La forclusion est un mécanisme juridique qui consiste à sanctionner une personne qui n’a pas respecté les délais imposés par la loi dans une procédure. Ainsi, l’action dont elle disposait est éteinte.
Autrement dit, lorsqu’une personne a la possibilité d’effectuer une action en justice et qu’elle ne réagit pas avant l’expiration d’un délai prévu par la loi, alors cette personne ne pourra plus faire valoir ses droits parce que son action sera éteinte par la forclusion.
On comprend donc aisément que le demandeur ou le défendeur perdent leur droit d’agir une fois que le délai de forclusion est passé.
En droit commun, la notion de forclusion va de pair avec une autre notion juridique de telle sorte qu’il est possible pour les juristes de les confondre : il s’agit de la prescription.
En réalité, malgré le fait que la prescription de l’action en justice ressemble à la forclusion de l’action en justice, les deux termes désignent deux réalités différentes. C’est pourquoi nous allons apporter dans cet article des éléments de différenciation entre la forclusion et la prescription.
Précisons d’ores et déjà que la notion de forclusion peut se retrouver dans tous les domaines du droit, dès lors qu’un litige peut être soumis à une juridiction. On admettra donc que des délais de forclusion en matière civile, dans la jurisprudence administrative et même en matière pénale.
Il en va de même pour les délais de prescription qui peuvent opérer dans toutes les matières du droit. On parle aussi de forclusion dans le cadre de la procédure collective lorsque des créances n’ont pas été déclarées dans les délais prévus.
Dans cet article, nous allons dans une première partie présenter le concept de la forclusion telle que prévu par le législateur. Ensuite, nous allons brièvement aborder la notion de prescription et finir par une comparaison entre les deux notions juridiques.
Aperçu général de la forclusion
Présentation et définition de la forclusion
Il ne suffit pas d’engager une action en justice, de procéder à une assignation ou de réclamer justice auprès des juridictions. Encore faut-il intenter les différentes actions à temps en respectant les délais et les règles de procédure requis devant les cours ainsi que devant les tribunaux : C’est de là qu’est né le terme de la forclusion.
Par définition, il faut retenir que la forclusion est un mécanisme juridique de sanction qui pèse sur une personne qui s’abstient de faire valoir ses droits jusqu’à l’écoulement d’une échéance donnée. En d’autres termes, la forclusion a rapport à l’expiration du délai prévu par le législateur pour permettre à un plaignant de porter une affaire auprès des juridictions.
Il est aussi fréquent d’entendre parler du relevé de forclusion. En effet, lorsque des créanciers ne se font pas connaître à temps pour des créances impayées, ils peuvent faire une demande de relevé de forclusion.
Dans ce cas, ils devront prouver au juge que le dépassement du délai ne résulte pas de leur mauvaise volonté. Si le magistrat accepte, on dira alors que ces créanciers seront relevés de leur forclusion. Un recours à l’article R.332-18 du code de la consommation permet de mieux comprendre le fonctionnement du relevé de forclusion.
Toutefois, la forclusion ne s’applique pas de facto dans tous les cas. Lorsqu’en matière contractuelle, il en ressort qu’une des parties a commis une faute dolosive de sorte à faire peser la forclusion sur l’autre, on ne saurait faire la jouer contre la victime. C’est ce qu’a confirmé la troisième chambre civile de la Cour de cassation à travers un arrêt rendu en date du 8 septembre 2009.
Pour ce qui concerne les conditions d’application de la forclusion, le schéma ci-dessous présente un panorama des différentes causes qui peuvent conduire à la forclusion :
Les délais de forclusion
Concernant les délais de forclusion, il faut préciser que ce sont en réalité des délais de procédure. Si un requérant qu’il soit un débiteur ou un créancier ne respecte les délais de forclusion devant une juridiction, son action sera irrecevable devant les magistrats de cette même juridiction.
Peu importe qu’il ait adressé une mise en demeure à l’autre partie ou qu’il lui ait notifié sa contestation. Ce qui compte, c’est qu’il introduise sa requête auprès des juridictions avant le dernier jour de la forclusion.
Or, il ne faut pas oublier que le délai pour contester la décision rendue par une administration est très court sauf dans des cas exceptionnellement prévus par le code de procédure civile et par d’autres textes législatifs. En effet, ce délai court peut être rallongé dans certains cas exceptionnels.
NB : Il faut retenir que le délai de droit commun par lequel le justiciable peut faire la contestation d’une décision émanant de l’administration publique est de deux mois.
La forclusion pour interjeter un appel
En ce qui concerne les voies de recours contre les décisions de justice pour interjeter appel, le délai requis est d’un mois pour les jugements civils.
À titre informatif : Concernant le pourvoi en cassation, le délai de forclusion est de deux mois.
