L’article 2276 du Code civil dans son alinéa 1 dispose qu’ « en fait de meubles la possession vaut titre ». Cela signifie que toute personne qui possède un bien meuble sur elle doit être considérée de facto comme étant le propriétaire de ce bien. Autrement dit, il n’est nul besoin de présenter un titre de propriété, lorsqu’on est en possession d’un bien meuble pour s’en prévaloir en tant que propriétaire.
Mais certains termes employés par l’article 2276 du Code civil méritent une attention particulière en ce sens qu’ils aident à bien appréhender le sens général de l’article.
Dans les prochains développements, nous présenterons l’article 2276 du Code civil en expliquant ce que sont les « meubles » et la « possession » (Partie1). Dans une seconde partie, nous aborderons le principe de la prescription acquisitive mise en exergue par le même article, ainsi que les voies de recours qui existent en ce sens (Partie 2).
Présentation de l’article 2276 du Code civil
Explication sommaire de l’article 2276 du Code civil
L’article 2276 du Code civil fait ressortir deux termes qui méritent d’être expliqués ; il s’agit des mots « meubles » et « possession ». Nous allons donc nous intéresser aux meubles retenus par l’article 2276 du Code civil et à la notion de possession dans les prochains développements.
Les meubles auxquels s’applique l’article 2276 du Code civil
Le Code civil a divisé tous les biens en deux catégories : la catégorie des biens meubles et la catégorie des biens immeubles : c’est l’article 516 du Code civil qui l’a prévu ainsi.
Différence entre biens meubles et biens immeubles
Le mouvement ou le transport d’un bien d’un lieu à un autre constitue la différenciation essentielle entre les biens meubles et immeubles. En effet, le bien meuble (corporel) peut changer de place par l’action de quelqu’un ou de quelque chose, contrairement au bien immeuble qui ne peut pas être déplacé.
Les biens meubles de l’article 2276 du Code civil
- L’article 2276 du Code civil exclut la propriété des immeubles
C’est seulement certaines catégories de biens meubles qui sont visés par l’article 2276 du Code civil, ce qui exclut d’office tout bien immobilier. En effet les règles régissant la propriété immobilière ou celles accordant un droit immobilier sont très rigoureuses et suivent d’autres procédures assez méticuleuses.
- L’article 2276 du Code civil ne vise que les meubles corporels
L’article 2276 met l’accent sur le fait que seuls les meubles qui peuvent faire l’objet d’une possession sont concernés. En effet, cela signifie qu’il existe des biens meubles que l’on ne peut tenir en main. Ce qui nous amène, pour l’application des différentes règles de droit, à déterminer si on est en présence de biens corporels ou incorporels.
Alors que les biens corporels sont des biens individualisés, visibles et que l’on peut matériellement toucher, les biens incorporels, quant à eux, ne sont souvent pas visibles à l’œil nu et ne peuvent pas faire objet d’une garde matérielle.
Exemple : la créance due par un débiteur est un bien meuble, la part d’une société en est aussi un. Pourtant, aucun d’eux n’est corporel, on va les classer comme des biens meubles incorporels. Ils ne sont donc pas concernés par l’article 2276 du Code civil. En définitive, seul un bien meuble corporel est visé par l’article 2276 du Code civil.
- L’article 2276 du Code civil ne vise que les biens appartenant au domaine privé
La possession vaut titre seulement lorsqu’il s’agit de biens appartenant au domaine privé. En effet, on ne peut pas s’accaparer un bien du domaine public et se réclamer titulaire du droit de propriété relatif à ce bien (Voir, les limites du droit de propriété).
- L’article 2276 du Code civil vise seulement les biens admis dans le commerce
En droit des affaires, tous les biens ne peuvent pas faire l’objet d’une vente, certains biens sont hors du commerce. De la même manière, en Droit civil, certains biens comme les biens relatifs aux souvenirs familiaux ne sont pas concernés par l’article 2276. En effet, ces biens-là font partie intégrante du patrimoine familial et, en tant que tels, ne sont pas admis dans le commerce.
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- Les autres biens visés par l’article 2276 du Code civil
Certains biens particuliers comme les biens qu’on peut immatriculer sont aussi concernés par l’article 2276 du Code civil. C’est l’exemple des véhicules, motocyclettes, etc. Toutefois, les navires et aéronefs malgré qu’ils soient soumis à une immatriculation ne rentrent pas dans la catégorie des biens retenus par l’article 2276 du Code civil.
Selon les termes de l’article 2276 du Code civil, dès qu’un possesseur de bonne foi est en possession d’un bien, il est considéré comme détenant également un titre de propriété à leur endroit. Il est donc important d’expliquer ce que c’est que la possession et la distinguer de la propriété.
La notion de possession au sens de l’article 2276 du Code civil
Les éléments de la possession
Deux éléments importants caractérisent le droit de possession : il s’agit de l’élément matériel et de l’élément psychologique ou intentionnel. L’élément matériel est désigné sous le nom de « corpus ». Quant à l’élément intentionnel, on l’appelle « animus ».
