LA DÉFINITION DU PATRIMOINE
Dans le langage courant, les mots « droit et patrimoine » font références aux biens dont dispose une personne que l’on nomme le propriétaire. Le patrimoine immobilier en est un exemple.
Cependant, dans le domaine juridique et plus précisément dans les droits patrimoniaux, le mot « patrimoine » fait référence aux rapports de droits potentiellement évaluables en argent ayant comme statut un « engagement positif » ou « négatif ».
Dans le premier cas, ce seraient des créances par exemple tandis que dans le second cas, on ferait plutôt référence à une dette.
Partant de la notion de patrimoine, deux auteurs ont fait naître la théorie du patrimoine : Aubry et Rau entre 1836 et 1846.
Le patrimoine est alors perçu comme un ensemble de plusieurs unités et non pas de manière «séparée ». Ainsi, le patrimoine d’une personne peut être en quantité illimitée, ou limitée à un seul bien mais jamais de manière séparé. Le caractère unitaire est créé par le fait que tous les biens d’une personne forment un ensemble : une seule unité.
Ce peut être la propriété d’une personne physique ou morale (association, société, fondation…). Celle-ci représente le point commun de ces biens. Comme explicité par Aubry et Rau dans la théorie du patrimoine : « le patrimoine est l’ensemble des biens d’une personne envisagée comme formant une universalité de droit c’est-à-dire une masse de biens qui de nature et d’origine diverse et matériellement séparée ne sont réunis par la pensée qu’en considération du fait qu’ils appartiennent à une même personne ».
Ainsi la théorie du patrimoine a fait naître deux types de droit : les droits patrimoniaux et les droits extrapatrimoniaux.
DÉFINITION DE LA THÉORIE DE PATRIMOINE
Le patrimoine, selon cette théorie, fait référence à un ensemble de droits et d’obligations qui appartient à une personne. On fait davantage référence à une universalité de droit que de fait.
Il existe deux types de patrimoines : actif (statut positif) ou passif (statut négatif). Cela est précisé dans l’article 2284 du Code civil, indiquant que l’actif couvre la totalité du passif. : « quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers présents et à venir ».
Le principe est donc le suivant : l’actif est égal au passif. Cela induit que les biens présents et futurs du débiteur pourront payer toutes les dettes de ce dernier, prenant ainsi le statut de garantie pour les créanciers.
Si un commerçant fait faillite par exemple, la saisie peut se porter sur ses biens professionnels et personnels puisqu’ils font tous deux parties de ses actifs.
Ainsi, la théorie d’Aubry et Rau stipule que toute personne dispose d’un patrimoine : « le patrimoine est, dans sa plus haute expression, la personnalité même de l’homme considéré dans ses rapports avec les objets extérieurs sur lesquels il a eu ou il pourra avoir des droits à exercer ».
Ce dernier peut être complètement vide (notamment à la naissance). Mais au fil du temps, le patrimoine de l’intéressé se remplit.
De plus, tout patrimoine appartient à une personne (physique ou morale). Cela s’oppose à certains épisodes de notre histoire, durant lesquels certains humains étaient privés du droit de disposer d’un patrimoine et notamment durant la période de l’esclavage.
La théorie du patrimoine est par ailleurs parfaitement compatible avec la théorie de l’infans conceptus. En clair, celle-ci donne la possibilité à toute personne de disposer d’un patrimoine par anticipation par rapport à l’acquisition de la personnalité juridique.
Tout enfant qui pourrait naître dans le futur peut, selon l’article 725 du Code civil, hériter d’un patrimoine : « Il peut être gratifié (article 906 du Code civil) et peut bénéficier d’assurance vie en cas de décès (L.132-8 du Code des assurances) ».
CONDITIONS :
– L’enfant en question doit naitre vivant et viable.
– Par ailleurs, un principe important est évoqué par le Code civil et la jurisprudence : celui de l’unicité du patrimoine. Comme présenté précédemment, ce principe signifie qu’il est impossible de segmenter son patrimoine.
Ainsi, un patrimoine appartient forcément à une entité et demeure ainsi jusqu’à la fin de l’existence de cette personne physique ou morale : c’est ce que l’on désigne par « incessibilité entre vifs ». On dit que le patrimoine demeure uni et indivisible, comme la personne en question.
EXCEPTIONS :
– Le défunt doit accepter la succession. Une fois que l’héritier se trouve ainsi en droit de disposer de ce nouveau patrimoine, il doit payer, de manière complète, les créanciers du nouveau patrimoine.
– L’article 878 du Code civil donne aux créanciers la possibilité de demander la séparation des deux patrimoines : celui de l’héritier ainsi que celui du défunt dont le patrimoine sera hérité. Cela est possible si l’héritier a accepté la simple succession aux biens du défunt.
– L’héritier doit disposer d’une personnalité juridique.
LA DISTINCTION ENTRE LES DROITS PATRIMONIAUX ET EXTRAPATRIMONIAUX
La théorie d’Aubry et Rau stipule que « les biens qui composent le patrimoine ne comprennent pas le bien inné, ces biens doivent être exclus du patrimoine comme n’étant pas en eux même et a priori susceptible d’appropriation pécuniaire ».
Ainsi, seuls les droits ayant une valeur économique dite « directe » pourront être inclus dans le patrimoine d’une personne. Puisque les droits innés n’ont qu’une valeur morale et non pécuniaire, ils ne sont pas inclus dans le patrimoine, et ce sont donc des droits extrapatrimoniaux.
Voici quelques exemples de droits innés (important pour vos cours de droit) : le droit de mariage et le droit de vote. Ceux-ci ne sont pas quantifiables en termes d’argent. Ainsi, ils ne seront pas transmissibles à (aux) l’héritier (héritiers) lors du décès de l’intéressé.
Néanmoins, si le titulaire de ces droits innés commet des violations, cela entre dans son patrimoine et entre ainsi dans l’héritage (Article 9 du Code civil).
De nos jours, plusieurs limites à la théorie du patrimoine ont fait surface et c’est ce que nous allons évoquer dans la suite de cet article.
QUELLES SONT LES LIMITES DE LA THÉORIE DU PATRIMOINE ?
La théorie du patrimoine d’Aubry et Rau est néanmoins désuète dans certaines situations. C’est le cas notamment dans le monde des affaires. Si une personne souhaite se lancer dans les affaires, alors elle sera contrainte de mettre son patrimoine personnel en risque ou répondre de ses dettes professionnelles.
Une solution subsiste néanmoins : la création d’une personne morale disposant d’un patrimoine distinct pouvant, séparément, combler ses dettes à partir de ses actifs. Le principe de cette méthodologie juridique du patrimoine est entièrement respecté dans ce cas puisque la personne physique et l’entité morale disposent de deux patrimoines distincts.
De plus, depuis la « Loi Macron » de 2015, l’entrepreneur individuel est dans la possibilité de ne pas mettre sa résidence principale en tant que garantie à l’égard des créanciers professionnels.
Cela est d’autant plus vrai avec l’article L526-1 du Code de Commerce, stipulant que « les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissable par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne ».
Le principe est donc l’assouplissement de l’unicité du patrimoine pour les entrepreneurs. Prenons l’exemple d’une personne souhaitant créer une EIRL. Dans ce cas, celle-ci devra dresser une liste complète de ses besoins pour exercer son activité professionnelle.
Ces biens seront, par la suite, assimilés au patrimoine de l’EIRL et non plus au patrimoine personnel de l’entrepreneur. Ainsi, seul le patrimoine professionnel sera engagé auprès des créanciers. Cela permet donc à toutes personnes de disposer de deux patrimoines.
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