La responsabilité du commettant du fait des préposés fait partie du régime de la responsabilité du fait d’autrui et de la responsabilité du fait des choses. Selon l’article 1242 alinéa 5 du nouveau Code civil (l’article 1384 al 5 de l’ancien Code civil) : « Les maitres et les commettants (ils sont responsables) du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. »
Pour mieux comprendre la responsabilité du commettant du fait des préposés, il est nécessaire de savoir quelles sont les conditions nécessaires pour engager la responsabilité du commettant. Peut-il s’exonérer de sa responsabilité et quels sont les effets de cette responsabilité ?
Quand on parle de lien de subordination entre le commettant et le préposé, c’est souvent sur la base d’une relation de travail, c’est-à-dire, employeur-salarié.
Pour dire les choses simplement, en matière de droit du travail notamment, le commettant répond des dommages commis par ses préposés. Cela s’explique par le fait que le commettant tire profit de l’activité du préposé et qu’il est normal que ce dernier supporte les risques.
Les conditions de la responsabilité du commettant du fait des préposés
Concernant les conditions de responsabilité du commettant du fait des préposés, on peut citer : le dommage, qui est ici, causé par le préposé. Ensuite, l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le dommage subi ou un lien de préposition (un lien de subordination). Enfin, une faute du préposé est nécessaire pour engager la responsabilité du commettant du fait des préposés.
Conditions communes à la responsabilité civile
Il existe trois conditions :
- Dommage
À l’origine de tout fait générateur de responsabilités, l’existence d’un dommage est nécessaire pour engager la responsabilité de son auteur. Ce dommage doit être : personnel, direct, actuel, certain et licite.
En outre, il peut être de nature, matériel, corporel ou moral. Dans le cadre de la responsabilité du commettant du fait des préposés, c’est le commettant qui est responsable des dommages causés par son préposé.
- Faute
L’existence de faute est nécessaire pour engager une responsabilité du commettant du fait des préposés.
- Lien de causalité
Il ne suffit pas qu’il y ait dommage, il faut que la faute soit matériellement reliée au dommage subi par la victime, c’est-à-dire que pour engager la responsabilité de son auteur, il est nécessaire que la faute soit la cause du dommage.
Conditions spécifiques à la responsabilité du commettant du fait de ses préposés
- Lien de préposition
Peut se définir comme étant un rapport de subordination entre le commettant et le préposé c’est-à-dire que le commettant a le pouvoir de donner des ordres, de commander son préposé sur la façon dont il doit accomplir la mission.
Il peut y avoir plusieurs commettants pour un seul préposé, c’est le principe d’unité du commettant responsable, mais le cas de transfert de commettant existe aussi.
- Faute du préposé dans le cadre de ses fonctions
Pour engager la responsabilité du commettant du fait des préposés, la logique veut tout d’abord que le préposé ait commis une faute.
Le commettant n’est pas responsable de tous les actes commis par son préposé, il faut que ce dernier ait commis la faute dans l’exercice de la fonction confiée par le commettant.
*** Par ailleurs, pour plus d’information concernant la responsabilité civile, vous pouvez aussi consulter gratuitement notre fiche d’orientation à propos de l’article 1241 du Code civil : La responsabilité du fait personnel. Cliquez le lien pour accéder à la page. ***
Les effets de la responsabilité du commettant du fait des préposés
Dans le cadre de la responsabilité du commettant du fait des préposés, le commettant est présumé responsable des dommages et préjudices causés par ses préposés. L’employeur est par principe responsable des actes accomplis par le salarié au sein du lieu de travail ainsi que des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions. Ce principe offre ainsi une immunité aux préposés, mais ce n’est qu’une présomption simple.
Sur le commettant
Présomption de responsabilité du commettant du fait des préposés
Le commettant est responsable des agissements fautifs commis par ses préposés. Si le préposé a agi dans le cadre de ses fonctions, il est donc impossible pour le commettant de s’écarter de sa responsabilité.
