Quel est le régime juridique de la société en participation ?

Société en participation

La société en participation (SEP) est consacrée par les articles 1871 à 1873 du Code civil. Selon l’article 1871 dudit Code dans une société en participation, « les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée ». La société est dite alors de « société en participation ». Elle n’est pas une personne morale et elle n’est pas non plus soumise à la publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens.

La société en participation se différencie ainsi des autres formes de société puisqu’elle ne nécessite aucune immatriculation et n’est soumise à aucune formalité de publicité particulière. Puisque la personnalité juridique d’une société s’acquiert par la procédure d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la société en participation ne pourrait, dans ce sens, se doter d’une personnalité juridique.

Ainsi, la société en participation se rapproche de la société créée de fait dans le sens où les deux ne sont pas immatriculées. Une différence notable tout de même : pour la société en participation, les associés ont volontairement choisi de ne pas immatriculer leur société tandis que pour la société créée de fait, les associés se comportent comme tel, mais n’ont pas exprimé leur volonté de créer une véritable société.

Vient alors la question de savoir pourquoi choisir une société en participation plutôt qu’une autre forme de société qui est plus encadrée ?

Ce qu’il faut savoir, c’est que ce type de société (la société en participation) n’est habituellement utilisé que de manière temporaire.

Afin de tester le marché pour savoir si la société va être rentable ou non, les associés peuvent d’abord opter en premier lieu pour une société en participation avant de se lancer dans la création d’une société commerciale.

Dans une société en participation, les associés ont donc volontairement choisi de ne pas s’immatriculer. Par conséquent, cette forme de société ne pourra exister qu’à l’égard de ses associés, et est donc inconnue des tiers.

Afin de mieux connaitre ce qu’est la société en participation dans ce cours de droit gratuit en ligne, nous allons tout d’abord aborder les caractéristiques de cette forme de société si particulière, et en second lieu, les conditions relatives à son existence.

Quelles sont les caractéristiques de la société en participation ?

Lorsque l’existence de la société est révélée au tiers, elle est qualifiée d’ostensible. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque son existence est totalement méconnue des tiers, elle est qualifiée d’occulte.

Dans ce deuxième cas, un seul des associés agit à l’égard des tiers. Mais qu’importe la qualification de la société : ostensible ou occulte, la société n’est pas dotée de personnalité morale donc elle n’a pas d’existence juridique.

Cette absence de personnalité juridique signifie que la société ne possède de patrimoine propre, qu’elle n’a pas de capacité juridique et enfin qu’il lui est impossible d’avoir des engagements sociaux.

Sur l’absence de patrimoine

Conséquence de l’absence de personnalité juridique, une société en participation, contrairement aux autres formes de société possédant une personnalité juridique, ne pourra pas disposer d’un patrimoine qui lui est propre. Elle ne peut donc pas être propriétaire d’un bien.

D’ailleurs selon l’article 1872 du Code civil : « Chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l’égard des tiers ».

Normalement, dans la procédure de création d’une société commerciale, il y a la nécessité pour chaque associé d’apporter un patrimoine d’affectation qui peut être un apport en nature, en numéraire ou en industrie (Lire : La théorie du patrimoine). En contrepartie, les associés reçoivent des actions (s’il s’agit d’une société par actions) ou d’une (ou plusieurs) part sociale pour les sociétés de personne.

Ainsi, ce sont ces apports qui vont constituer le patrimoine de la société. La société possède alors un patrimoine distinct des associés.

Dans une société en participation en revanche, les associés demeurent propriétaires des biens qu’ils ont affectés à la création de la société.

À noter : Les associés qui ont apporté pour la constitution de la société des apports en nature ne réalisent pas un acte translatif de société. En réalité, il s’agit d’une simple mise à disposition des biens à la société.

Sur l’absence de capacité juridique

Puisque pour agir en justice, une société doit avoir une personnalité juridique, la société en participation ne pourra donc pas agir en justice tout comme elle ne pourra pas poursuivre devant la justice une personne physique ou morale. C’est aux associés d’exercer eux-mêmes les actions en justice et c’est aussi eux qu’on va poursuivre en cas de litiges.

Sur l’impossibilité d’avoir des engagements sociaux

Puisque la société en participation ne possède pas de personnalité juridique, elle ne pourra donc pas conclure de contrats et ce, peu importe si elle agit en qualité de créancier ou de débiteur. Cela signifie que vis-à-vis des tiers, ce sont les associés qui contractent et qui s’obligent en leur propre nom (donc jamais au nom de l’entreprise).

À cet effet, selon l’article 1872 du Code civil : « Chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l’égard des tiers ».

Cela ne signifie nullement que les actes accomplis au nom de la société sont systématiquement nuls.

Lorsque les associés contractent avec les tiers en leur qualité d’associés, ils engagent indéfiniment leur responsabilité et lorsque l’activité de la société est commerciale, on parle alors d’une responsabilité solidaire.