- Le corpus
Ici, celui qui a la possession du bien doit nécessairement en avoir la maitrise. Il doit pouvoir effectuer certains actes matériels sur la chose comme le ferait un véritable propriétaire. Autrement dit, il doit pouvoir jouir de la chose et s’y comporter comme s’il était titulaire d’un droit réel sur la chose.
Cependant, le corpus seul ne suffit pas pour caractériser la possession. En droit des biens, il existe plusieurs catégories de personnes qui peuvent avoir le corpus sur un ou plusieurs biens, sans pour autant en être possesseurs. C’est le cas du détenteur. Le détenteur c’est celui qui a la maitrise d’une chose d’autrui (il gère par exemple le bien pour le compte du possesseur ou du propriétaire).
Exemple pratique : Monsieur Georges est le bailleur d’un immeuble, il est considéré comme en étant le possesseur. Il loue l’immeuble à Monsieur Pierre qui y vit. Celui-ci serait alors considéré comme en étant le détenteur.
- L’animus
Comme mentionné, c’est l’intention qu’à la personne de se comporter et d’agir comme étant le propriétaire authentique du bien. Si cette intention ne s’ajoute pas au corpus, l’on ne saurait parler de possession.
Toutefois, il est important de ne pas confondre l’animus avec la bonne foi. L’animus ne vise que l’intention de la personne qui se comporte comme le maitre de la chose. Quant à la bonne foi, c’est la croyance réelle que le possesseur actuel est bien le véritable propriétaire.
Par conséquent, une personne malintentionnée et faisant preuve de mauvaise foi comme un voleur, par exemple, peut disposer de l’animus en agissant comme s’il était le propriétaire du bien volé.
Par ailleurs, le législateur a institué une présomption de l’animus à travers l’article 2256 du Code civil. De façon plus claire, la personne qui se dit possesseur doit être considérée par les autres comme l’étant vraiment. Toutefois, dès que la preuve du contraire est apportée par une autre personne, la présomption tombe, car il s’agit d’une présomption simple.
Lorsque l’animus n’est pas démontré par celui qui a le bien en sa possession et que celui-ci n’a jamais montré le désir de se comporter comme le propriétaire du bien, on l’assimile à un détenteur précaire. Alors que la propriété peut être acquise par le possesseur, ce n’est pas le cas pour le détenteur ou le détenteur précaire.
Pour résumer les propos précédents, le schéma ci-dessous permet de faire la distinction entre chaque élément.
Les conditions de la possession
Celui qui acquiert la propriété d’un bien doit avoir la possession utile. Ainsi, il faut la réunion de quatre conditions.
- L’exigence d’une possession continue
Pour mettre en évidence le caractère continu de la possession, il faut rechercher si le possesseur a eu la maitrise de la chose de façon régulière et interrompue. Autrement dit, il doit jouir de la chose sans aucune interruption et sans aucune séparation par un intervalle de temps.
Exemple : Madame Jeanne possède depuis dix ans une résidence secondaire en province et s’y rend une fois par an pendant les vacances. Quand bien même elle n’y habiterait pas de façon permanente, on ne peut pas contester sa possession continue c’est-à-dire sans interruption.
- L’exigence d’une possession paisible
Cette exigence est relative à la violence du corpus au moment de la possession. En termes clairs, si l’acquisition ou la jouissance du bien par le possesseur est entachée de violence, on conclura qu’il n’y a pas eu de possession paisible. La violence n’a pas besoin d’être nécessairement physique, elle peut de la même manière être morale.
Exemple : Monsieur Pierre, après avoir menacé tous ses frères héritiers d’un immeuble indivis, désire invoquer la propriété acquise sur l’immeuble pour y avoir vécu pendant des années. Son action sera rejetée parce que sa possession n’était pas paisible.
- L’exigence d’une possession publique
Ici, il faut que le possesseur mène des actions visibles par tout le monde par rapport au bien. S’il utilise le bien de façon clandestine, il ne peut prétendre à aucun droit de propriété à l’égard de ce bien.
- L’exigence d’une possession non équivoque
Il ne doit pas subsister de doute quant au fait que le possesseur est vraiment propriétaire du bien. Les tiers doivent être convaincus de sa qualité de propriétaire et les actes posés par le possesseur à l’égard des tiers doivent être les actes que poserait un propriétaire.
Soulignons ici que la possession n’est pas équivoque pour les biens qui sont en indivision puisque chacun des indivisaires peut utiliser son droit sur le bien indivis troublant de fait la possession des autres. L’indivision ne relève pas que du droit civil, mais elle concerne également le droit de la famille.
Les limites et exceptions à l’article 2276 du Code civil
Exceptions retenues par l’article 2276 du Code civil
Hormis la catégorie des biens qui ne sont pas meubles ou de ceux qui ne peuvent faire l’objet d’une possession, l’article 2276 du Code civil a prévu lui-même certaines exceptions au principe selon lequel celui qui possède un bien devrait être considéré comme son véritable propriétaire.
Le cas évoqué par l’article 2276 du Code civil est celui des biens meubles qui ont été volés ou perdus. Pour dire les choses simplement, même si toutes les conditions sont remplies, dès lors que le bien est volé ou perdu par le véritable propriétaire, celui qui détient le bien ne peut plus se prévaloir des conditions précitées pour être reconnu comme étant le propriétaire du bien.
