraire (somme d’argent) et de l’apport en industrie (connaissances techniques ou intellectuelles). L’apport en nature peut être comparé à un transfert de propriété à la société, si l’associé apporteur veut conférer lui conférer cette nature lors de la constitution de la société.
Pour être pris en considération, l’apport en nature doit être évalué et sa valeur monétaire doit être clairement connue de tous, puisque sa valeur monétaire contribue au montant total du capital social. L’apporteur recevra donc en contrepartie de ce bien, des droits sociaux à la hauteur de la valeur monétaire de cet apport en nature.
Il existe différents types d’apports en nature qui méritent d’être clarifiés.
Différents types d’apport en nature
S’agissant de l’apport en nature, il convient de mettre en lumière les différentes formes que celui-ci peut prendre. Ainsi, il existe l’apport en pleine propriété, l’apport en jouissance, l’apport en usufruit ou en nue-propriété.
Tâchons à présent de définir ces différents types d’apports en nature.
L’apport en pleine propriété
L’apport en pleine propriété concerne le cas où l’apporteur décide de transférer la propriété du bien à la société. Ce bien quitte donc le patrimoine juridique de l’apporteur associé pour se classer désormais dans celui de la société.
Ce type d’apport en nature met l’associé apporteur en position de ne plus se considérer comme le propriétaire du bien et ce dernier sera désormais géré par la société jusqu’à la date d’une probable dissolution. La société détient donc toutes les prérogatives sur ce bien et peut donc décider d’en tirer une totale jouissance, de quelque nature que ce soit.
L’immatriculation de la société au Registre du Commerce et des sociétés est la phase juridique qui consacre ce transfert de propriété. C’est pour ainsi dire que l’associé qui décide de faire ce type d’apport demeure toujours le propriétaire légal de ce bien tant que la société n’est pas immatriculée, et donc n’acquiert pas la personnalité morale.
Après l’immatriculation de la société, le bien apporté quitte le patrimoine de l’associé et sa propriété est transférée à la société. Ce transfert de propriété emporte un transfert des risques, et désormais, seule la société pourra répondre d’une perte ou d’une détérioration du bien apporté. L’apport en pleine propriété est un acte à titre onéreux.
Il est assimilé ou comparé à une vente du bien apporté et par conséquent, l’associé apporteur doit fournir les mêmes garanties qu’un vendeur fournirait à un acheteur de ce bien. Au titre de ces garanties, nous pouvons énumérer la garantie contre l’éviction et la garantie contre les vices cachés.
Bien que ce type d’apport ne puisse pas être considéré comme une vente définitive, il est peu probable que l’associé ayant réalisé ce type d’apport entre en possession de son bien, car il peut avoir été détruit lors de son exploitation, ou même être réalisé afin de désintéresser les créanciers en cas de dissolution de la société.
L’apport en jouissance
Il s’agit d’un autre type de l’apport en nature. L’apport en jouissance signifie simplement que l’associé apporteur se décide de mettre temporairement à disposition de la société, le bien apporté. Il n’y a aucunement dans ce cas un transfert de propriété.
À titre d’exemple, nous pouvons citer l’apport d’un immeuble par un associé servant de siège social à l’entreprise. Cet associé n’a aucunement l’intention de transférer la propriété dudit immeuble à la société et demeure le propriétaire légal de ce dernier. L’apport en jouissance constitue un apport conférant un droit personnel à la société. La société peut donc faire usage du bien apporté pour la durée stipulée, mais ne peut pas décider de l’aliéner et l’apporteur continue alors de supporter la charge des risques.
Il convient cependant de clarifier certaines inquiétudes portant sur la nature du bien apporté. Si l’apport en jouissance concerne un bien fongible, qui peut se détériorer avec l’usage dans le temps, la société en devient le propriétaire à condition qu’elle le renouvelle à la fin de la durée pendant laquelle elle est censée l’utiliser. En revanche, s’il s’agit d’un bien certain, l’apporteur en demeure le propriétaire et seule sa jouissance est transférée à la société pendant la durée prévue.
De plus, il est essentiel de souligner que l’apporteur doit garantir à la société, une jouissance paisible du bien apporté comme c’est le cas d’un bailleur qui garantit à son preneur, une jouissance paisible et sans difficulté du bien loué. À titre illustratif, un apporteur qui décide de mettre à disposition de la société, un élément du fonds de commerce comme la clientèle, doit éviter de faire concurrence avec cette société en utilisant à son insu cette même clientèle.