Selon un arrêt du 8 février 2017, la Chambre commerciale de la Cour de cassation statuant en matière commerciale a énoncé que les actes affectés au nom de la société et ratifiés par les associés échappent à la nullité.

Il faut dire que la société en participation constitue un risque pour les associés puisqu’ils sont responsables solidairement et d’une manière illimitée si le régime de la société en nom collectif leur est applicable.

En ce qui concerne la dénomination sociale, la société en participation n’est pas tenue d’en posséder une. Mais les associés conservent la faculté d’avoir ou non une dénomination sociale.

Enfin, tout comme pour la dénomination sociale, la société en participation n’est pas tenue d’avoir un siège social puisque cette dernière n’existe pas juridiquement à l’égard des tiers. Mais les associés peuvent cependant convenir d’un endroit spécifique où l’activité sociale va être exercée.

Quelles sont les conditions relatives à l’existence de la société en participation ?

La société en participation, nonobstant l’absence de personnalité juridique, est une véritable société.

D’ailleurs comme l’a précisé l’article 1871 alinéa 2 du Code civil, elle ne peut pas déroger aux dispositions applicables au contrat de société : la pluralité des associés, les apports et la recherche de bénéfices, tout comme la participation aux pertes (article 1832 du Code civil) ainsi que l’affectio societatis (la jurisprudence).

Sur la nécessité d’un écrit

Pour constituer une société en participation, comme nous l’avons précédemment précisé, nul besoin d’un écrit. Dans la pratique, la preuve de son existence se trouve dans le comportement des différents associés.

Selon l’article 1871 alinéa 2 du Code civil : « Les associés conviennent librement de l’objet, du fonctionnement et des conditions de la société en participation ». On peut voir dans cet alinéa que les associés jouissent d’une plus large liberté. En effet, l’objet peut être commercial ou civil.

Néanmoins, même s’il n’est pas obligatoire de rédiger un acte par écrit, il est tout de même préférable de le faire, principalement lors de l’établissement des statuts. Les statuts sont sans nul doute l’acte le plus important de la société ; ils consacrent la volonté des associés, notamment pour fixer les règles de fonctionnement de la société. Cette faculté résulte de la grande liberté contractuelle dont bénéficie la société en participation.

Si statuts il y a, ils vont régir la totalité du fonctionnement de la société. Leur seule limite c’est l’ordre public. Si aucune mention n’a été faite à ce sujet dans les statuts, tous les associés sont alors considérés comme les dirigeants de la société.

Concernant les statuts de la société en participation, il n’est pas nécessaire qu’ils soient publiés au registre du commerce et des sociétés ni même auprès de l’administration fiscale.

Dans le cas où il n’y a pas de statuts, ou alors si les statuts manquent de précision, il conviendra de se référer aux textes applicables : textes relatifs aux sociétés civiles si l’objet de la société est civil, mais si l’objet est commercial, ce sont les textes en matière de société en nom collectif qui seront applicables. Quoi qu’il en soit, l’objet social doit être licite.

À noter : la société en participation peut être créée pour une durée déterminée ou indéterminée. Cela signifie qu’elle peut être créée pour le temps de réaliser une opération déterminée si nécessaire.

Son existence se prouve par tous moyens.

Sur la pluralité des associés

Sur ce point, il faudra au minimum deux associés pour pouvoir créer une société en participation. Il n’y a aucune distinction entre les personnes physiques ou morales, les deux pouvant accéder au rang d’associés.

Sur les apports

Comme nous l’avons précisé ci-dessus, les associés doivent, pour la constitution de la société, apporter des biens. La société en participation ne déroge pas à cette règle.

Ici, aucun apport minimal n’est exigé pour la constitution de la société. Par ailleurs, si dans le cadre de la vie sociale, la société vient à acquérir des biens grâce aux bénéfices réalisés ; ces biens vont alors rejoindre l’actif du bilan fiscal de la société, c’est-à-dire le patrimoine fiscal. Ces biens seront réputés indivis (Cadre du régime de l’indivision).

Contribution aux pertes et partage des bénéfices

Sur ce point, les associés en contrepartie des bénéfices qu’ils tirent de la société, doivent aussi participer aux pertes. Ils sont libres d’en prévoir les modalités de répartition (pour tous les bénéfices, mais aussi pour les pertes).

À noter : comme dans tout contrat de société, la clause léonine est interdite. Elle consiste en une clause que prive un associé de tous les droits sociaux ou qui attribue à un seul associé la totalité des profits de la société. La clause peut aussi se manifester par l’attribution à un associé de la totalité des pertes ou au contraire, l’exonère de toutes contributions aux pertes de la société.