- Le cas des biens volés
On ne peut être propriétaire d’un bien volé. Un bien volé est un bien qui a été subtilisé au propriétaire. La victime peut alors lancer une procédure de contestation dès qu’il le retrouve (le bien) dans les mains d’un autre individu.
Cette contestation peut même entraîner le paiement de dommages et intérêts au propriétaire de la chose et une condamnation du voleur. Il est utile de rappeler à ce niveau qu’en droit pénal, le vol est qualifié comme une infraction.
- Le cas des biens perdus
En principe, on ne peut pas être propriétaire d’un bien qu’une autre personne a perdu. Le nouveau propriétaire d’un bien perdu peut à tout moment être sommé de le rendre au véritable propriétaire, puisque celui-ci n’a jamais manifesté son intention du transfert de propriété du bien dans les mains du nouveau propriétaire (attention toutefois aux délais de prescription et notamment à la prescription acquisitive).
La différence entre la possession et la propriété
Bien que les deux termes s’apparentent, ils ne sont pas soumis au même régime juridique. Tout d’abord, la possession est une situation de fait juridique alors que la propriété est une situation de droit où le propriétaire manifeste peut faire valoir à juste titre son droit de propriété.
Par ailleurs, la propriété confère un plein droit à son titulaire. Il s’agit d’un droit réel par lequel le propriétaire dispose de toutes les prérogatives par rapport à la chose.
Les conséquences juridiques de l’article 2276 du Code civil
En droit français, il existe plusieurs modes d’acquisition de la propriété. L’article 2276 du Code civil énonce également un mode d’acquisition : il s’agit de la prescription acquisitive.
L’effet juridique induit par l’article 2276 du Code civil
L’article 2276 du Code civil a établi la prescription acquisitive des choses mobilières. La prescription acquisitive est un mécanisme juridique qui permet de réclamer la propriété des biens par le simple fait de les avoir possédés pendant un temps donné. Les biens acquis par prescription deviennent alors la propriété du possesseur, mais encore faut-il que celui-ci ait respecté toutes les conditions de la possession.
L’article 2276 du Code civil prévoit qu’une chose mobilière appartient à celui chez qui on la trouve. Autrement dit, une manière d’établir la propriété d’un bien mobilier est de vérifier qui détient le bien physiquement. Pour faire tomber cette présomption induite par l’article 2276 du Code civil, la charge de la preuve pèse sur la tête de celui qui conteste la possession ou de celui qui demande la restitution du bien.
Les recours et action en revendication de propriété
L’article 2276 du Code civil en son alinéa 2 donne la possibilité au propriétaire de lancer un recours en vue de revendiquer la propriété du bien volé ou perdu. Mais il faut distinguer deux cas : le cas où il est dans la posture de réclamer la propriété du bien auprès d’un tiers de bonne foi, et le cas où le propriétaire est dans la posture de revendiquer la propriété du bien auprès du voleur ou de celui chez qui il l’a découvert. Ces derniers seront considérés comme étant animés de mauvaise foi.
Les recours prévus par l’article 2276 du Code civil
Les recours contre le possesseur de bonne foi
Lorsque la revendication est lancée contre des tiers de bonne foi, l’article 2276 du Code civil en son alinéa 2 a prévu un délai de prescription de trois ans au bout duquel l’action en revendication ne peut plus se faire.
De façon plus claire, lorsque le propriétaire revendique la propriété du bien, il dispose de trois ans pour le faire, à compter du jour où le bien lui a été volé ou qu’il l’a perdu. Passé ce délai de trois ans, il ne peut plus réaliser une action en justice en revendication du droit qui lui appartient sur ce bien.
Par ailleurs, si un possesseur conclut avec un tiers un contrat translatif de propriété et qu’il est prouvé que les règles du Droit des contrats ont été respectées, on déduit que ce possesseur était de bonne foi.
Les recours contre le possesseur de mauvaise foi
Cependant lorsque le contentieux est lancé contre le voleur même ou celui qui a trouvé le bien, le délai n’est plus de trois ans. On suppose en effet que ces personnes sont de mauvaise foi et on leur applique alors le délai de prescription admis en droit commun qui est un délai trentenaire. Autrement dit, pour eux, le bien ne se prescrit qu’après l’écoulement d’une durée de trente ans.
Le régime procédural de l’action en revendication
En vue de se faire restituer son bien, le présumé propriétaire pourrait tenter une approche à l’amiable auprès du possesseur. Si cette approche échoue, il pourra intenter une action en revendication auprès de la juridiction compétente.
En règle générale, pour une chose mobilière valant moins de 10.000 euros, c’est devant le tribunal d’instance que l’affaire sera portée. Pour les choses mobilières valant au-delà, c’est le tribunal de grande instance qui sera saisi. Les services d’un avocat peuvent être requis tout au long de la procédure.
Rappelons toutefois à ce niveau que l’action en revendication de propriété qui respecte les règles de procédure civile se termine par la restitution du bien en cas d’aboutissement.
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