En passant, découvrez aussi : Que signifie la Cour rejette le pourvoi ? Vous trouverez sur cet article tous ce qu’il faut savoir lorsque la haute juridiction rejette le pourvoi formé par un requérant.
Passé ces délais, la forclusion est prononcée et le litige ne peut plus être présenté devant les magistrats. Si le demandeur revendique tout de même le contentieux, celui-ci sera rejeté par le juge avec une fin de non-recevoir.
Lorsque nous sommes dans un contentieux administratif, autrement dit lorsque la décision émane d’un tribunal administratif, le délai est de deux mois. Une fois ce délai expiré s’ensuit la forclusion qui entraîne la déchéance des droits du justiciable qui n’a pas tenu compte des délais de forclusion requis par le droit administratif.
Quelle que soit la matière, la forclusion a pour effet l’impossibilité d’agir en justice en vue de réclamer un droit ; lequel droit est considéré comme simplement éteint.
La forclusion pour former un pourvoi en cassation
Pour former un pourvoi en cassation contre une décision de justice, il faut distinguer selon que nous sommes dans une procédure référé d’urgence ou non. Lorsque le recours est formé hors procédure d’urgence, le délai de forclusion admis est généralement de deux mois que l’on soit dans un contentieux administratif comme dans un contentieux civil.
De façon plus simple lorsque l’arrêt rendu par une cour d’appel ou une cour administrative d’appel est contesté par l’une des parties, celle-ci dispose d’un délai de deux mois pour interjeter appel devant la haute juridiction (Cour de cassation ou Conseil d’État).
Il est essentiel de rappeler que la haute juridiction statuant en matière civile demeure la Cour de cassation et qu’en matière administrative c’est auprès du Conseil d’État que les justiciables doivent se rendre pour porter toute contestation.
Enfin, concernant les affaires rendues en matières pénales par les cours d’appel, leur contestation se fait dans un délai de cinq jours francs.
En principe, le point de départ du délai de forclusion demeure la date où la juridiction d’appel a rendu son arrêt. Plus précisément, le point de départ du délai de forclusion (pour ce qui concerne les voies de recours) démarre au moment où la notification de la décision a été rendue publique par le tribunal ou la Cour.
Aperçu général de la prescription
Lorsque le requérant reste passif pendant trop longtemps, il perd ses droits : c’est ce qu’on désigne en droit français par la notion de prescription extinctive. En d’autres termes, les droits dont bénéficie une personne pour intenter une action s’éteignent.
Les règles de prescription selon le Code pénal
Tout d’abord, il faut mentionner que la prescription de l’action publique est un phénomène fortement médiatisé pour ce qui concerne la procédure pénale.
Le délai de prescription varie en fonction de la gravité de l’infraction commise par l’agent pénal. Rappelons que le délai de prescription d’une contravention (qui fait partie de la catégorie des infractions mineures) est plus court que le délai de prescription d’un délit (qui lui est beaucoup plus sérieux).
Il va de la même manière pour la prescription concernant un crime dont le délai est rallongé par rapport à un délit. Ceci se comprend aisément puisque la logique juridique recommande que soient éteintes plus facilement et plus rapidement les « petites infractions » que celles qui ont un caractère sérieux.
Pour ce qui concerne la prescription en matière pénale, c’est à compter du jour où l’infraction est commise que commence à courir le délai de prescription. Cependant dès lors qu’il existe un acte de poursuites lié à cette infraction, le délai de prescription connaît une interruption.
Dans le cas d‘une interruption de la prescription alors un nouveau délai recommence à courir à partir de la date de l’acte interruptif comme un acte de poursuite. On entend par acte de poursuites, les enquêtes lancées par la police judiciaire ou encore l’instruction d’une affaire par un juge statuant en matière pénale.
Pour ce qui concerne les crimes, le délai de prescription est de 20 ans. Si chaque année il est constaté un acte d’enquête, ou encore un acte de poursuite ou encore un acte d’instruction, le délai de vingt années prévues pour la prescription est interrompu à chaque fois. Dans ce cas, le nouveau délai reprend dès que les différents actes cessent.
Pour ce qui concerne les délits tels que le vol simple, c’est après six années que ces infractions connaissent une prescription extinctive. Pour le cas des contraventions, une seule année suffit pour que soit prescrite l’action devant les tribunaux.
Les règles de prescription en droit commun dans le Code civil
La prescription de droit commun connaît trois grandes catégories de délai de prescription :
La prescription quinquennale est le délai de droit commun
Il en va ainsi par exemple des actions des consommateurs qui recherchent la responsabilité délictuelle ou la responsabilité contractuelle des professionnels. De la même manière, les actions en responsabilité des avocats se prescrivent par cinq ans.
La prescription décennale :
Elle concerne tous les cas de dommage corporel, ainsi que l’exécution des décisions de justice administrative ou judiciaire qui se prescrivent par dix ans.