L’apport en usufruit ou en nue-propriété
L’apport en nature peut également prendre la forme d’un apport en usufruit ou celle d’une propriété sous sa forme nue. Ce dernier type d’apport que peut prendre l’apport en nature permet à la société de jouir uniquement des fruits du bien apporté. Elle possède donc l’usufruit. En d’autres termes, le droit de propriété du bien autrefois détenu par l’associé apporteur, est fragmenté et il en conserve désormais la nue-propriété, mais en transfère la jouissance (usufruit) à la société dont il est associé.
À l’instar de l’apport en pleine propriété, l’apport en usufruit permet à la société de bénéficier d’un droit réel sur le bien apporté par l’associé. Cependant, la société ne dispose pas d’un droit de propriété comme c’est le cas pour l’apport en pleine propriété. Elle dispose uniquement de l’usufruit qui lui permet d’utiliser le bien apporté et de tirer profit des fruits qui y sont attachés.
Contrairement à l’apport en pleine propriété et l’apport en usufruit, il convient de rappeler que l’apport en jouissance quant à lui, ne confère aucun droit réel à la société, mais plutôt un droit personnel contre les associés ou actionnaires apporteurs. Ce droit personnel ne permet à la société que d’utiliser le bien, mais elle ne peut pas prétendre en percevoir les fruits.
Pour finir, il faut préciser que même si aucune disposition légale ne le prévoit, il n’est nullement exclu qu’un associé décide d’apporter à la société la nue-propriété d’un bien et d’en conserver l’usufruit (Voir : Les causes de l’extinction de l’usufruit).
Évaluation de l’apport en nature
S’il est vrai que les associés peuvent faire des apports en nature lors de la constitution d’une société, encore faut-il que ces apports en nature fassent l’objet d’une évaluation par un expert communément appelé commissaire aux apports. Ce travail d’évaluation est indispensable puisqu’il a pour but d’incorporer au montant du capital social, la valeur totale en argent des apports en nature.
Bien qu’il n’existe pas une exigence légale concernant le montant minimum pour ce qui concerne les apports en nature (ces derniers peuvent faire moins de la moitié du capital), il faut qu’ils soient tous évalués et que leur valeur monétaire soit connue.
Évaluer un apport en nature n’étant pas une tâche que n’importe qui puisse réaliser, l’évaluation est réalisée la plupart du temps par un commissaire aux apports, qui est le seul expert en la matière.
Il est donc indispensable que le montant total des différents biens qui constituent un apport en nature puisse être dégagé et être libéré lors de la constitution du capital social par les associés. La somme en numéraire issue de cette évaluation sera ajoutée aux apports en numéraire (somme d’argent) avant de procéder à la répartition du capital en parts sociales ou actions. L’apport en nature constitue donc une partie du capital social.
En raison du fait que les associés apporteurs peuvent être tentés ou animés par le désir de procéder à une surévaluation des biens apportés en nature, la loi a confié l’exécution de cette délicate mission à un expert que l’on nomme un commissaire aux apports.
Des dispositions légales existent en ce qui concerne l’évaluation des apports en nature et servent de garde-fous.
S’agissant des sociétés par actions et des sociétés à responsabilité limitée, l’évaluation des apports en nature s’effectue par un commissaire aux apports pris ou désignés à l’unanimité par les associés ou par un juge. Cependant, le Code de commerce donne la possibilité aux associés d’une SARL ou d’une SAS de se soustraire à l’obligation de recourir à un commissaire aux comptes, et ce, lorsque les apports en nature concernés remplissent les deux conditions ci-dessous :
- Lorsque la valeur de l’apport en nature est inférieure à 30.000 EUR
- Lorsque la valeur totale pour ce qui concerne les apports en nature est inférieure à la moitié du capital social.
Pour conclure, il faut souligner qu’il existe des sanctions pénales prévues lorsqu’un cas de surévaluation frauduleuse des apports en nature se produit. Ces peines peuvent être énumérées comme suit :
- Une sanction pénale de cinq (05) ans accompagnée d’une amende d’un montant de 9.000 EUR pour ce qui concerne les SA.
- Une sanction pénale de cinq (05) ans suivie d’une amende d’un montant de 135.000 EUR lorsqu’il s’agit d’une SARL.
Compte tenu du fait que le bien apporté doit être évalué obligatoirement à sa juste valeur, tout associé apporteur qui se rend coupable d’une majoration frauduleuse de son apport en nature peut voir sa responsabilité civile engagée pour préjudice causé aux autres associés.
Effectuer un apport en nature est donc un acte régi et contrôlé par la loi et qui en plus, est un acte onéreux puisque faisant appel à des dépenses.
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