Le référé est une procédure qui permet de demander au juge de statuer de façon très rapide en ordonnant des mesures provisoires dans l’intérêt de sauvegarder les droits du requérant. Cette procédure s’initie dans l’espérance d’un jugement de fond qui peut être l’œuvre d’un juge unique.
Dans cet article, nous vous dirons tout sur le référé en abordant dans un premier temps, la définition et la procédure du référé. Puis dans un second temps, nous verrons les caractéristiques de l’ordonnance de référé ainsi que les différentes voies de recours qui existent en droit français.
Définition et procédure du référé
Définition du référé
Un référé peut se définir comme étant une procédure rapide et contradictoire permettant de demander au juge par voie d’assignation de prendre des mesures immédiates en attendant le procès qui suivra pour trancher le litige. On qualifie cette procédure de rapide, car sa durée est généralement deux semaines ou même parfois moins depuis l’introduction de la demande jusqu’à la date de l’audience.
De plus, la procédure de référé produit un effet immédiat parce que la décision qui est prononcée par le président du Tribunal est exécutoire par provision. Cela signifie que même si l’on décide d’interjeter appel par rapport à cette décision, son exécution ne sera pas interrompue.
Il faut toujours garder à l’esprit cependant qu’il s’agit d’une décision provisoire que le juge des référés rend. Cela veut dire que lorsqu’une décision est rendue par le juge du fond, si celle-ci elle va à l’encontre de celle rendue par le juge des référés, elle aura la primauté. Étant donné que la procédure de référé aboutit à des mesures à caractère provisoire, elle ne peut donc pas permettre au juge de rendre une décision qui tranche de façon définitive le différend en cause.
La procédure de référé obéit à des mesures et conditions qu’il convient de préciser dans les prochains développements.
Procédure de référé
La procédure de référé est soumise à un certain nombre de conditions. Il s’agit aussi bien de conditions de forme que de fond. Pour ce qui concerne les conditions de forme, il faut dire que l’article 485 du Code de procédure civile précise que le juge des référés ne peut être saisi que par voie d’assignation. Si le litige en question nécessite un traitement rapide, le juge des référés peut même permettre une assignation en référé à une heure précise, et ce, même lors de jours non ouvrables (jours fériés et chômés).
S’agissant des conditions de fond, on retient qu’il y a trois grands cas de figure qui sont concernés par le recours au juge des référés. Examinons ces trois différents cas de façon plus détaillée.
Premier cas : La situation d’urgence
Il est impératif que la situation présente une certaine urgence. L’article 834 du code de procédure civile exige dans ce cas précis qu’il est nécessaire de démontrer au juge que la partie adverse n’a aucun moyen d’apporter une contestation sérieuse au sujet de la demande en référé. Quand on parle de contestation sérieuse, il faut comprendre qu’il s’agit d’apporter des arguments solides qui sont de nature à aller contre la prétention du demandeur de la mesure.
Il s’agit dans ce premier cas de ce que l’on nomme le référé ordinaire. En revanche, si le défendeur peut arriver à semer un doute sérieux dans l’esprit du juge en ce qui concerne la pertinence ou le bien-fondé de la mesure envisagée par l’autre partie qu’est le demandeur, alors le juge refusera la mesure.
Exemple : Prenons le cas d’un bailleur qui loue un immeuble à son preneur. Le preneur décide de réaliser des travaux d’agrandissement sans l’autorisation du bailleur en abattant certains murs. Il est possible d’évoquer dans ce cas l’urgence à obtenir en référé une mesure d’exclusion de ce locataire.
Par ailleurs, il convient de rappeler que même en cas d’urgence, et même lorsque la partie défenderesse est en mesure d’opposer une contestation qui pourrait être considérée comme sérieuse, l’existence d’un différend pourrait permettre au juge de se prononcer.
Ainsi, le référé ordinaire peut être envisagé dans la pratique qu’il y ait ou non une contestation sérieuse lorsque la principale motivation du référé consiste en une action qui justifie l’existence d’une urgence.
L’appréciation du juge de l’urgence est discrétionnaire et relève de la souveraineté des juges du fond.
Deuxième cas : Les mesures conservatoires ou de remise en état
Dans ce second cas, des mesures peuvent être obtenues sans qu’il n’y ait besoin de prouver l’existence d’un cas d’urgence avec même la possibilité pour la partie adverse de contester sérieusement la demande. L’article 835 al.1 du Code de procédure civile donne la possibilité au président du tribunal judiciaire ou au juge du contentieux, de prescrire en référé, des mesures conservatoires ou de remise en étant dans le but de prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble qui est manifestement illicite.