Les cas d’exonération de responsabilité du commettant du fait des préposés
Il existe plusieurs cas où le commettant peut s’exonérer de sa responsabilité, et où le préposé est considéré comme étant le seul responsable :
- Force majeure :
Elle n’a jamais été appliquée dans le souci de garantir les droits de la victime.
- Faute de la victime
- Abus de fonction :
Ass. Plé. 19 mai 1988, arrêt Héro.
Mais cette exonération totale n’est possible que sous 3 conditions cumulatives :
- Le préposé a agi hors de ses fonctions
- Le préposé a agi sans autorisation du commettant
- Le préposé a agi à des fins étrangères à ses attributions c’est-à-dire que le préposé a agi dans son intérêt personnel.
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Sur le préposé
L’immunité du préposé posé par l’arrêt Costedoat, Ass. Plé. 25 février 2000
Cet arrêt marque un véritable tournant (assimilable à une réforme du Droit) en matière de responsabilité du commettant du fait des préposés. Selon la décision prise par la Cour de cassation en date du 25 février 2000, le préposé n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers s’il agit sans excéder les limites de sa mission.
Le préposé ne sera jamais gardien de la chose et ne pourra pas de ce fait, être considéré comme responsable sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5.
Le statut du gardien quant à lui, suppose le cumule de trois pouvoirs sur la chose + 1 : l’usage, la direction et le contrôle ainsi qu’un lien de préposition qui fait obstacle à l’exercice de ses pouvoirs par le préposé.
Par ailleurs, le préposé ne sera jamais reconnu responsable en tant que conducteur sur le fondement de la loi de 1985. C’est le commettant qui sera responsable des accidents de circulation causé par son préposé. Le caractère fautif n’est ici pas retenu.
Limite de l’immunité
La responsabilité du préposé pourra néanmoins être engagée s’il a :
- Commis une infraction pénale intentionnelle
- Commis une faute pénale intentionnelle arrêt Cousin, Assemblée plénière du 14 décembre 2001
- Commis une faute civile intentionnelle, arrêt du Chambre Civil du 21 février 2008
- Commis une faute lourde (droit du travail)
La responsabilité du préposé est ainsi engagée même si la faute pénale intentionnelle en question a été sous l’ordre du commettant et n’excède pas la limite des fonctions.
Pour autant, s’il s’agit d’une faute pénale non intentionnelle :
- La jurisprudence a d’abord décidé que l’immunité est écartée en cas de faute pénale, intentionnelle ou non intentionnelle (Civ , 21 février 2008).
- Mais avec l’arrêt de la Chambre criminelle du 27 mai 2014, le préposé conserve son immunité en cas d’infraction pénale non intentionnelle
Action en responsabilité
Pour la victime : qui est concerné par une action en responsabilité ?
Avant l’arrêt Costedoat, la victime pouvait poursuivre qui elle voulait, le commettant ou le préposé et même les poursuivre solidairement. De surcroit, le commettant pouvait engager une action récursoire contre le préposé. Aujourd’hui, le commettant ne peut plus bénéficier de cette action.
Comme nous l’avons présenté un peu plus haut, le commettant est présumé responsable des préjudices subis par la victime. Le commettant ne pourra pas s’exonérer de cette responsabilité.
Pour autant, il ne faut pas oublier que le préposé bénéficie d’une immunité.
En revanche, cela ne signifie pas qu’il est irresponsable, car si le commettant est responsable du fait de ses préposés c’est parce que le préposé a commis une faute.
Dans le cadre d’un contrat de société ou de travail par exemple, le commettant pourrait se retourner contre le préposé en engageant une action en responsabilité personnelle à condition que ce dernier ait commis une faute lourde.
Second exemple : le code des assurances permet à l’assureur du commettant qui a indemnisé la victime de se retourner contre l’assureur du préposé à condition qu’il y ait eu malveillance de la part du préposé (arrêt du 12 juillet 2007).