C’est quoi une prérogative de puissance publique ?

prérogative de puissance publique

Une prérogative de puissance publique est un privilège reconnu à la puissance publique représentée par l’État et qui consiste à lui donner les moyens nécessaires pour qu’il puisse remplir sa mission d’intérêt général. Pris dans leur ensemble, les prérogatives de puissance publique permettent à l’administration d’imposer sa volonté à toutes les personnes physiques ou morales de droit privé.

En effet, la souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République selon le philosophe Jean Bodin. L’État souverain dispose d’un pouvoir suprême qu’il exerce vis-à-vis de ses citoyens et c’est par le biais de la puissance publique que ce pouvoir est exercé. Considérée comme la manifestation de la souveraineté d’un État, la puissance publique est à la base du droit public et par ricochet du droit administratif.

À défaut de cette puissance publique, l’administration n’aurait pas d’autorité suffisamment convaincante et puissante pour exercer ses différentes missions d’intérêt général. Toutes les prérogatives de puissance publique sont en somme des moyens juridiques exorbitants du droit commun mis à la disposition de l’État, de l’administration ainsi que de certains organismes (que nous évoquerons plus loin dans cet article) ayant pour finalité la satisfaction de l’intérêt général.

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’une prérogative de puissance publique offre la possibilité à l’administration de prendre des actes administratifs afin d’imposer par sa seule volonté, des obligations ou des droits à d’autres personnes ainsi qu’à des tiers.

Le non-respect des actes administratifs a pour conséquence des sanctions administratives.

Les prérogatives de puissance publique constituent une spécificité du droit administratif à une époque où certains administrés banalisent malheureusement le droit administratif. Toutefois, il faut dire que la prérogative de puissance publique reste et demeure une notion assez diffuse ce qui la rend parfois difficile à cerner pour les non-initiés au droit ou pour les étudiants qui débutent leurs études de droit.

En outre, le sens et la portée des prérogatives de puissance publique évoluent au rythme du droit administratif. Ce qui ne change pas en revanche c’est le principe fondamental d’une prérogative de puissance publique ; à savoir qu’elle dote l’administration qui est chargée de l’action administrative des moyens nécessaires pour satisfaire l’intérêt de tous les administrés et plus largement des citoyens. Par ailleurs, une telle action administrative peut être aussi conduite par un organisme privé dans certains cas.

Dans cet article nous vous expliquerons tout ce qu’il faut savoir afin de maîtriser la notion de prérogative de puissance publique. Ainsi, dans une première partie, nous allons étudier la prérogative de puissance publique comme un critère du droit administratif. Puis dans une seconde partie, nous entrerons encore plus dans les détails.

La prérogative de puissance publique : Critère du droit administratif

C’est quoi l’administration ?

Le terme « administration » peut être défini de deux manières.

Dans sa définition fonctionnelle : l’administration consiste à exercer tout un ensemble d’activités dans le but de satisfaire les besoins de l’intérêt général d’une population.

Dans sa définition organique : l’administration peut être définie comme un ensemble composé de personnes morales telles que l’État ou les collectivités territoriales et locales, les établissements publics ; ainsi que par les personnes physiques (des fonctionnaires bénéficiaires d’un contrat administratif ou d’autres agents de l’État) qui accomplissent des activités d’intérêt général.

Par exemple, des services de l’État comme la gendarmerie sont investis d’une mission de police administrative. Il faut dire aussi que dans certains cas, l’administration peut faire appel à des personnes morales de droit privé avec qui elle signe des contrats relevant du droit civil.

La qualification des contrats ainsi signés avec des personnes privées n’est pas du ressort de la justice administrative et est soumise au droit des contrats qui émane du droit privé. Par ailleurs, une conception large inclut les organismes privés chargés d’une mission de service public comme faisant partie de l’administration.

Enfin, selon l’article 20 de la Constitution française, l’administration est liée au pouvoir exécutif dont elle dépend. Au sein de cette administration publique travaillent en grande majorité des personnes qui ont signé des contrats de travail avec l’État et qui sont des contrats publics ou plutôt des contrats de droit public.

Ces contrats parfois appelés contrats administratifs permettent d’orchestrer le système des carrières professionnelles des agents de l’État. De la même manière, des règles constitutionnelles organisent l’entrée dans les emplois publics et la rémunération de ces agents est imputée aux finances publiques dont le droit applicable concerne la gestion du budget de l’État.

Afin d’accomplir ses missions, l’administration dispose d’un certain nombre de moyens propres. Parmi lesdits moyens figurent les prérogatives de puissance publique qui sont un important outil de prise de décision pour l’administration.

Comme nous l’avons précisé, les prérogatives de puissance publique sont des pouvoirs exceptionnels de commandement dont dispose l’administration publique et qui ne sont pas entre les mains des personnes privées. Lesdits pouvoirs transmis par le pouvoir exécutif permettent à l’administration d’imposer sa seule volonté dans de nombreuses situations.