Le référé conservatoire ou de remise en état n’est donc nullement subordonné à l’existence d’un cas d’urgence et il suffit de prouver qu’il existe un trouble caractérisé par une manifestation illicite ou un dommage imminent dont l’appréciation et l’acceptation relèvent du pouvoir souverain du juge.
En guise d’exemple, un juge des référés peut ordonner la suspension de la publication d’un article portant atteinte à la vie privée d’une personne ou à la dignité humaine.
Les mesures prises dans ce cas précis ont pour objectif d’empêcher l’arrivée d’un dommage imminent à autrui ou de procéder à une mise en l’état, si la situation s’est déjà produite au moment où le juge a été saisi pour son appréciation.
Autre exemple : un voisin est sur le point de démarrer la réalisation des travaux de construction de sa maison. Si ces travaux ont pour inconvénients de fragiliser l’un des murs de votre propriété, il vous est permis de demander au juge d’ordonner leur arrêt immédiat, ce qui constitue dans ce cas une mesure conservatoire. Si lesdits travaux ont été déjà réalisés, vous pouvez demander leur révision ou leur modification. Dans ce cas, on parlera de remise en état.
Il faut donc comprendre qu’il existe deux possibilités en vue d’obtenir un référé conservatoire ou de remise en état. Ces deux conditions sont l’existence d’un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite.
La première possibilité qui consiste en l’existence d’un dommage imminent peut s’interpréter comme suit.
Il faut que le dommage soit sur le point de se réaliser de telle manière que la décision du juge soit un palliatif à cela. Dans notre précédent exemple, concernant les travaux en vue d’être réalisés par un voisin, s’il peut être prouvé que ces travaux risquent de mettre en péril un mur de votre immeuble, alors cela peut constituer un dommage imminent sur le point de survenir. Le juge des référés peut donc suspendre avec effet immédiat les travaux visés. Ceci est une mesure permettant de prévenir un dommage, celui de la destruction de l’immeuble.
La seconde possibilité consiste à faire arrêter un trouble manifestement illicite. Imaginons maintenant que les travaux réalisés par votre voisin ont pour objectif d’agrandir sa propre maison, mais que ces travaux d’agrandissement n’ont pas été permis par la Mairie. Alors cela constitue un trouble manifestement illicite et il est possible d’agir en référé.
Troisième cas : Le référé-provision ou référé-injonction
Ce troisième cas est prévu par l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile. Le juge des référés peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, on parle dans ce cas de référé-provision.
Le juge a aussi la possibilité d’ordonner des mesures d’exécution si cette dernière est une obligation de faire (référé-injonction).
Nous comprenons donc que dans ce cas, on n’a pas besoin d’établir l’existence d’une urgence, il suffira que l’obligation ne soit pas sérieusement contestable pour que le juge accorde le référé.
Prenons un nouvel exemple : Jean doit de l’argent à Cyprien et ce dernier ne veut pas s’exécuter en payant la somme due.
Cyprien pour obtenir son paiement, pourra démontrer au juge, que l’obligation pour laquelle il sollicite une exécution, c’est-à-dire le paiement de la somme que Jean lui doit, n’est pas sérieusement contestable.
Il lui suffira de prouver que Jean lui doit de l’argent, et ce, de façon très évidente.
Cette procédure peut être réalisée devant un tribunal de commerce, tribunal d’instance ou de grande instance, lorsqu’elle met en jeu des commerçants ou des sociétés commerciales. Son intérêt, c’est l’avantage d’avoir un effet immédiat, c’est-à-dire l’injonction de payer.
Toutefois, il faut savoir que la procédure d’injonction de payer laisse tout de même la possibilité au défendeur de faire valoir son point de vue, ne serait-ce a posteriori dans le but de respecter le principe du contradictoire. Il sera donc possible pour le défendeur de s’opposer immédiatement au paiement exigé de lui, en décidant de porter l’affaire devant le juge compétent, étant donné que l’huissier de justice lui notifiant l’injonction de payer, se doit de lui dire qu’il peut faire opposition.
Pour autant, l’un des grands avantages de la procédure du référé consiste à ce que l’adversaire présent à l’audience, donne en même temps sa version des faits. Cela permet au juge de rendre une ordonnance en condamnant le défendeur au paiement de sa dette s’il estime la demande comme étant légitime. Il sera donc difficile pour le défendeur d’échapper à cette obligation de payer parce que le référé-provision lui impose de procéder au paiement, même s’il a l’intention de faire appel. Ceci se comprend aisément parce que l’ordonnance du juge des référés est exécutoire par provision.
Même si plus tard, le débiteur intentait une action sur le fond du dossier en vue d’obtenir un jugement définitif (contrairement au jugement de référé qui a un caractère provisoire), il est peu probable que le juge du fond statue différemment sur l’affaire lorsque le juge du référé avait estimé que la dette était très évidente et qu’il avait condamné le défendeur au paiement de la somme due.