Sur l’affectio societatis

Pour dire les choses simplement, l’affectio societatis consiste en la volonté de s’associer. Le Code civil le mentionne indirectement dans son article 1832 en disposant que : « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens … » ou alors leur industrie en vue de partager tous les bénéfices ou de profiter de l’économie qui pourrait en résulter (…). Les associés s’engagent aussi à contribuer aux pertes.

Ainsi, chaque associé doit exprimer sa volonté d’apporter des biens lors de la constitution de la société dans le but de rechercher des bénéfices, mais aussi de contribuer aux pertes s’il y en a. Les associés doivent par ailleurs participer à la vie de la société.

Ainsi, dans un arrêt 24 mai 2017, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a affirmé qu’il n’y avait pas de société en participation entre un tiers et le gérant d’un débit de tabac puisque selon la cour, le tiers en question n’arrivait pas à prouver sa participation active ou son implication dans la gestion du débit de tabac.

Sur la dissolution de la société

S’il s’agit d’une société en participation à durée déterminée, celle-ci est dissoute par l’arrivée du terme.

Mais lorsqu’il s’agit d’une société à durée indéterminée, les choses sont un peu différentes. Ainsi, les causes de dissolution de la société en participation peuvent être :

  • La faillite
  • Une décision de l’un des associés à condition que ce dernier ne soit pas de mauvaise foi
  • Un décès d’un associé
  • Un placement sous le régime de protection juridique d’un associé

Les statuts de la société peuvent cependant prévoir que même en cas de décès d’un associé, l’activité de la société peut toujours se poursuivre.

Selon la Cour de cassation dans un arrêt du 27 novembre 2019, pour une société en participation à durée indéterminée, un associé peut dissoudre unilatéralement à n’importe quel moment la société à charge pour lui de notifier les autres associés.

Cette disposition ne s’applique pas aux sociétés en participation de professionnels.

Après la dissolution de la société s’ensuit la procédure de partage. Les règles applicables sont :

  • Chacun des associés reprend les apports qu’il a mis à la disposition de la société
  • Procéder au partage des bénéfices et contribuer aux pertes au prorata de la valeur de leurs apports

Si des dispositions avaient été convenues à cet effet, alors il faudrait se référer à ces dernières.

Régime fiscal

Malgré le fait que la société en participation ne soit pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés (ou fait l’objet d’une publication), elle est toutefois soumise à une déclaration auprès des services des impôts et des entreprises.

En ce qui concerne la fiscalité, plusieurs choix s’offrent aux associés. Dès lors que les associés ont arrêté leur choix, leur option devient irrévocable :

  • Ils pourront choisir une imposition des bénéfices avec l’impôt sur les sociétés. Dans ce cas-là, la société est sous le régime des sociétés de capitaux.
  • Il y a aussi une imposition sur le revenu au nom de chaque associé pour la quote-part de leurs bénéfices. Dans ce cas-là, elle est placée sous le régime des sociétés de personnes.
  • Enfin, ils peuvent aussi choisir une imposition mixte.

En plus de cela, elle est aussi assujettie à la CET et à la TVA.

Régime social

Il convient de faire une distinction entre le régime social des associés et le régime social du gérant.

Les associés sont tenus de s’immatriculer auprès des caisses sociales qui relèvent de leur activité sociale : artisanale, libérale ou commerciale.

Le gérant, quant à lui, est affilié auprès des caisses sociales des travailleurs non-salariés qui correspondent à la nature de l’activité qu’il exerce.

La cession des droits sociaux

Elle doit s’effectuer avec l’accord à l’unanimité des associés sauf s’il en a été prévu autrement dans les statuts.

Les avantages et inconvénients

Les avantages d’une société en participation sont de trois ordres. Premièrement, la procédure de création a été simplifiée, notamment avec l’absence de capital minimum. Ensuite, il y a une certaine discrétion à l’égard des tiers. Enfin, ce type de société est très souple dans son fonctionnement.

Le principal inconvénient découle de l’absence de personnalité morale : la responsabilité indéfinie et solidaire (s’il s’agit d’une société commerciale) ou indéfiniment et conjointement (s’il s’agit d’une société civile).

En passant, voici deux arrêts très importants en droit des contrats si vous êtes en cours de préparation d’un commentaire d’arrêt ou d’une dissertation juridique :

  1. #Arrêt_Chronopost rendu par la Cour de cassation le 22 octobre 1996.
  2. #Arrêt_Fragonard de la première chambre civile de la Cour de cassation du 24 mars 1987.

S’abonner
Notification pour
1 Comment
Retour d'information sur Inline
Voir tous les commentaires
Pierre François

Bonjour,

Tout d’abord merci pour votre article qui est très pertinent.

Moi et ma copine sommes auto entrepreneur et nous souhaiterions ouvrir une SEP pour rester auto entrepreneur chacun de noté côté.

Pour les impôts, si nous partons sur une SEP, pourrons nous rester sur de simples déclarations URSSAF en divisant notre CA en deux ?

Merci d’avance pour votre réponse.

Les derniers articles