Par exemple, l’administration peut décider de procéder à une expropriation d’un immeuble appartenant à un particulier pour cause d’utilité publique en dédommageant ce dernier ; et ce même s’il n’a pas la volonté manifeste de mettre l’immeuble concerné à la disposition de l’administration.

Son droit de propriété sur cet immeuble est donc compromis dans une certaine mesure. Cet acte d’expropriation relève des prérogatives de puissance publique que détient l’administration.

De plus, lorsque l’administration prend un acte à l’égard d’un administré, elle peut procéder sous certaines conditions à son exécution et sans demander la permission au juge contrairement à un particulier qui doit requérir à une telle permission. Une telle puissance dont dispose l’administration est qualifiée de privilège de l’exécution d’office ou de privilège de l’exécution forcée.

Toutefois, il convient de dire qu’il y existe aussi des cas dans lesquels la loi autorise l’application des règles relevant du droit privé.

L’acte administratif c’est quoi ?

La prérogative de puissance publique est un instrument juridique à travers lequel l’activité de l’État se traduit. L’acte administratif quant à lui est un acte juridique pris par l’administration dans un but de satisfaire l’intérêt général tout en produisant des effets de droit.

Dans son sens traditionnel, l’acte administratif peut être appréhendé sous l’angle d’un contentieux administratif. Un acte de l’autorité administrative peut donc être attaqué devant le juge administratif par le biais d’un recours pour excès de pouvoir.

À titre informatif, pour faire ressortir les principales caractéristiques de l’acte administratif unilatéral, la jurisprudence s’est fondée sur la recevabilité en recours contentieux. Ces actes pris unilatéralement sont difficiles à maitriser ou à encadrer et ils ne peuvent être analysés que devant le juge administratif au besoin.

Parfois, les fonctionnaires de l’État font recours à un référé afin de solliciter d’un tribunal administratif, une procédure accélérée ou rapide, mais provisoire qui permet de sauvegarder leurs droits lorsqu’ils sont en conflit avec l’administration publique.

Comme nous l’avons dit un peu haut dans cet article, des personnes de droit privé peuvent être amenées à prendre des actes administratifs unilatéraux lorsqu’elles sont investies d’une mission ou d’une activité d’intérêt général.

Trois (03) éléments permettent de qualifier la décision administrative. La décision doit être :

  • Soit normative
  • Soit en lien avec la fonction publique administrative
  • Ou alors qu’elle émane des prérogatives de puissance publique dont l’administration est titulaire

La prérogative de puissance publique : Qu’est-ce que c’est ?

Lien entre les organes administratifs et les actes de droit privé

L’acte administratif traduit l’exercice par l’État de la puissance publique. Ainsi, il arrive que des organes administratifs prennent des actes relevant du droit privé et aussi que des organismes privés initient des actes administratifs lorsque lesdits organismes sont investis d’une mission de service public leur conférant des prérogatives de puissance publique.

On remarque parfois quelques situations où une personne publique bien que détenant des prérogatives de puissance publique, n’y fait pas recours puisqu’elle agit dans le cadre d’une gestion privée. On rencontre certaines décisions qui, malgré le fait qu’elles réunissent les conditions pouvant permettre d’être caractérisées d’actes administratifs, ne bénéficient pas d’une telle qualification.

Dans ce cas, le juge judiciaire se trouve compétent en ce qui concerne leur contrôle. On peut donc dire qu’elles relèvent de la puissance privée. Ceci peut être vu comme étant une entorse au principe de la séparation des pouvoirs tant prôné par le droit constitutionnel.

À titre d’exemple, nous pouvons citer les divers actes administratifs qui sont soumis à la compétence d’une juridiction judiciaire ou d’un tribunal judiciaire conformément à une disposition législative en vigueur. Le domaine privé de la régulation de l’activité économique peut être cité ici en exemple.

Lien entre les personnes privées et les actes administratifs

Il n’est pas impossible qu’un acte administratif soit l’œuvre d’une entité ou d’une personne privée. Avec la restructuration des fonctions de l’administration, il a été constaté que le juge a souvent fait face à la difficulté de qualifier un acte de l’administration en prenant en compte le critère organique.

La question de savoir si c’est la nature de l’auteur d’un acte qui doit être prise en considération pour qualifier l’acte (par exemple s’il émane d’une personne privée) ou si c’est plutôt la finalité de l’acte qui doit être retenue pour qualifier l’acte a été tranchée par la jurisprudence.

C’est à travers l’un de ses arrêts phares, notamment l’arrêt Magnier rendu le 13 janvier 1961, que le Conseil d’État a tranché la question des actes administratifs initiés par des personnes de droit privé.

En effet, l’arrêt Magnier fut la première décision à travers laquelle le Conseil d’État a approuvé le fait qu’une personne privée était autorisée ou habilitée à prendre une décision exécutoire. Il a ainsi été jugé que l’association en question participait à la protection des cultures et de ce fait, prenait part au développement ainsi qu’à la protection de l’économie nationale.