On se rend donc bien compte que le référé a une grande force qui lui permet d’obtenir généralement des mesures à effet immédiat et de manière assez efficace malgré son caractère provisoire.
Hormis les trois cas que nous avons précédemment évoqués, il existe un cas permettant d’obtenir de la part du juge des référés, des mesures d’instruction in futurum.
Les mesures d’instruction in futurum sont prononcées avant tout procès, dans le but de faciliter à une partie, la conservation ou l’établissement des preuves de faits qu’elle pourrait évoquer en cas d’éventuel procès.
Notons également qu’en matière d’ordonnances de référé, le président du tribunal judiciaire dispose d’une compétence de principe. Par ailleurs, le juge du contentieux dispose aussi dans la limite de ses prérogatives, du pouvoir de statuer par ordonnances de référé.
Enfin, il est permis au Premier président de la Cour d’appel de statuer en référé dans les cas ci-après :
- Lorsque la cour d’appel est déjà saisie et;
- Lorsqu’il y a urgence.
Toutefois, il convient de souligner qu’il ne peut être saisi ni à des fins d’un référé conservatoire, ni d’un référé-injonction, ni d’un référé-provision.
Schéma récapitulatif des conditions de fond d’une procédure de référé
Caractéristiques de l’ordonnance de référé et voies de recours
L’ordonnance de référé : Ses caractéristiques
Les caractéristiques de l’ordonnance de référé peuvent être résumées ainsi :
Elle est exécutoire de plein droit : il s’agit d’une ordonnance du juge qui peut être exécutée dès sa signification même en cas de recours. Le recours n’ayant donc pas un effet suspensif sur l’exécution de la décision. En outre, dans un souci de célérité dans l’exécution de l’ordonnance, la possibilité est donnée au juge des référés d’assortir l’ordonnance d’une astreinte.
Elle est provisoire : l’ordonnance de référé ne disposant pas d’une autorité de la chose jugée par rapport au principal. Cela veut dire que la décision rendue par le juge des référés n’a pas la primauté sur celle rendue par le juge du fond concernant la même affaire. La décision du juge du fond peut aller dans le sens contraire de celle rendue par le juge des référés. Les parties ont dès lors la possibilité de saisir le juge du principal sans courir aucun risque de se voir opposer la fin de non-recevoir en lien avec l’autorité de la chose jugée.
Les voies de recours contre une ordonnance de référé
L’ordonnance de référé peut être attaquée devant la cour d’appel dans un délai de 15 jours à compter de sa date de notification.
Cependant, il a été prévu dans les cas ci-après, l’impossibilité de frapper l’ordonnance de référé d’une procédure d’appel.
Il s’agit de :
- Lorsque l’ordonnance de référé a été rendue par le premier président de la Cour d’appel.
Il faut retenir donc que les ordonnances de référé du premier président ne sont pas susceptibles d’appel
- Lorsque l’ordonnance de référé a été rendue en dernier ressort en raison des éléments comme l’objet ou le montant de la demande.
L’article 490 du Code de procédure civile prévoit que l’ordonnance rendue en dernier ressort par défaut peut faire l’objet d’opposition dans un délai de 15 jours suivant sa date de notification.
Par ailleurs, il faut faire remarquer qu’à l’instar de toutes les autres décisions de justice, l’ordonnance de référé est susceptible d’une tierce opposition.
Enfin, soulignons que les ordonnances de référé rendues en dernier ressort, peuvent être attaquées devant la Cour de cassation au moyen d’un pourvoi en cassation.
Étant donné que les décisions en référé sont provisoires par nature, il se peut que le demandeur soit confronté à de nombreux cas.
Dès lors, en cas de procédure tendant à obtenir le remboursement d’une somme d’argent, cette somme ne peut être considérée comme remboursée que de façon temporaire étant donné que la décision du référé dispose d’un caractère provisoire.
À titre illustratif, considérons le cas d’une personne sur laquelle pèse une condamnation relative au paiement de certaines sommes d’argent. À cause du fait que le référé soit assorti d’un effet immédiat, il se retrouve dans l’obligation de procéder d’abord au paiement de l’autre partie.
Ensuite, lorsqu’il le voudra, il pourra intenter une action devant le juge du fond pour obtenir une décision tendant à ordonner la restitution de la somme qu’il avait payée. Ce qui suppose que lorsque le dossier amené devant le juge des référés est bien « monté et ficelé », il y a peu de chance que la décision rendue soit annulée par la suite.
La procédure en matière de référé est assez délicate au regard du droit commun dans la mesure où le magistrat saisi de l’affaire doit ordonner des mesures contraignantes sans pour autant trancher le fond du litige.