La prescription trentenaire :
Elle concerne quant à elle toutes les demandes de réparation des dommages à l’environnement, ainsi que les actions réelles immobilières.
NB : Il existe en droit civil, à côté de la prescription extinctive qui résulte en une perte de droits, une autre forme de prescription dénommée la prescription acquisitive ou l’usucapion, un moyen de se procurer un droit de propriété.
Celle-ci permet aux personnes de gagner des droits après l’écoulement d’un délai reconnu en droit. En droit des biens, c’est le cas notamment lorsqu’une personne ayant occupé un bien immobilier sur une période de trente ans, sans que le propriétaire de ce bien n’ait réagi, acquiert la propriété de ce bien.
Distinction entre la forclusion et la prescription
Les similitudes entre la forclusion et la prescription
La forclusion et la prescription conduisent à une même finalité juridique
Le déroulement d’un procès ou encore le déroulement d’une procédure judiciaire s’inscrit nécessairement dans la durée. Ceci se justifie dans le sens où ce principe contribue au bon déroulement d’un procès équitable.
Il n’est donc pas possible qu’une action en justice puisse s’exercer indéfiniment. En effet, comme les droits substantiels (droit de propriété, droit de créance) s’éteignent avec le temps, l’action en justice elle aussi s’éteint après l’écoulement d’un certain délai.
Ainsi, lorsqu’il souhaite agir en justice, le plaideur doit respecter soit des délais de prescription (ce sont des délais posés de façon générale par la loi), ou des délais de forclusion (ce sont des délais prévus spécifiquement pour des actions définies).
C’est pourquoi, avant de se présenter devant un tribunal, une Cour ou une haute juridiction, il faudra tenir compte de ces délais de prescription et de forclusion pour intenter les différentes actions.
Cependant, rappelons que peu importe que l’on se situe dans un délai de prescription ou dans un délai de forclusion, l’inaction du plaideur peut entraîner une fin de non-recevoir. La fin de non-recevoir survient en cas de non-respect par le plaideur du délai de forclusion ou du délai de prescription qui caractérise l’action dont il dispose.
Les différences entre la forclusion et la prescription
La prescription est générale alors que la forclusion est spécifique
Comme nous l’avons souligné dans l’introduction, la prescription s’attache au droit d’action de manière générale et non à des actions spécifiques. La prescription signifie que le fait de ne pas agir constitue une abstention qui est sanctionnée par une fin de non-recevoir à l’expiration du délai prévu.
Cette prescription s’analyse comme un fait fautif de négligence de la part du justiciable. Ainsi, à l’expiration du délai de prescription, il n’est plus possible pour le justiciable de mettre en œuvre son droit d’action. Depuis la réforme de 2008, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans.
À côté de ces délais de prescription, on trouve des délais de forclusion qui sont aussi désignés par le terme de délais préfix. Un délai de forclusion est un délai qui a été prévu spécifiquement pour telle ou telle action.
Au-delà de ce délai, l’action doit être considérée comme éteinte. On dit que le demandeur est forclos à agir. Dans ce cas, le délai de forclusion est formulé de manière positive : une personne va bénéficier d’un délai fixé par le législateur pour former une action précise. Ce qu’on recherche avec ce délai de forclusion, ce n’est pas de consolider une situation, mais plutôt de sanctionner la négligence à exercer des droits.
Par exemple les voies de recours que constituent un type particulier d’actions pour lesquelles la loi a prévu un délai particulier : il s’agit de délais de forclusion. Ainsi, lorsqu’on dit que le délai pour interjeter appel d’une décision de justice est d’un mois, si la partie qui dispose du droit d’action dépasse ce délai d’un mois, celle-ci devient forclos à agir.
De la même manière, c’est un délai de deux qui s’applique lorsqu’on veut agir sur le fondement de la lésion ou sur le fondement de la garantie des vices cachés par exemple. Il s’agit donc de délais de forclusion, car ils sont attachés à des actions particulières (l’action en rescision pour lésion ou l’action en garantie des vices cachés).
L’intervention du juge n’est pas le même selon qu’il s’agisse d’une forclusion ou d’une prescription
Le délai de prescription ne peut être soulevé d’office par le juge. Or le délai de forclusion peut être soulevé d’office par le juge, car la forclusion est considérée comme d’ordre public.
L’interruption du délai n’est pas admise pour la forclusion, elle l’est pour la prescription
Dans la forclusion, la période définissant le délai ne peut pas être interrompue ou suspendue, alors que c’est le cas avec la prescription. En effet, comme mentionné ci-dessus, certains évènements (comme un acte de poursuites par exemple) peuvent interrompre la prescription.
Toutefois, certaines situations exceptionnelles comme l’introduction d’une demande de référé peuvent aussi provoquer l’interruption du délai de forclusion.