Dans cet arrêt, le juge administratif a conféré le caractère d’acte administratif à certains actes pris par des personnes privées. Ainsi, sans prendre le soin de savoir si l’organisme en question constituait un établissement public ou une institution privée, le Conseil d’État a soumis à son contrôle les décisions prises par un comité d’organisation. Cet arrêt a été véritablement innovant, car il peut être interprété de deux manières :

  • La toute première interprétation permet d’affirmer qu’un comité d’organisation fait partie d’une catégorie nouvelle de personnes publiques si l’on retient le critère organique comme base de qualification de l’acte.
  • Une deuxième interprétation nous permet de dire qu’un comité d’organisation maintient son statut de personne privée, mais est susceptible de prendre des décisions administratives sous certaines conditions. Une telle qualification permet d’écarter le critère organique comme élément qualifiant l’administrativité d’un acte.

À travers cet arrêt, le Conseil d’État a donc clairement approuvé le principe selon lequel, un acte émanant d’un organisme privé ou d’une entité de droit privé peut être soumis à la compétence du juge administratif. C’est pour ainsi dire que dans certains cas, la loi peut accorder à une personne privée, la possibilité de prendre des actes administratifs.

Toutefois, il est plus qu’indispensable de garder à l’esprit que de tels actes administratifs doivent avoir un lien avec la fonction administrative. Cela veut simplement dire que la personne privée autorisée à prendre de tels actes doit absolument exercer une mission de service public, ce qui peut se traduire par l’usage de cette puissance publique dont elle est délégataire. Dans ce cas précis, on peut dire que cette personne privée se comporte comme une autorité administrative.

Il convient tout de même de clarifier ce principe selon que l’on se retrouve en face d’un acte émanant d’un service public administratif (SPA) ou d’un acte de service public industriel et commercial (SPIC).

Actes initiés dans le cadre des services publics administratifs (SPA)

Une personne privée ou une entité privée peut émettre des actes administratifs (individuels ou réglementaires) lorsqu’elle use des prérogatives de puissance publique accordées dans l’accompagnement d’un service public à savoir :

L’accompagnement d’un service public administratif

La personne privée qui est l’auteur de l’acte administratif doit être investie d’une mission de service public. À titre illustratif, on peut citer les actes pris par des fédérations.

L’existence de prérogatives de puissance publique

Il est nécessaire que la décision prise par le biais de l’acte administratif émis s’impose et traduise l’application ou l’usage des prérogatives de puissance publique accordées à cet organisme privé.

Par ailleurs, ces prérogatives de puissance publique ne sont que des moyens ou des pouvoirs exceptionnels dont l’administration peut user dans le cadre de la réalisation de ses missions d’intérêt général, et ce, même si les destinataires dudit acte n’y consentent pas.

Actes pris dans le cadre des services publics industriels et commerciaux

C’est l’arrêt Époux Barbier rendu en 1968 par le Tribunal des Conflits, qui a tranché le cas des modalités ou des conditions générales d’organisation d’un service public. Il ressort de cet arrêt qu’il doit y avoir obligatoirement un certain nombre de règles traitant de la façon dont le service public est exercé.

Ainsi, en présence d’un acte réglementaire qui s’est traduit par une prérogative de puissance publique et dans le cas d’un contentieux, c’est le tribunal judiciaire qui sera impliqué si ledit acte a trait à l’organisation du service public ou si la personne privée a été habilitée par la loi aux fins de prendre un acte administratif.

Ainsi, le Tribunal des Conflits a jugé et posé le principe qu’un règlement provenant d’une personne morale de droit privé, titulaire d’une délégation de service public et gérant un service public industriel et commercial possède le caractère d’acte administratif si cela a un lien avec l’organisation proprement dite du service public concerné.

De plus, il faut comprendre aussi que la compétence a été accordée exclusivement à une juridiction administrative en ce qui concerne l’appréciation de la légalité dudit règlement. La gestion de service public industriel et commercial permet dans une certaine mesure de qualifier un acte d’acte administratif.

Les actes pris par des organismes administratifs sont qualifiés par principe d’actes administratifs en raison du fait qu’ils mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique tout en agissant comme une autorité administrative pour l’accomplissement de la mission du service public qui leur est confiée.

En effet, il faut savoir que les organismes administratifs sont habilités à prendre une décision administrative à partir du moment où il s’agit d’un acte normatif qui est pris dans l’exercice des prérogatives de puissance publique. Cela confère le statut d’autorité administrative à ces organismes et dont l’encadrement relève de la compétence du juge administratif ou de la juridiction administrative.

Nous comprenons donc qu’une personne publique ou privée peut bénéficier des prérogatives de puissance publique si elle est investie d’une mission de service public. La nature de la personne n’est donc plus un élément primordial à prendre en compte puisque la finalité de son action l’emporte sur tout autre critère.

Il n’est pas rare de nos jours de voir l’État faire une délégation de service public à de nombreux organismes, furent-ils privés afin de bénéficier de leur expertise pour la réalisation d’une mission de service public.

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3 Comments
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Juliette

Merci pour votre partage, pourriez-vous expliquer les éléments différentiels et analogues entre les services plublics et les Etablissement Public?

Hana

Merci de votre partage

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